« Une sélection des meilleures enquêtes de Mediapart menées par plus de 50 journalistes, au prisme du regard et sous les crayons de la revue dessinée dans une édition spéciale. » Comment le dessin témoigne-t-il plus finement de la réalité souvent difficile à prendre en photo ?
Le délit de fraternité
Juridiquement, il n’a aucune existence. Pourtant, Aider les étrangers en situation irrégulière, expose à des poursuites des autorités, car le pays des droits de l’homme prend mal en charge les candidats à l’exil. Certains témoignages peuvent surprendre. Dans la vallée de la Roya ou en Seine-Saint-Denis ou dans la jungle de Calais, des pressions sont opérées par les collectivités locales : refus de prêter des locaux, verbalisation pour distributions « illicites » de repas, intimidation par les forces de l’ordre. Tous les moyens sont bons pour rendre la vie des aidants aux candidats à l’exil plus difficile.
Paye ton syndicat
Dans la tempête des contestations des gilets jaunes, un nouveau syndicat proche du pouvoir, « Avenir lycéen », reçoit des subventions du ministère de l’Éducation nationale. Les sommes sont dépensées sans contrôle à des fins récréatives pour les jeunes. Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour détournement de biens publics et l’inspection du ministère se poursuit sur plusieurs syndicats étudiants. L’enjeu pour Jean-Michel Blanquer est d’éviter que les regards restent braqués sur Avenir lycéen.
Machine à cash
Des malversations et de la corruption se perpétuent en Irak à partir du printemps 2003 après les opérations militaires américaines qui renversent Saddam Hussein. Des milliards de dollars auraient été introduits pour la reconstruction du pays, gouverné indirectement par une puissance étrangère, qui pourtant s’enfonce dans le chaos. D’anciens soldats et hommes de main ont décidé de livrer leur vision de la gestion de l’Irak par les Américains. Une enquête de huit mois est menée, à haut risque pour les journalistes comme pour les témoins. Elle montre les responsabilités de George W. Bush, en Irak et en Afghanistan, que l’on a un peu oubliées par rapport aux agissements de Donald Trump ou même de Joe Biden.
Le virus monarchique
Le sujet de la Covid 19 étant particulièrement sensible et politique, on va reprendre les termes exacts utilisés par Mediapart. On se pose la question de savoir si l’Élysée s’est montré un fauteur de troubles dans la gestion de la crise. Masques, tests, vaccins… La crise a-t-elle été mal gérée ? Était-il possible de faire mieux ?
Les journalistes de Mediapart pensent que le président de la République a tenu un rôle exclusif, une gestion solitaire selon sa vision jupitérienne de la politique. Il n’a cessé de créer des courts-circuits en chaîne dans l’appareil de l’État. Il contredit les ministres, le Conseil scientifique qu’il a lui-même choisi et les acteurs du système de santé. Peut-on rire de la gestion de cette pandémie ? Pour les dessinateurs, le rire est un outil de décryptage et de compréhension. Le titre, virus monarchique donne le ton et permet de révéler une autre ampleur dans la mise en scène du pouvoir.
Mac Do sur le grill
« Venez comme vous êtes » mais gardez le silence. Les salariés des chaines Mac Do sont jeunes et souvent précaires. Ils subissent beaucoup de brimades et du harcèlement mais ils n’ont aucun recours. Les employés sont sélectionnés en fonction de leur physique et certains peuvent se retrouver dans l’arrière cuisine. Le système franchisé induit un morcellement des responsabilités patronales. En cas de problème, le salarié se retrouve seul. Depuis 2020, un collectif McDroits soutient des dizaines de personnes qui ont décidé de témoigner. Pendant trois mois, des journalistes de Mediapart et de Streetpress ont épluché près de 78 témoignages. Une manière de donner la parole à celles et ceux qui l’ont si peu.
En prison pour rien
Il s’agit ici de revenir sur le verdict en appel de l’affaire dite « des policiers brûlés » de Viry-Châtillon. Ses huit acquittements ont déclenché un tollé dans la profession qui réclamait des peines exemplaires. Pourtant, Mediapart a enquêté et découvert des manquements et des falsifications dans les investigations judiciaires : des procès-verbaux tronqués ou déformés, certaines omissions dans les dépositions. Depuis 2007, les gardes à vue sont filmées mais les enregistrements ne sont pas remis à la personne mise en cause. Il faut en contester la retranscription pour en avoir une copie. Cet accès a permis d’innocenter des prisonniers. Les avocats espèrent que cette exception fera jurisprudence.
La dette et alors !
Faut-il réduire la dette et maîtriser la dépense publique ? Avec le spectre d’un endettement qui explose et d’un état en faillite, doit-on gérer un État comme le budget familial ? Pour certains économistes, la dette permet de justifier des mesures injustifiables. Les politiques pourraient choisir les perdants de la crise. On parle par exemple de relancer une réforme des retraites où le niveau des pensions serait dépendant de l’équilibre comptable du système et non des besoins de la société. En choisissant l’austérité et en refusant la solution fiscale, on avance la théorie du ruissellement : faire payer les riches détruirait des emplois. Mais cela revient, de fait, à faire payer aux plus pauvres les intérêts de la dette détenus par ceux qui peuvent épargner.
Après cette édition spéciale de la Revue dessinée, les journalistes et les illustrateurs ont décidé de faire durer leur collaboration pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs