La BD Les cieux noirs offre une occasion rare d’approcher les réalités complexes de l’Afghanistan. Le récit que propose Alain Bujak repose sur sa rencontre avec Yves Faivre, agronome durant près de 30 ans, en mission pour une ONG de développement.

Loin de la démonstration de l’action du héros, il nous propose le récit du vécu, difficile, dangereux mais passionné de cet homme, intrigué par ce pays, ses habitants qui malgré le danger a travaillé, à plusieurs reprises, au cours d’une histoire mouvementée, à aider les populations à tendre vers l’autosuffisance alimentaire.

L’auteur a choisi de croiser deux récits : celui du dernier séjour du héros, emprisonné par les Talibans de juin à juillet 2022 et celui de sa vie depuis le premier séjour en novembre 1992.

Un récit plein de sensibilité et bien mis en valeur par le dessin d’Andrés Abiuso.

Un titre un peu énigmatique : l’expression Les cieux noirs rend compte de la couleur des ciels d’hiver.

30 ans de guerre, de violences entre clans, factions et peuples de ce pays si complexe, le récit s’appuie sur quelques repères : l’occupation soviétique dont les traces furent longtemps présentes, le régime taliban, les attentats du 11 septembre et l’intervention américaine et rappelle les combats, les luttes incessantes, la violence, qui ont marqués le pays.

C’est aussi l’occasion, pour le lecteur, de découvrir, par petites touches, un peu des réalités agraires de l’Afghanistan : les karèses, ce réseau très ancien de conduites qui apportent l’eau des montagnes jusque dans les villages et les champs, à entretenir malgré les risques ; les méthodes traditionnelles de conservation des aliments ; la sélection des semences…

Le lecteur est plongé dans la complexité de l’Afghanistan, la rencontre d’une culture si différente de la culture occidentale, un peuple attachant, malgré la violence latente.

Je laisserai la conclusion à Yves Faivre, lors d’une rencontre avec l’auteur : « Ce pays est vraiment un défi pour notre mode de pensée. Il remet sans cesse en question les repères et tes certitudes […] Et c’est sans détour. » (p.108-109)

Une BD à découvrir, à conserver, une belle réussite pour qui s’interroge sur l’Afghanistan.