Après une première journée consacrée aux rapports entre pouvoirs municipaux et pouvoirs royaux, l’ouvrage présenté ici aborde les communautés sous l’angle fiscal et financier. Un troisième opus traite des justices royales secondaires.
Grâce aux livres de compte de la communauté, Gilbert Larguier retrace les finances municipales de Vinca (Roussillon) du milieu du XIVe siècle au XVIIIe siècle. Il peut ainsi proposer « un modèle d’itinéraire fiscal » grâce à cette étude de cas. Petit bourg, Vinca participe d’une culture fiscale partagée autant par les villes que par les villages du Roussillon. Hormis les taxes sur les moulins, les sources de revenus sont relativement stables pour la communauté. Cette dernière affecte principalement les revenus des impôts directs aux dépenses liées à la défense, à la guerre et aux subsides royaux. L’endettement de la communauté est chronique mais le remboursement de la dette, irrégulier, permet une certaine souplesse. C’est le recours à l’emprunt qui sert de prétexte à une intervention accrue des pouvoirs royaux dans les finances locales en dépit des mesures de contrôle instaurées dès le XIVe siècle par les communautés comme Vinca.
Christophe Juhel dresse les portraits des «gastadores» qui se sont succédés à Perpignan entre 1649 et 1790. Trésoriers de la ville, ils ont pour fonction de centraliser les recettes et d’acquitter les dépenses de cette dernière. Cette fonction municipale apparaît dans un contexte d’accroissement des dépenses de défense puis est marquée par la mainmise croissante des autorités royales, notamment au XVIIIe siècle. Le milieu de recrutement des trésoriers de la ville de Perpignan est relativement homogène. En effet, pour des raisons de solvabilité, les marchands immatriculés de la ville sont les mieux à même de remplir cette charge.
Delphine Joubes montre les conséquences de l’intervention du pouvoir royal sur les finances de la ville de Perpignan au XVIIIe siècle. Les finances de la ville connaissent un déficit chronique : le rattachement au royaume de France a vu la disparition de certaines recettes (droits perçus sur la création et la réception des bourgeois nobles) et l’instauration de fortes dépenses à caractère militaire (garnison à demeure). Ce déficit alimente un fort endettement. Or, certaines décisions des intendants (affectation de certaines recettes au service de la dette, mesures de libre circulation des marchandises) ne contribuent pas à assainir la situation financière de la ville. La mainmise de l’intendant est tellement appréciée que les cahiers de doléances de 1789 réclameront son départ …
Olivier Cadina s’attache à décrire les mécanismes fiscaux et leurs évolutions en Andorre du XVe au XIXe siècle. L’organisation fiscale d’Andorre présente une double échelle qui reflète l’organisation politique (6 communes réunies au sein du Conseil des Vallées). Comme d’autres redevances seigneuriales versées en argent, l’impôt seigneurial dû aux pariers (questia) connaît du XIIIe au XIXe siècle une dévaluation continue. Par ailleurs, les recettes des communes et du Conseil des Vallées ont considérablement évolué au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Au milieu du XVIIe siècle siècle, l’impôt perçu sur les citoyens de plein droit (anfochs) cède en importance vis-à-vis du surplus perçu lors du recouvrement des sommes dues pour la questia à laquelle sont aussi soumis les autres chefs de famille (casalers). Cet élargissement de fait de l’assise fiscale ne s’accompagne pas de tensions sociales dans la mesure où la mise en location des biens communaux et des estives procure de nouvelles recettes et l’essentiel des revenus des communes et du Conseil au XVIIIe et XIXe siècles.
A travers l’analyse du Traité des tailles d’Antoine d’Espeisses, Florent Garnier montre comment l’argumentaire du juriste fiscaliste, notamment par de nombreuses références aux textes royaux ou des cours souveraines, traduit la volonté royale d’unifier le droit juridique français.
Bruno Jaudon revient sur une « anomalie » fiscale, la taille épiscopale en Gévaudan, impôt seigneurial établi à la fin du XIIIe siècle et devenu à la fin du XVe siècle une portion de la taille royale. Cette « anomalie » qui traverse les communautés est créatrice d’inégalités et de tensions. L’éloignement des centres de décisions, et par conséquent des autorités, est l’un des facteurs qui permet au statu quo de durer du fait de la résistance de contribuables aux intérêts bien compris …
Stéphane Durand aborde la collecte de la taille en Bas-Languedoc au XVIIIe siècle sous l’angle des collecteurs à travers la question des droits de levure. Il met en évidence deux périodes. L’une, marquée par des taux de levure très élevés, précède la stabilisation monétaire de 1726 et correspond à une conjoncture économique difficile. La seconde est plus favorable aux collecteurs comme le montrent des taux de levure plus réduits voire nuls. Des taux si réduits s’expliquent par ailleurs par le développement de systèmes fisco-financiers locaux favorisés par l’accroissement des impositions au cours du siècle.
Irène Dauphin analyse le recours à l’endettement à Agde dans le premier quart du XVIIe siècle. Le recours à l’emprunt est crucial pour cette communauté mais pèse fortement sur ses comptes : un peu plus du quart des dépenses sont des remboursements d’emprunts. L’annualité des charges consulaires explique pour une large part l’absence de politique financière à long terme. Les emprunts les plus importants font l’objet de contrats notariés. Les créanciers ne forment pas un groupe homogène même si la bourgeoisie locale, souvent consulaire, ainsi que les femmes sont particulièrement représentées.
Caroline Chevalier s’interroge sur les fonctions financières qu’exercent les intendants en Languedoc et en Roussillon. Si leurs lettres de commission sont identiques, l’exercice de leurs prérogatives financières diffèrent. En effet, en Languedoc (pays d’Etats), l’intendant se limite à s’assurer du respect (pas très joli : à faire respecter ) des règlement tandis qu’en Roussillon (pays d’imposition), il participe à l’établissement de l’impôt dont il assure la répartition puis la collecte.
John Cantarel aborde la question de la fiscalité qui pèse sur l’étranger aux XVIIe et XVIIIe siècles en Languedoc et en Roussillon et plus largement dans l’ensemble du royaume. Il montre comment l’acte de naturalisation, ainsi que l’imposition des étrangers et des naturalisés sont devenues une ressource fiscale pour la monarchie à partir du règne de Louis XIV. Cette politique fiscale n’est pas engagée en Roussillon dans un souci d’intégration de la nouvelle province au royaume. En Languedoc, elle se heurte à une exemption, obtenue à la fin du XVe, vigoureusement défendue par les États.