Des arbres, l’aide sociale à l’enfance ou encore la place des pigeons dans la ville : la Revue Dessinée offre comme à son habitude des éclairages très variés sur notre monde.
Sève qui peut
Planter pour ne rien changer : telle pourrait être la devise des pétroliers ou autres gros pollueurs. Dans un rapport récent, Greenpeace dénonce ce qu’elle appelle le treewashing, version forestière du greenwashing. Le reportage part d’exemples de lieux où on a commencé à replanter des arbres depuis plusieurs années en raison des bienfaits qu’ils apportent. Pompe à carbone, accumulateur d’eau ou encore climatiseur, les avantages sont nombreux. Il existe un plan national pour planter des arbres mais on constate que les effets diffèrent selon les lieux. On a tendance à trop parler en terme quantitatif. De plus, planter des arbres ne veut pas forcément dire améliorer la biodiversité. Plusieurs indicateurs sont à considérer comme l’abondance d’oiseaux forestiers ou encore le nombre d’essences d’arbres. On remarque aussi que la regénération naturelle qui consiste à donner du temps et de l’espace aux végétaux et à la faune est la meilleure méthode, mais elle ne représente que 2 % des initiatives à l’échelle européenne. La présence d’arbres peut faire diminuer la température de sept degrés. Bref, faut-il mieux planter 100 arbres dans un terrain abandonné ou en restaurer en zone humide ? Il faut se poser des questions simples : qui plante, avec quels objectifs, qui en bénéficiera le plus ?
Subaquatique, musique et sémantique
La rubrique « La revue des cinés » est consacrée à « Lost Highway » de David Lynch. La première scène montre Fred qui entend sonner à l’interphone. Il appuie sur le bouton listen et, à partir de ce moment-là, le récit dessine une boucle qui va se refermer sur elle-même.
« Instantanés » met en avant la figure de Sergueï Mikhailovitch, un photographe qui a réalisé 10 000 clichés de la Russie du début du XX ème siècle. Il a été l’un des premiers à avoir su restituer la couleur.
Avec « Mi-temps », vous saurez tout sur le hockey subaquatique. Né en 1954, il nécessite un peu de matériel dont un palet de 1,5 kg. Il ne faut donc pas oublier le protège dents. Les matchs durent deux fois quinze minutes pour des équipes de six personnes.
« La sémantique c’est élastique » se penche sur les truismes. On peut dire qu’il s’agit de parler pour ne rien dire, mais avec un certain style. Comme disait Roland Barthes, la tautologie dispense d’avoir des idées. Ca existe depuis longtemps car des Romains s’y livraient déjà. Plus tard, on peut évoquer le cas de La Palice évidemment.
« Face B » propose un portrait de Pascal Comelade qui se dit artisan plutôt qu’artiste, bricolant des sons dans une démarche populaire. Il a connu une courte période d’exposition médiatique.
Retour sur le jet de Bernard
Le reportage poursuit une enquête de 2022 qui a montré les multiples déplacements en avion de Bernard Arnault. L’avion ne représente que 3,7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ce chiffre peut sembler relativement faible mais il ne faut pas oublier qu’il est en réalité élevé. L’avion, mais surtout les jets privés, ne permettent de transporter que peu d’individus. Ce type de déplacement est le symbole de tous les excès. Bernard Arnault a changé d’avion pour décourager ceux qui le pistent. Ces derniers utilisent des données publiques, mais le milliardaire reste protégé par plusieurs hommes politiques qui répètent tels quels les éléments de langage fournis.
Le poignard d’Algérie
Florence Beaugé et Aurel mènent l’ enquête autour d’un objet, un poignard attribué à Jean-Marie Le Pen. En 1957, Ahmed Moulay est torturé et décède sous les coups des paras. Un poignard est oublié sur place et est récupéré par Mohamed, le fils d’Ahmed. A douze ans ce dernier bascule dans l’action et devient le plus jeune des combattants indépendantistes algériens. Bien longtemps après, au moment où Jean-Marie Le Pen arrive au deuxième tour de la présidentielle, les médias réouvrent l’enquête sur la période algérienne du leader du FN. Le poignard à son nom resurgit alors.
La condition urbaine
Ce reportage se penche sur les pigeons. C’est l’oiseau urbain le plus commun de la planète. Selon les époques, le pigeon a incarné tout et son contraire. Il a représenté, à un moment donné, un animal symbole des aristocrates. Il a été aussi un héros de guerre et un outil de communication. Au XX ème siècle, il perd progressivement son utilité aux yeux des humains. Ses capacités de messager sont éclipsées par le progrès des télécommunications. Sa fiente, jusqu’ici utilisée comme engrais, est remplacée par des produits industriels. De plus, il est accusé de détériorer des bâtiments ou de faire du bruit.
A bout de souffle
Cette enquête sur l’aide sociale à l’enfance fait frémir. Le nombre de mineurs en danger augmente. Les encadrants sont lessivés. Cette mission publique historique s’enfonce dans la crise. A la fin de l’année 2023, 396 000 jeunes sont concernés par une prise en charge par l’ASE. Au total, 56 % sont placés et les autres sont finalement maintenus dans leur milieu de vie habituel. Les départements s’en occupent mais ils sont souvent en grande difficulté financière. A cause des difficultés, des mesures de placement ne sont pas exécutées ce qui expose des jeunes au danger. Plusieurs raisons expliquent que les placements décidés ne sont pas exécutés. Au début de l’année 2024, en Loire-Atlantique, plusieurs situations alertent les professionnels. De plus en plus d’intérimaires interviennent mais manquent souvent de formation.
Absents à l’appel
Plus d’un millier de soldats regrettent chaque année leur choix de carrière au point de déserter. On voit par exemple le cas d’Axel ou d’Hugo. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix : l’éloignement d’avec leurs proches, d’autres ont du mal avec la hiérarchie ou ne supportent pas la dureté du métier. Ce renoncement peut se produire aussi au bout de plusieurs années. On voit le cas de Lucas qui, à partir du moment où il s’est converti à l’islam en 2020, a vu changer le regard de sa hiérarchie sur lui.
Précarité alimentaire
En 1985, Coluche crée « Les restos du cœur » en espérant qu’ils soient provisoires. Aujourd’hui, des collectifs d’habitants cherchent des alternatives pour rendre effectif le droit à l’alimentation. A Grande Synthe, on compte 63 % de logements sociaux, 27 % de chômeurs et un tiers des ménages vit sous le seuil de pauvreté. L’épicerie citoyenne est le dernier projet né autour de l’idée de donner un accès à tous à une alimentation de qualité. Aujourd’hui, en France, 5 millions de personnes ont recours aux dons pour se nourrir. L’Etat se repose sur les associations en se contentant de les soutenir financièrement. La structure des prix alimentaires est en contradiction avec la consommation d’une alimentation favorable à la santé. Une calorie de fruits et légumes coûte cinq fois plus cher qu’une calorie de tous les autres aliments. On trouve une carte de France des différentes initiatives. En 2024, un étudiant sur cinq recourait à l’aide alimentaire et un tiers disent sauter régulièrement un repas.
Au prochain numéro, La Revue dessinée enquêtera sur l’avortement, le métier de pêcheurs et proposera une réflexion sur le patrimoine culinaire.