Une petite Parisienne de 11 ans, Manon, s’installe avec sa mère face à la montagne Sainte-Victoire, près d’Aix-en-Provence. Elle a du mal à s’intégrer dans son nouvel établissement scolaire et passe beaucoup de temps avec un vieux voisin retraité, artiste-peintre et passionné de peinture, notamment de Paul Cézanne. S’esquisse alors un dispositif narratif « très enfantin », didactique à souhait, qui évoque immanquablement le dessin animé Père Castor raconte une histoire.
François, le voisin retraité, livre ainsi une biographie de Paul Cézanne, depuis ses années de collégien, durant lesquelles il se lie d’amitié avec Émile Zola, jusqu’à ses années parisiennes marquées par ses rencontres avec Camille Pissarro, Claude Monet, Achille Emperaire, et ses retours à Aix-en-Provence, sans argent ni reconnaissance. Il rappelle aussi un tournant majeur dans l’histoire de la peinture, qui aura une influence déterminante sur le mouvement impressionniste : l’invention, à Londres en 1841, du tube de peinture. « Avant, on ne peignait qu’en atelier ou en intérieur…
Mais avec l’invention du tube, les peintres sont sortis peindre en plein air ! » (planche n° 30). En 1870, Cézanne fuit Paris et la guerre, et se réfugie à L’Estaque (un quartier de Marseille) avec sa compagne, Hortense Fiquet. François souligne également le soutien apporté à Cézanne par le docteur Gachet, installé à Auvers-sur-Oise et grand mécène des impressionnistes, ainsi que par le père Tanguy, qui fournira peintures et toiles à Monet, Renoir, Pissarro, Lautrec, Guillaumin, Van Gogh, entre autres.
À notre avis, certains aspects de cette bande dessinée sont, sinon déplaisants, du moins artificiels. Certains dialogues, notamment ceux placés dans la bouche d’une jeune fille de 11 ans, semblent peu réalistes. Ainsi, Manon s’exclame : « … les impressionnistes ! J’adore ces peintres… Monet, Manet, Renoir, Pissarro, Cézanne… Je suis fan de ce mouvement artistique qui sublime les couleurs et les formes, variant avec le caractère éphémère de la lumière ! » (planche 36).
L’usage récurrent de la montagne Sainte-Victoire en arrière-plan de certaines cases ou en pleine page, sous forme d’aquarelles, devient rapidement répétitif (une cinquantaine de fois en 56 pages !). Les échanges entre le vieil homme et la jeune fille sonnent souvent faux, comme s’ils obéissaient à un cahier des charges à respecter : name-dropping de toponymes à citer absolument, ou aspect très scolaire des éléments biographiques sur Cézanne. Si le récit est parfaitement édifiant, il ressemble trop souvent à un cours « classique » d’histoire de l’art sur Cézanne et les impressionnistes. Peut-être cela s’explique-t-il par le fait que cette bande dessinée semble avoir été sollicitée et soutenue par l’association « Route Cézanne », ce qui justifierait la redondance du titre ?
Subjectivement, les dessins nous paraissent trop « enfantins ». On comprend la volonté du dessinateur de retranscrire le « style impressionniste », notamment par un usage immodéré de l’aquarelle, mais il nous semble que l’objectif n’est pas atteint. Par ailleurs, les couleurs, très vives, parfois criardes, ne contribuent pas à atténuer cette impression de bande dessinée destinée à un jeune public.
En définitive, voici une bande dessinée qui se lit rapidement et permet de découvrir la vie de Paul Cézanne et son ancrage dans un territoire, où la Sainte-Victoire occupe une place centrale. Les auteurs replongent le lecteur dans l’univers et la période des impressionnistes, à travers ce biais biographique. Leur ouvrage constitue une porte d’entrée « tout public » vers ce courant artistique.