Une histoire du lait, après une histoire du vin, Didier Nourrisson invite à découvrir combien le lait, au-delà du premier aliment de l’homme, est à la fois un bien économique et une source d’inspiration pour les artistes depuis la Renaissance ?
C’est un survol de l’histoire d’un breuvage nourricier de la Renaissance à nos jours. Au-delà des bornes chronologiques annoncées, l’auteur propose, dans chacune des cinq parties, des gros plans détaillés sur tel ou tel sujet.
La Renaissance du lait
Dès l’Antiquité le lait est représenté par la déesse allaitante, image reprise à la Renaissance et accentuée par la naissance du culte marial. Les représentations de cette femme allaitante sont très présentes dans l’art. Quand le Concile de Trente interdit la nudité dans la peinture religieuse apparaît une nouvelle image, celle de la charité chrétienne.
L’auteur aborde aussi les traités qui parlent de la bonne lactation, les pratiques magico-religieuses et le besoin de nourrice humaine ou animale1 quand le lait maternel fait défaut. Le biberon, dont le thème sera développé en troisième partie, apparaît dès le Moyen Age.
A l’époque des Lumières, une réflexion éthique s’engage à propos des nourrices mercenaires.
L’ancien régime du lait
Après le sevrage, qui consomme du lait et quel lait ? Ce sont d’abord les laits de chèvres et de brebis, car les vaches sont rares avant que les troupeaux s’agrandissent à la Renaissance. La consommation lactée est surtout celle du beurre et des fromages, signes d’aisance économique. Les textes d’Olivier de Serres apportent de nombreuses informations sur la collecte et la transformation du lait. Didier Nourrisson montre les différences régionales : montagne, Normandie et Bretagne qui tirent bénéfices de leur proximité avec la ville.
Les monastères mais aussi des professionnels étrangers (Hollandais et Suisses) ont permis le développement des productions fromagères dans diverses régions et la naissance dans les Alpes et le Jura des fruitières. En ville ou aux environs de nouveaux métiers apparaissent au XIXe siècle : nourrisseurs et laitières de rue.
L’auteur aborde les symboliques et marqueurs sociaux autour du lait/ le pays de cocagne st celui où lait et miel coulent à flot. Si le lait de l’élite est entier, il ne doit pas être coupé, peut-on le consommer en temps de carême ?
La révolution industrielle du lait
Les sources sont plus abondantes à partir du XIXe siècle et permettent à l’historien de mieux cerner les productions comme les consommations. C’est l’époque de la « fabrique du lait », des débuts de la sélection animale2, et de nouvelles possibilités de vente lointaine grâce au chemin de fer.
La pasteurisation permet aussi le développement des productions fromagères qu’un rapide tour de France, plus amusant que réellement informatif, invite à découvrir. Naissent à cette époque les premières AOC et de grands entreprises, début de véritables saga industrielles : Gervais, Nestlé.
Un chapitre est consacré au biberon, des aspects pratiques à l’hygiène et un autre au temps des nourrices qui alimentant les petits urbains aux dépens de leurs propres enfants comme dans le Morvan. La mortalité infantile amène les premiers pas d’une politique de protection de l’enfance.
La place différente de lait dans les régimes alimentaires urbains et ruraux et les pénuries en temps de guerre complètent cette troisième partie3.
Au XXe siècle, la vague blanche
Le terme de vague blanche est choisi pour qualifier la très forte croissance de la filière lait après 1950 : de la publicité au discours médical.
Les conditions même de sa production évolue comme le reste de l’agriculture alors que sa transformation est désormais entre les mains des industriels, comme Lactalis.
La publicité le met en concurrence avec le vin dont on cherche à faire baisser la consommation quotidienne. L’école n’est pas en reste pour le valoriser tant dans les programmes qu’avec le verre de lait de Mendès-France (1954).
L’auteur évoque également la place du lait dans le cuisine jusque sur les tables gastronomiques.
Enjeux actuels
Le tableau des différentes formes de présentation au consommateur offre un large panorama des conditionnements, des lieux de fabrications, des questions écologiques actuelles.
Le lait maternel, premier aliment du nourrisson évoqué dans le dernier chapitre ramène lecteur aux premières pages de l’ouvrage.
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1 Il est fait référence à Pantagruel et aux aspects symboliques du lait animal
2 Sur ce sujet on pourra se reporter à l’ouvrage de Gilles Della-Vedova : La montagne des possibles. Les acteurs du développement rural (Villard-de-Lans XIXe-XXe siècles), Grenoble, PUG ; 2020
3 Sur tous ces aspects voir aussi : Le lait, la vache et le citadin du XVIIe au XXe siècle, Pierre-Olivier Fanica, Paris, éditions Quae, 2008.