Ce petit ouvrage écrit par deux Africains, Seydou Kanté Il est docteur en géographie politique et géopolitique de la Sorbonne et directeur de l’Institut africain de géopolitique et de géostratégie à Dakar diplomate et El Hadji Ibrahima FayeIl est diplômé de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et chercheur associé à l’Institut africain de géopolitique et de géostratégie, géographe et journaliste, propose une clé de compréhension de la situation actuelle au Sahel.
Le cadre de cette analyse : les pays du G5 Sahel menacés par le terrorisme.
État des lieux
C’est d’abord une présentation des causes du développement du terrorisme :
- Résurgence de la rébellion touareg, née en 1990 au Mali et au Niger, elle renaît dans la période 2000/2010
- Les conséquences de la guerre en Libye qui met sur le marché une grande quantité d’armes et fragilise l’équilibre géopolitique de la zone
- Des États faibles : crise économique et mauvaise gouvernance
- Le jeu des puissances étrangères intéressées par les ressources minières (uranium, or …) qui justifient leur présence militaire (France, États-Unis) ou montrent, comme la Chine, un appétit grandissant pour ces ressources ?
Les différents groupes terroristes
Les auteurs présentent les différents groupes en présence, leurs composantes idéologiques, leur positionnement dans l’espace, leurs principales actions depuis 2010.
La description porte sur :
- le GSIM – Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et ses déclinaisons ‘AQMI, Ansar Dine, Katiba Macina
- l’EIGS – État islamique dans le Grand Sahara
La carte (p. 35), des aires d’influences de ces deux principales organisations met en évidence pourquoi la « zone dite des trois frontières » est l’épicentre du « djihadisme sahélien » : une zone qui regroupe 10 millions d’habitants appartenant à un grand nombre d’« ethnies » en compétition pour le pouvoir local, l’accès à la terre et à l’eau, donc un terreau favorable pour l’intervention des groupes terroristes qui exploitent cette conflictualité.
Les réponses face au terrorisme
Cette seconde partie décline, d’abord, les réponses non-africaines.
- L’engagement de la France : opération Serval puis Barkhane jusqu’au retrait exigé par le Mali
Un encart envisage la situation actuelle du Mali : peut-il devenir un nouvel Afghanistan, après le retrait français ? Les auteurs analysent les objectifs des groupes djihadistes, leurs financements, les stratégies et la dégradation de la situation sécuritaire. Le rôle de la Russie sera traité plus tard.
- la Task Force Takuba
- Les missions de l’union européenne
- L’intervention américaine avec les Forces spéciales
- Les stratégies de la Russie au Sahel, notamment les interventions du groupe Wagner en Syrie, en Libye, en Centrafrique. Les auteurs font mention des objectifs économiques :vente d’armes, exportation de technologie minière. Ils évoquent aussi la politique de décrédibilisation des opérations occidentales et plus spécialement françaises via les « trolls » et les « boots »
Un encart bref sur ce que peuvent changer les avions de chasse fournis par la Russie au Mali.
Un autre encart sur le coup d’État militaire de 2022 au Burkina Faso.
- La MINUSMA – Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali dont le mandat court jusqu’au 30 juin 2023. Ces troupes, déployées depuis l’accord d’Alger entre l’État malien et la coordination des mouvements de l’AZAWAD (2015) sont de plus en plus contestées comme le montre l’affaire récente des 49 militaires ivoiriens retenus au Mali.
- L’Alliance Sahel, crée en 2017 à visée économique et sociale, pour le développement des services de bases.
Les réponses africaines :
- Le G5 Sahel créé en février 2014 est une groupe de coopération en matière de politique de développement et de sécurité. Il met sur pied en 2017 la Force conjointe pour intervenir face aux groupes djihadistes (carte des interventions p. 84). Il est aujourd’hui fragilisé.
Un encart présente le coup d’État militaire au Mali
- L’Union africaine a tenté deux initiatives : le « Processus de Nouakchott » sur la coopération en matière de sécurité et la « Stratégie pour la région Sahel » visant à une bonne gouvernance.
- La CEDEAOCommunauté économique des États de l’Afrique de l’Ouestqui, avec l’accord de l’ONU a mis sur pied la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali ) pour soutenir l’armée malienne.
Les stratégies de lutte contre le terrorisme
Les stratégies militaires sont peu efficaces dans ces affrontements asymétriques. L’armée française a fini par être perçue comme une armée d’occupation et son retrait risque de poser des problèmes à l’armée malienne privée de soutien aérien et de renseignements.
D’autre part, les armées sahéliennes ont un problème d’effectif et de formation. Pour les auteurs, la stratégie à développer vise à réduire la mobilité des groupes djihadistes, par des coups-de-poing des forces spéciales depuis le Niger. Il faudrait aussi équiper ces armées et mettre en place une coalition plus large incluant les pays du golfe de Guinée, aujourd’hui menacés.
Les stratégies non-militaires : en premier lieu miser sur l’éducation (taux d’alphabétisation au Niger : 19 %). les écoles sont ciblées par les attaques terroristes (en 2020 2410 écoles fermées au Burkina Faso soit plus de 300 000 élèves) et privilégier un enseignement de la diversité culturelle et du patriotisme et le vivre-ensemble.
C’est aussi renforcer l’accès aux services sociaux de base : santé, accès à une eau potable, électricité et transport. C’est l’absence et les dysfonctionnements de ces services qui entretiennent le ressentiment des populations envers l’État central, ressentiment exploité par les groupes djihadistes.
La lutte contre l’extrémisme violent en combattant les causes : chômage, pauvreté qui sont le terreau de la radicalisation religieuse.
Voilà un ouvrage lucide et actuel, il est très clair et accessible aux lycéens.