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Ce petit ouvrage de la collection « idées reçues », vient à point nommé pour traiter dans la classe de géographie de seconde d’une partie de la géographie des risques. Son format parfaitement adapté à la recherche d’informations précises, un glossaire de base en fin d’ouvrage, le rendent particulièrement utile pour l’enseignant et même pour un lycéen qui voudrait approfondir la question. Il est vrai que la vision des catastrophes naturelles surtout lorsqu’elle passe par des canaux vidéos comme You Tube, ne favorise pas la distance critique par rapport à des idées reçues. Cet ouvrage y réussit par contre parfaitement.
Gérard Brugnot est un spécialiste de la question. Ancien délégué aux risques naturels au Cemagref (Le centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts), est un spécialiste reconnu de son sujet. Il est actuellement administrateur de l’association française pour la prévention des risques naturels.

Les idées reçues dans ce domaine des catastrophes naturelles sont multiples, elles alimentent les conversations de café du commerce et la médiatisation de leur conséquences, réfugiés, victimes, destructions, éléments en furie, ne favorise pas forcément la réflexion critique.
face à la nature et à ses convulsions, face à l’inexorable montée des eaux où aux secousses sismiques, l’homme se rend compte qu’il est bien peu de choses. C »est donc cela qui entraine ce fatalisme, et cette idée reçue, « il y a toujours eu des catastrophes naturelles et il y en aura toujours »
À priori frappée au coin du bon sens, cette affirmation mérite une certaine prise de distance.

Le café du commerce des idées reçues

Cela est vrai pour leurs fréquences et leurs localisations. Elles sont plutôt rares en Europe et en tout cas limitées, toutes proportions gardées, par leurs conséquences
Lorsque l’on étudie la géographie des risques, on reprend souvent cette affirmation selon laquelle c’est l’homme qui crée le risque. Le tremblement de terre de Lisbonne qui a beaucoup frappé les contemporains, comme Voltaire et Rousseau. ce dernier explique que l’homme crée le risque en se regroupant dans des endroits dangereux, ce qui signifie que les conséquences de ces catastrophes peuvent être minimisées en diluant le risque ou en adoptant la prévention.
L’ouvrage revient à ce stade sur la notion de risque et surtout sur celle d’aléa, c’est dire d’un risque physique susceptible d’affecter les personnes et les biens, par nature difficilement prévisible mais pas forcément improbable.
L’auteur revient aussi sur des notions jurisprudentielles du droit français et anglo-saxon, le cas de force majeure ou act of god, désignant des situations devant laquelle l’homme se révèle impuissant, ce qui élimine la notion de responsabilité.
La bonne connaissance des catastrophes naturelles doit beaucoup aux travaux des historiens, du climat par exemple, comme Leroy Ladurie, mais celle-ci n’est pas suffisante parfois, comme pour la tempête de 1999. Leurs effets n’étaient, semble-t-il pas prévisibles, ce qui n’a pas été dénué de conséquences.
On peut aussi entendre parfois que désormais, les catastrophes naturelles peuvent être, du fait du développement technique, minorées. Le Cyclone Katrina a montré que les sociétés les plus développées pouvaient être vulnérables. Cependant est-ce pour des raisons techniques ou est-ce pour des facteurs sociaux ?

Les anciens savaient eux…

Le caractère vraiment naturel des catastrophes est lui aussi remis en cause. À chaque inondation dans le Midi de la France qui bouleverse les rives des fleuves et des rivières, les « anciens » évoquent la solidité des constructions du passé et s’émerveillent devantles ponts romains toujours debout. En fait ils étaient rares et d’après l’auteur on préférait plutôt les ouvrages légers, emportés par les crues et vite reconstruits et les bacs qui assuraient les passages d’une rive à l’autre et créaient de l’emploi pérenne.
Enfin dans cette série on s’interrogera sur cette affirmation selon laquelle les catastrophes naturelles sont plus graves qu’autrefois à cause des négligences humaines. Les études citées par l’auteur montrent que ce qui permet de mesurer la gravité de l’évènement étant mieux connu et surtout plus efficace, l’effet amplificateur des dommages est beaucoup plus important. Depuis le début du siècle, le nombre total des victimes a baissé, après le pic de la grippe espagnole tandis que le coût économique des dégâts a augmenté.

La question de l’impact du changement climatique sur les catastrophes naturelles, et particulièrement les inondations, alimente là aussi bien des affirmations péremptoires sur leur aggravation. Pourtant, les statisticiens sont beaucoup plus modestes. Si le changement climatique est bien constaté son incidence sur les catastrophes n’est pas prouvé de façon certaine. Des crues plus violentes que les pls récentes ont déjà eu lieu dans le passé, y compris en France, tandis que dans la longue durée rien de vrament significatif n’est observé qui aille dans ce sens.

Les pistes de réflexion contenues ici sont nombreuses. On retrouvera des arguments comme sur les feux de forêts qui peuvent en effet surprendre. Au delà des pyromanes, ces incendies, sont une sorte de régulation « naturelle » de la forêt d’après l’auteur et les techniques de prévention actuelles sont surtout imposées par la déprise rurale.

De la même façon, la question du développement durable est ici à examiner, avec de multiples préoccupations quand à certaines contradictions entre les constructions écologiquement correctes et leur résistance devant des tempêtes par exemple. les matériaux massifs, entrainent parfois des déperditions d’énergie mais résistent mieux que des matériaux plus légers. Cela peut signifier pour l’assureur des couts supplémentaires répercutés dans les primes.

Cet ouvrage tient donc toutes ses promesses. Il est certes limité, format oblige, sur les facteurs des catastrophes naturelles mais il remet bien cette question en perspective et peut même permettre à un élu, confronté à des rapports qui traitent de crues centennales ou décennales qui servent à prendre ensuite des décisions, de comprendre le cheminement qui conduit à faire telle ou telle proposition. mais il est vrai que la position élective amène parfois à s’accommoder de bien des idées reçues à défaut de les combattre.

Bruno Modica © Clionautes