Ce nouvel album sorti aux Editions Mosquito a de quoi surprendre : une enquête policière à Florence menée par le célèbre érudit, Léonard de Vinci. Le scénariste Guiseppe De Nardo choisit de mêler l’Histoire et la fiction. Le 24 avril 1478, alors qu’ils assistent à la messe dans la cathédrale Santa Maria del Fiore, Laurent de Médicis et son frère Julien sont victimes d’un attentat meurtrier devant toutes les grandes familles florentines. Visant le clan des despotes médicéens au pouvoir depuis 40 ans, la conjuration des Pazzi entraîne une répression sanglante orchestrée par Laurent qui ordonne la mise à mort de tous ceux qui de près ou de loin étaient soupçonnés d’avoir des liens avec le clan des Pazzi. Voilà comment Léonard de Vinci et son ami Ricardo, sont censés enquêter sur la disparition de Jaccopo, une connaissance de l’artiste. Mais le récit des pérégrinations du maitre devenu un Sherlock Homes n’est qu’un prétexte pour plonger le lecteur dans les passions de Léonard de Vinci. Trois tranches de sa vie sont ainsi abordées : à Florence où éclate la révolte, à Milan quand l’artiste termine La Vierge aux rochers et enfin au Clos Lucé quand meurt le maître. La narration permet d’aborder le génie de ce savant hors norme. Pour les besoins de l’enquête, les multiples facettes de sa personnalité sont dévoilées : son rapport à l’art et à la création, « Je ne veux pas réaliser du déjà vu », sa curiosité pour les phénomènes naturels, « Un peintre doit observer la nature et comprendre…il sera ainsi en capacité de créer », ses expériences sur les animaux, « dans la moelle épinière réside la vie », son habilité technique pour créer des machines, « l’arbalète rechargeable » conçue pour Ludovic le Maure, duc de Milan, ses connaissances exceptionnelles en médecine, « Notre corps est une machine merveilleuse dont le fonctionnement est obscur », sans oublier le philosophe « Rien ne subsiste de votre mémoire, personne ne se souviendra de votre nom ».

Le lecteur est tenu en haleine par la magnifique mise en images du coloriste et dessinateur Antonio Lucchi. Les effets sont spectaculaires entre un dessin monochrome ciselé en macro, des plans larges aux visages plus flous, une vue aérienne de Florence et un plan photographique de Milan sous le brouillard. Mais le plus remarquable est l’introduction numérique des œuvres de Léonard dans le graphisme de l’ouvrage. Les planches sont du plus bel effet, en opposition totale avec les flash-back propres à la narration où les cases irrégulières et curvilignes montrent un graphisme noir soutenu sur un fond sépia, comme des photos vieillies par le temps. La fin de l’album offre un dénouement avec de belles surprises qu’il convient de taire ici. Cette BD, dont voici quelques planches, est une réussite totale. Pour sûr, elle plaira à tous ceux qui aime ce médium. Attention cependant à ne pas mettre entre des mains trop jeunes car le réalisme de certaines scènes pourrait les gêner.

                                                                                                                     Christine Valdois pour les Clion@utes