Ce n’est pas sans une certaine émotion et une joie sincères que nous avons parcouru, il y a quelques semaines déjà, les pages de cet ouvrage de Rémi MASSON. Doctorant en histoire moderne à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et rattaché à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Émotion palpable de part le titre de première de couverture claquant à la figure comme les voiles d’un navire sous le vent. Le ton était donné : Les mousquetaires ou la violence d’État. Tout était dit ou presque par cette formule lapidaire. Quoi ? Encore un mythe de l’histoire de France démoli à coup de massue ? Suzanne Citron aurait-elle encore frappé ? Suzanne CITRON, Le mythe national. L’histoire de France revisitée, Éditions de l’Atelier. 1ère édition 1991 – Rééd en 2008. C’est vrai, le commun des mortels que nous sommes garde à l’esprit, en invoquant les mousquetaires, l’image du flamboyant d’Artagnan affublé de ses inséparables compères Athos, Portos et Aramis ; de la perfide Mylady de Winter et du Cardinal ; des rivalités intestines entre mousquetaires noirs et gris ; des duels à fleurets mouchetés où l’honneur de la noblesse nobiliaire rejaillissait avec d’autant plus d’impétuosité que les armées des monarques européens se professionnalisaient furieusement…et ne laissait guère plus de place à l’héroïsme pur.

Joie sincère enfin – et j’en terminerai là de cette digression – car le simple nom d’Artagnan résonne encore aujourd’hui dans ma mémoire comme un endroit bien paisible dont je suis originaire. C’est en effet dans ce très modeste village éponyme, blotti au cœur des Hautes-Pyrénées dans la vallée de l’Adour, que la mère du futur d’Artagnan hérita de cette seigneurie dont elle prit le nom. Personne ne se serait alors douté, aux fins fonds de la Bigorre, que le nom de cette seigneurie allait être appelé à une telle postérité. Le futur mousquetaire a emprunté le nom de la Seigneurie d’Artagnan qui lui venait de sa mère née de Montesquiou, famille mieux introduite à la Cour.

C’est tout le génie d’Alexandre Dumas et d’Auguste Maquet – que nous ne remercierons jamais assez – d’avoir ainsi figé (même frauduleusement pour nous historiens) dans nos cervelles devenues numériques, une parcelle des temps ancien où le panache n’avait d’égal que le service d’un roi et de son royaume. Chers lecteurs, ni voyez là aucune nostalgie passéiste. Encore moins de remords ou de regrets. En représentant les mousquetaires en duellistes plein de panache, en les dépeignant comme de véritables héros, Dumas a ainsi volontairement forgé une image romanesque correspondant aux aspirations des lecteurs de son époque, celle du premier tiers du XIXème siècle. Edmond Rostand , dans son œuvre Cyrano de Bergerac n’aurait pas dit mieux : Ce sont les Cadets de Gascogne, de Carbon de Castel-Jaloux. Bretteurs et menteurs sans vergogne, ce sont les Cadets de Gascogne !Alors quoi ? D’Artagnan et ses compères furent-ils, en fin de compte, de simples instruments au service d’un absolutisme royal ? Qui étaient-ils réellement ? Ont-ils fait tour à tour office de militaires d’élite, de policiers, de gardes du corps, de troupes de parade ?

C’est ce que semble confirmer l’étude de Rémi MASSON. Oui, il faut le dire sans ambages ni détours : les mousquetaires n’étaient pas des enfants de chœur. Ils ne furent pas, non plus, des soldats de plomb soigneusement alignés auprès de leur souverain. Ils furent de redoutables combattants, des professionnels de la guerre rompus à toutes les armes.
Les recherches effectuées en ce sens par Rémi MASSON démystifient l’histoire de ces hommes au service des monarques français.

DE L’HISTOIRE AU ROMAN….

La parution des Trois mousquetaires au cours de l’année 1844 dans le quotidien Le siècle connut un engouement immédiat. Ce premier tiers du XIXème siècle fut très représentatif d’une jeunesse en mal d’aventure et de héros.
L’épopée du Premier empire était terminée, la Restauration s’était fossilisée. Seule la monarchie de Juillet laissait transparaître un frémissement de modernisation, notamment sur l’économie et l’émergence d’une classe bourgeoise dirigeante. Les Vigny, Musset et autre Stendhal n’eurent de cesse, dans leurs romans, de mettre en miroir les batailles léonines d’un empereur déchu avec la vie taciturne et terne de villes de province. C’est aussi l’époque de la naissance du romantisme Ce mouvement culturel apparu à la fin XVIIIe siècle en Allemagne et en Angleterre connaît un réel engouement jusqu’aux années 1850. Il s’identifie par une volonté d’explorer toutes les possibilités de l’art afin d’exprimer ses états d’âme. et d’un transfert, si je puis dire, des valeurs héroïques. En fait, Dumas et Maquet ne firent que s’adapter à l’esprit de leur temps et au goût des lecteurs. Les auteurs figèrent ainsi un XVIIème siècle où l’on discute plus que l’on ne trucide; où la politesse excessive en vient à désamorcer bien souvent des conflits mortels.

Pour ainsi dire, la plume a remplacé l’épée. 20 ans après, Alexandre DUMAS. Pourtant, qui pourrait affirmer qu’il n’éprouve pas, en se remémorant qui un Louis XIII, qui un Richelieu ou une Anne d’Autriche, une certaine once de soupçon ou un machiavélisme indécrottable dans ces personnages ? Oui, les auteurs des Trois mousquetaires nous léguèrent l’ambiance et les goûts d’une époque où la recherche d’un passé idéalisé servait de modèle à une jeunesse en mal d’ascension sociale. Le contraste est d’autant plus saisissant avec les figures royales toujours en luttes intestines pour sauvegarder leurs intérêts particuliers. Pourtant, en parcourant les pages de ces romans, on s’aperçoit très vite du rythme endiablé imposé par Dumas. Les principaux personnages ne cessent d’être confrontés, au cours de leurs péripéties, à un impératif absolu : celui de la raison d’État. La fidélité qui lie, alors, les mousquetaires à leur roi est patente. Et au nom de cette nécessite royale de servir une cause, on en meurt. Ainsi en est-il dans Le vicomte de Bragelonne où les auteurs clôturent le cycle des Trois mousquetaires par la mort tragique et brutale de d’Artagnan durant l’assaut de la ville de Maastricht, aux Pays-Bas. Cette image d’Épinal, celle de héros virevoltant au-dessus d’embûches semées sur leur chemin, atténue pourtant grandement la violence d’un corps militaire alors sans égal dans le royaume de France et en Europe.

L’histoire de d’Artagnan et de ses hommes nous est parvenue par les œuvres apocryphes d’un certain Blaise Courtilz de Sandars, en 1701. Soit près de 28 ans après la mort du principal protagoniste.(25 juin 1673). L’auteur des Mémoires de M. d’Artagnan semble avoir été lui-même mousquetaire. Embastillé plusieurs fois pour avoir fait paraître des écrits sulfureux, il y rencontra peut-être le gouverneur, le marquis de Besmaux, ancien compagnon d’armes de d’Artagnan. Tout au long de cette œuvre, les mousquetaires et en particulier d’Artagnan sont dépeins comme des modèles de vertus, de dévouement et de désintéressement. Mais leur bonté naturelle se heurte continuellement à la raison d’État. Sans cesse, ces hommes doivent composer avec l’autorité royale, souvent avec le ministre Mazarin ; leur noble cause douchée par les intérêts croisés des têtes couronnées. Ils doivent donc sans cesse composer avec le pouvoir qui les emploie.

D’HENRI IV A LOUIS XIV

Il semble bien délicat de dater de façon exacte la naissance des mousquetaires. Le chevalier de Puysegur relate dans ses mémoires Puységur, Mémoires, Paris, C.-A. Jombert, 1747, t.1 leur apparition vers la fin de l’année 1622. Après l’assassinat d’Henri IV en mai 1610, l’Édit de Nantes imposant un relative paix civile entre catholiques et protestants est fragilisé. Marie de Médicis, alors régente, se rapproche de l’Espagne catholique de Philippe II. Les protestants français se divisent en deux camps quant à la conduite à tenir face à la reine. Une partie entend rester fidèle à la couronne, l’autre pas et est prête à un affrontement armé. Aussi, le futur Louis XIII doit, au début de son règne, ferrailler contre les soulèvements armés dans son royaume. Avec ses troupes, il envahit la ville de Pau, assiège St Jean d’Angély qu’il soumet, mais se casse les dents devant les fortifications de Montauban. Montpellier, après un long siège, capitule également. En fait, l’armée royale ne dispose pas de troupes aptes à mener une guerre de siège qui demande une grande technicité. Aussi, tout au long du règne de Louis XIII, les mousquetaires vont peu à peu devenir des troupes militaires d’élite de choc. Elles vont se spécialiser dans la prise de citadelles retranchées et la poliorcétique mais pas seulement.. Les complots, au cœur même du Louvre ne cessent contre le roi et son principal ministre, Richelieu. Le cardinal ministre s’entoure donc, sur ordre du roi, d’une troupe de mousquetaires et de gardes royaux, privilège alors réservé uniquement au souverain. Peu à peu, sous la férule du comte de Tréville chef de la maison militaire du roi, le rythme de vie de ces soldats d’élite s’organise. Les mousquetaires deviennent gardes du corps. Ils restent près du monarque, l’entourent, lui servent d’escorte à chaque déplacement. En permanence, deux soldats sont postés devant la chambre royale. Ainsi prend progressivement une professionnalisation de cette troupe. Les tenues, les armes s’uniformisent et deviennent reconnaissables par tout un chacun. Les chevaux se distinguent par leur robe. Au-delà d’une standardisation lente mais réelle, les mousquetaires deviennent ainsi un écrin royal et magnifient la puissance de leur souverain. Soldats d’élite spécialisés dans la protection rapprochée et l’assaut des forteresses en temps de guerre, ils concourent ainsi à la puissance royale.

UNE MONTÉE EN PUISSANCE PROGRESSIVE

L’arrivée du jeune Louis XIV n’est pas synonyme de promotion pour les mousquetaires. Marqué par la révolte de la Fronde (1648 – 1653), le jeune souverain interdit aux grands du royaume de s’entourer d’une milice armée, donc de mousquetaires. Mais la politique étrangère agressive de la France va propulser sur le devant de la scène militaire les troupes de mousquetaires. Cependant, l’influence grandissante de ministres, tel Colbert, les pousse à se doter d’une compagnie de mousquetaires. La possession de mousquetaires continue d’être un enjeu de pouvoir entre le souverain et ses principaux ministres. Les compagnies «historiques» de mousquetaires, dirigées depuis peu par le célèbre d’Artagnan, restent destinées à entraîner la fine fleur de la jeunesse nobiliaire du royaume et donc à servir la grandeur et la puissance du souverain. Les mousquetaires entourant Colbert et entièrement financés sur ses fonds propres, ne sont disposés qu’à accroître l’influence de ce dernier et tentent de rivaliser avec la maison militaire du Roi. Louis XIV l’a bien compris et met tout en œuvre pour mettre en scène sa propre gloire. Au XVIIème siècle, on croit encore au pouvoir des mot et mettre en scène le monde, c’est en quelque sorte l’ordonner.
Ce faste princier est ainsi mis en exergue lors du mariage avec l’infante d’Espagne à Saint-Jean-de-Luz (juin 1660). Cette véritable troupe d’apparat a laissé dans les mémoires des contemporains, y compris chez les ambassadeurs espagnols, une impression de grandeur encore inégalée dans le royaume de France. Mais Louis XIV a d’autres ambitions pour ces mousquetaires. Si l’on peut remarquer une forte impulsion de cette caste guerrière sous le règne de Louis XIII, ce n’est qu’avec son successeur qu’une organisation militaire massive, dotée d’officiers qualifiés, prend tout son essor.

MISE EN SCÈNE DE LA ROYAUTÉ ET CANALISATION DE LA NOBLESSE

Avec le roi comme capitaine, cette troupe d’élite ne cessera de s’étoffer au cours du règne. Avec la période de la Fronde, Louis XIV a compris l’importance de conserver dans son entourage un petit noyau mais très homogène de soldats aguerris et fidèles. C’est ce noyau dur qui, au début de son règne, permet notamment la victoire de Turenne sur les Espagnols à Rocroi (1643). La rationalisation des mousquetaires, appelés à devenir le fer de lance de l’armée royale est indispensable. Quatre cercles autour du roi se dessinent alors. Un premier corps voué au service domestique sa maison, c’est-à-dire en réalité à la protection de sa personne. Puis trois autres unités,  «montées» celles-ci feront d’office d’escorte lors de ses déplacements et d’infanterie. Les mousquetaires pouvant aussi bien servir à cheval qu’à pied. Louis XIV entend, par la militarisation de sa maison, se façonner une image de glorieux souverain, victorieux, surtout au début de son règne afin d’asseoir sa puissance, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du royaume. La guerre est donc un moyen d’étendre le domaine de la souveraineté du monarque, basée sur la rationalisation administrative de l’armée. Les réformes voulues par le souverain et appliquées par son ministre Le Tellier puis Louvois débouchent par la suppression de la vénalité des charges, facilitant ainsi l’accès à la noblesse désargentée à la Maison militaire du roi. L’armement constitue également un pouvoir prestigieux. Les mousquetaires sont associés au mousquet, arme rustique au maniement complexe. A mèche ou à rouet, le mousquet reste encombrant mais perdurera durant tout le règne de Louis XIV. Vers 1690 apparaît une arme nouvelle : le fusil. Plus léger, il entre rapidement en dotation chez les mousquetaires, neuf ans avant que le fusil à silex ou à âme lisse ne viennent définitivement le supplanter. Les mousquetaires portent aussi, à proximité de leur selle, deux robustes pistolets pour le combat rapproché. Enfin, passées à la postérité, leurs épée sont dites à la «mousquetaire» ou «à branche» dont la monture en laiton est dotée d’un pommeau rond, de quillons (pièces de métal perpendiculaires à la poignée protégeant la main du bretteur) droits, d’un pas d’âne (anneau situé au-dessus de la garde où s’engage l’extrémité des deux premiers doigts quand l’épée est tenue en position de combat) et d’une branche de garde ou arc de jointure, liant les deux extrémités de la poignée. Les lames mesurent de 26 à 28 pouces, soit entre 66 et 71 cm, à deux tranchants.
L’intérêt de ces détails prouve la robustesse de cette armé, nécessitant peu d’entretien et très facile de fabrication. Il faut faire la guerre à moindre coût. Enfin, les mousquetaires deviennent une école d’officiers pour la noblesse. Conséquence du processus de modernisation, des critères de plus en plus rationnels apparaissent pour juger le mérite militaire. Le courage seul ne suffit plus pour réaliser de grandes choses. Il doit être canalisé par une subordination et une discipline stricte. Ce corps où servent les fils de la meilleure noblesse devient par conséquent un symbole de la détermination de Louis XIV à juguler cette bouillante aristocratie. Il entend ainsi prendre en main sa Maison militaire. Enfin, la noblesse juge que les mousquetaires restent un écrin du pouvoir royal particulièrement prestigieux, voire suffisamment où elle peut exprimer pleinement ses valeurs guerrières. L’impôt du sang, supérieur à n’importe quel autre service du souverain, explique la vertu nobiliaire et l’estime qu’elle est en droit d’attendre de ses contemporains.

DES PROFESSIONNELS DE LA GUERRE

Au XVIIème siècle, la guerre de siège devient la forme privilégiée d’affrontement au détriment des batailles. Les travaux de Vauban dotent la France de sa célèbre ceinture de fer. La prise de villes fortifiées devient un art militaire et nécessite une gestion rigoureuse des moyens mis en œuvre. Le siège ne laisse guère de doute quant à l’issue finale. La maîtrise de la poliorcétique permet la théâtralisation de la puissance royale. Vauban suit le roi dans toutes ses campagnes militaires et participe, activement, à tous les sièges militaires. Lors de l’invasion des Provinces-Unies en 1672, pas moins de six sièges sont pratiqués par les Français et pas une seule bataille. Les formes géométriques des fortifications ennemies rendent très difficile, voire impossible un assaut frontal. Des meurtrières hérissent chaque défense, flanquées les unes aux autres par un tir croisé. En avant-poste des fortifications, des demis-lunes, sorte de mini bunkers, commandent les accès principaux de la ville fortifiée. Leur contrôle, après de furieux combats, signe en général la perte de la cité assiégée. Vauban invente la technique des parallèles afin de déjouer les tirs des assiégés. Des tranchées sont successivement creusées, parallèlement à la citadelle et viennent grignoter petit à petit la distance séparant les attaquants des assiégés. Louis XIV souhaite donc paraître et engager sa Maison militaire dans ces nouvelles opérations militaires.

Dès 1667, durant la guerre de Dévolution (1667 – 1668. Première guerre de Louis XIV et agrandissement du royaume au Nord du pays). les mousquetaires participent aux sièges de Charleroi, Tournai et de Douai. Les mousquetaires servent à l’ouverture de la tranchée puis à l’attaque des demis-lunes. Ils se signalent par l’assaut d’une grande violence où il passent au fil de l’épée tous les défenseurs. Ils jouent sur l’effet de surprise et un assaut de choc pour surprendre les défenseurs. La ville de Lille, reprise aux Espagnols ne fait pas exception à la règle. Le siège de Maastricht, en juin 1673 est décidé par Louis XIV afin de réparer l’humiliation imposée par la Triple alliance Alliance conclue à La Haye le 23 janvier 1668 entre Les Provinces-Unies, l’Angleterre et la Suède pour freiner l’expansion de la France dans les Pays-Bas espagnols. à la suite d’une tentative d’envahir les Pays-Bas espagnols. Cette cité est la première grande cité où Vauban va exprimer tous ses talents. Usant de la technique des parallèles, c’est au cours d’une contre-attaque ennemie que d’Artagnan est tué alors qu’il portait secours aux victimes des premières vagues d’assaut, suscitant ainsi l’émoi mais également la rage dans le camps français. Le roi soleil a engagé près de 35.000 hommes dans cette opération. Sur les deux compagnies de mousquetaires engagées, soit 300 hommes, plus de 80 furent tués et 50 autres gravement blessés. Si ces gentilshommes sont réputés spécialistes de ce types d’assaut, la perte d’un aussi grande nombre de mousquetaires et de gardes du corps n’est pas simplement un préjudice pour la Maison du roi. Cet exemple rappelle également le risque de voir mourir cette pépinière d’officiers. Devant cette hémorragie, Louis XIV décide de créer une compagnie de grenadiers à cheval chargée de précéder les mousquetaires dans les assauts des places fortes. Technique éprouvée à Ypres en 1678, puis une nouvelle fois à Courtrai en 1683. La prise de places fortes ne se dément pas durant le troisième grand conflit de Louis XIV avec les puissances européennes (ligue d’Augsbourg 1688 – 1697). Mais le mousquetaires sont désormais moins exposés. Ils participent aux assaut mais en arrière-plan, ne créant plus le choc frontal.

HAUTE POLICE ET LENT DÉCLIN DES MOUSQUETAIRES

Au cours de l’été 1662, la politique fiscale de Colbert avait engendré des soulèvements armés. Aussitôt, les mousquetaires et les gardes-françaises de la Maison du roi sont expédiés dans le Boulonnais pour prêter main-forte aux collecteurs d’impôts. C’est la révolte des « Lustucru ». Puis c’est au tour de l’Ardèche de s’enflammer. C’est à d’Artagnan et à ses troupes qu’échoient la mission d’éteindre la révolte en juillet 1670. Louis XIV ne lésine pas sur les moyens et expédie près de 1.500 hommes pour mâter la rébellion. Les troupes royales se livrent à un pillage en règle des villages soulevés, confondant ainsi guerre civile et guerre extérieure. Puis c’est au tour de la Bretagne et de ses « Bonnets rouges » (n’y voyez là aucune analogie…) de se soulever. La ville de Rennes est militairement occupée, ses portes forcées et soumise à un véritable couvre-feu. Du jamais vu dans de mémoires de contemporains ! En fait, les mousquetaires sont devenus des experts en matière de police et de maintien de l’ordre. Mais pas seulement.

Ces soldats d’élite procèdent aussi d’une politique de mise en spectacle. Pour continuer à s’imposer, Louis XIV s’appuie sur des symboles. Les soulèvement en province sont moins nombreux sous son règne qu’au cours du règne de son père. La révolte de 1675 est la dernière du règne du Roi-Soleil. Si le caractère implacable et exemplaire des répressions est indéniable, l’épuisement de ces révoltes s’explique plus généralement par la fin des alliances qui existaient traditionnellement entre les révoltés et la petite noblesse régionale. En effet, en lui offrant la possibilité d’intégrer son armée, et en particulier sa Maison militaire, Louis XIV assurait sa loyauté envers l’État comme en témoigne la vocation du corps des mousquetaires à accueillir les fils de la noblesse provinciale. La mort du Roi-Soleil entraîne progressivement l’extinction de cette troupe d’élite. Louis XV ne s’en servant plus que comme troupe d’apparat. Passé le Premier empire, l’éphémère Restauration tente une résurrection des mousquetaires qui dure à peine un an et demi. Désormais, les mousquetaires sont le symbole d’un monde révolu. Ils incarnent en effet les aspirations héroïques de la jeunesse du XIXème siècle aux valeurs suprêmes. Et rien de tel que les héros du roman d’Alexandre Dumas pour modèle : bravoure, panache, audace, loyauté et goût de l’aventure.

Un ouvrage clair et concis qui dépeint le vrai visage des mousquetaires ; troupe d’élite entourant le roi dans ses moindres déplacements qu’à la guerre. D’Artagnan, Lieutenant-capitaine des deux compagnies recueille alors toute la confiance du souverain. L’arrestation de Fouquet à Nantes, en 1661, en est la preuve ultime.

Bertrand LAMON