Le citadin n’a pas toujours rêvé de cités vertes. Autrefois, l’arbre procurait du bois et aujourd’hui il améliore l’environnement. Le végétal importe aujourd’hui davantage pour son rôle écologique que pour sa valeur économique.

Andrée Corvol, directrice de recherche au CNRS, raconte comment « l’arbre a conquis le pavé ». Elle est spécialiste de l’arbre et de la forêt dans leurs rapports avec la société, la politique et l’environnement. Elle a précédemment publié « L’arbre en Occident ».

L’arbre rural devint urbain : 1789

On a beaucoup planté lors de la Révolution. L’arbre était un symbole de liberté. Tous ces arbres symboliques, «  arbres de liberté » et «  arbres de justice », marquaient l’appartenance ou la libération lorsque le cultivateur refusait d’acquitter les taxes qui pesaient sur le foncier. Vecteur de la colère paysanne, l’arbre fut considéré autrement par les élites. C’était un cadeau de la Providence. L’arbre devait devenir un symbole d’unité. Par sa longévité, le chêne répondait aux attentes politiques. Mais, il a un inconvénient, à savoir qu’il pousse lentement. Le retour des arbres fut lié à celui de la paix. Napoléon Ier célébra ainsi les traités de Presbourg ou de Tilsit. On retrouva le phénomène de planter des arbres en 1989 où les 35 000 communes françaises furent invitées à fêter l’arbre sacré. 

L’arbre conquit la ville  XVIIe-XVIIIe siècle

Les plantations urbaines offraient le calme. L’arbre faisait partie d’une politique d’embellissement. Certaines villes voulurent plus qu’un jardinier en chef pour dessiner leurs allées et installer leurs arbres. Paris donna le ton dans les années 1830. A l’époque on aimait les arbres à grandes feuilles simples : l’orme s’imposa.

La ville s’adapte XVIIIe-XIXe siècle

Au début du XIXe siècle, les quartiers les plus prisés étaient les plus récents, les seuls qui eussent des allées. Les grands travaux du Second Empire placèrent le « boulevard » au cœur des opérations immobilières. Le citadin appréciait l’ombrage. Cependant, l’épaisseur du feuillage engendrait divers problèmes. Les tempêtes qui traversèrent la France en 1872, 1876 et 1894 forcèrent les municipalités à accélérer le renouvellement des arbres.

Le XIXe siècle fut l’âge de la fonte et du charbon. Les plaques ajourées triomphèrent dans l’entre deux-guerres. L’arbre souffrait donc moins de l’amélioration des voies que de l’installation du rail. La Troisième République poursuivit la tradition avec les sapins-présidents. Ce goût nouveau pour l’arbre impliquait de nouveaux métiers comme celui d’urbaniste. Avec le paysagiste, les plantations permettaient de structurer la ville au lieu de n’embellir qu’un quartier. Plus tard, se développa ce que l’autrice qualifie de « nostalgie rurale ».

La société se mobilise XIX-XXe siècle

Entre 1945 et 1970, la forêt linéaire recula au rythme de 45 000 kilomètres par an. Au fil du temps, l’arbre conserva ses fonctions traditionnelles : embellir une cité, définir un quartier, assainir un site. L’entre deux-guerres le dota de pouvoirs supplémentaires : ombrager les axes de circulation, enjoliver l’entrée des villes, améliorer l’aspect des banlieues. En 1930, la victoire du platane était consommée. Pour la première fois, des essences recevaient des usages différents : au marronnier et au tilleul, ombrage et ornement historique ; au platane, ombrage et ornement utilitaire. Bien plus tard, les platanes furent qualifiés d’ « accidentogènes ». Il fallut attendre les années 1970 pour retrouver l’équivalent des opérations du XIXe siècle. Cette fois le verdissement toucha les petites villes à la différence du précédent. L’arbre servait à corriger les ratés de la croissance.

Un ami qui nous fait du bien

Les années 1990 marquent un tournant : arrive à l’âge de décision une génération qui travaille en ville, fréquente les métropoles et réside en périphérie. Arbres et bêtes nous ressemblent : ils communiquent entre eux. L’arbre est de plus en plus utilisé dans la publicité. La RATP illustre la prolongation de ses lignes par l’élancement d’un arbre. On voit fleurir, si on ose dire, des comités pour défendre des arbres promis à l’abattage. A la différence des méthodes anciennes, on ne plante plus pour augmenter le prix du m2 mais pour diminuer la température ambiante.

Au terme de ce livre, on mesure bien que l’arbre appartient au roman national. Récupéré parfois dans le champ politique, il peut servir à commémorer un évènement ou être utilisé dans le cadre de l’aménagement urbain. Andrée Corvol propose avec ce livre un éclairage original sur les rapports entre les hommes et les arbres.