CR de Cynthia Ghorra-Gobin.
Les auteurs analysent comment les Etats-Unis s’organisent pour déployer dans la « nouvelle Europe » (expression chère à Donald Rumsfeld) une stratégie systématique. Celle-ci consiste d’une part à assurer une influence politique relativement conséquente sur l’ensemble du Vieux Continent et d’autre part à affaiblir le processus d’intégration européenne. La pénétration américaine en Europe centrale et orientale permet également à Washington de se rapprocher des zones de crise riches en pétrole (Moyen-Orient et Caucase) tout en s’assurant une position centrale entre l’Union Européenne et la Russie. La subtilité de l’analyse provient du fait que les auteurs ont démontré l’usage par les Etats-Unis d’instruments de puissance de caractère soft (éléments immatériels) et hard (éléments matériels) et qu’ils ont mis en évidence la méfiance des Etats de l’Europe centrale et orientale vis-à-vis de la politique menée à leur égard par les Etats européens au cours du XXe siècle.
Aussi le lecteur comprend clairement que cet alignement de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale sur les Etats-Unis ne découle pas d’une simple stratégie de puissance mais relève également d’une fascination pour la superpuissance et d’une sérieuse crainte d’un retour en force de la Russie. On parle alors de la « réceptivité » des sociétés ciblées. Cette idée est illustrée par de nombreux tableaux dont ceux de la page 70 et des pages 78-79. Le premier montre clairement le rôle incontournable des universités américaines dans la formation des élites des pays européens : 18 d’entre eux y ont été formés. Le deuxième rassemble les noms des principaux centres de recherche de l’Europe centrale et orientale affiliés dans le cadre de partenariats à des universités américaines. Les éléments culturels ont, en effet, un rôle central dans la domination américaine et leur « puissance structurelle » s’exerce également de façon diffuse en façonnant les structures de l’économie globale et en influençant les individus (décideur ou simple citoyen) à travers les banques, les entreprises, les médias ou même les universités. Le chapitre 4 intitulé « les élites politiques et intellectuels au service du soft power américain » est remarquable.
La lecture de cet ouvrage qui repose sur un sérieux travail de documentation (incluant des articles et ouvrages scientifiques ainsi que des références relevant d’institutions ayant une certaine visibilité dans le cyberespace) et qui s’articule autour d’une solide argumentation ancrée dans une problématique est vivement conseillée à toute personne souhaitant être à jour sur les questions relevant de l’ordre mondial, du rôle de la superpuissance (dans un monde globalisé) et de l’avenir de l’Europe. Il est organisé autour de sept chapitres dont l’enchaînement s’inscrit logiquement autour de ce fil conducteur. Il manque toutefois une liste des tableaux et une cartographie mettant en évidence les enjeux territoriaux de l’influence de la superpuissance en Europe (ressources minières et réseaux de transports).
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