Dans une collection baptisée « Lignes de vie d’un peuple », les Ateliers Henry Dougier nous proposent une mise au point sur un peuple à partir d’une série de courtes enquêtes.
A la découverte de la population néerlandaise
Cette introduction à l’histoire et la géographie des Pays-Bas est écrite par Céline L’Hostis, ancienne directrice adjointe de l’Institut français de Groningue. La déclaration d’intention définit dès le départ les principaux clichés concernant le pays : les « moulins, tulipes, fromages, drogues et la prostitution ». Chaque item sera contextualisé au fil des chapitres. Pleinement intégrés dans la mondialisation, à travers les FTN (Philips, Hema, Shell, Unilever), le tourisme (12 millions de touristes étrangers par an à Amsterdam) et l’audiovisuel (les émissions d’Endemol comme la Star Academy, l’Amour est dans le pré), le pays est « prospère et dynamique » (page 10).
God schiep de Aarde, maar de Nederlanders schipen Nederland (« Dieu a créé le Monde mais les Néerlandais ont créé les Pays-Bas »)
L’angle d’attaque de l’introduction est celui du rapport de la population néerlandaise avec l’eau. Sa gestion, ses difficultés et sa gouvernance sont abordées par l’interview du président d’un programme sur la gouvernance de l’eau, Peter Glas. Dans un pays où de nombreux services publics ont été privatisés, la gouvernance de l’eau reste publique (par le biais d’une association avec les industries). Ses réponses peuvent permettre aux enseignants de disposer d’un texte synthétique et pédagogique sur les relations hommes-milieu pour la gestion de l’eau (les digues, les catastrophes, les contraintes pour la construction, la « culture du risque »). Peter Glas insiste notamment sur la catastrophe de 1953 lors de laquelle une digue du Sud-Ouest s’est rompue : le bilan est de 1836 morts et 70 000 sans-abris. La vulnérabilité des villages zélandais a fait face à une conjonction climatique exceptionnelle (marée, mauvais entretien des digues, reprise de la croissance économique après la Seconde Guerre mondiale). Les difficultés pour construire une ligne de métro dans le Nord d’Amsterdam sont évoquées par Michiel Jonker et Henk de Groot et l’ouverture maritime particulièrement visible lors du XVIIème siècle (« le siècle d’or » néerlandais) permettent de compléter le tableau définissant les relations de ce peuple avec l’eau (l’humidité, les aménités pour le transport, la culture du risque).
Fier d’être néerlandais
Le second chapitre s’interroge sur les composantes de l’identité. Tiraillés entre les héritages du calvinisme et l’arrivée de populations étrangères (du Maroc, de Turquie), le modèle néerlandais se construit dans une démarche multiculturaliste. L’intégration rencontre des difficultés notamment dans l’apprentissage de langue : la quasi-totalité des étrangers s’installant dans le pays doivent l’apprendre en arrivant (contrairement à la France où une partie de la population arrivante le parle déjà). La figure de la reine, puis du roi depuis 2013 permet de disposer d’une figure rassemblant la population lors du Koningsdag (jour férié qui commémore l’anniversaire du roi durant laquelle la population se pare d’orange pour célébrer la famille d’Orange-Nassau). A titre d’anecdote, on apprend que l’anniversaire de la reine Beatrix a été déplacé : il eut été difficile d’organiser un « mi-carnaval, mi-vide-grenier » à la fin du mois de janvier pour des raisons climatiques. La reine Beatrix choisit donc fixer la fête de la reine (jusqu’en 2013) à la date du 30 avril (jour de l’abdication de sa mère Juliana).
Les deux derniers chapitres s’intéressent aux défis de la société dans un contexte où les libertés sont nombreuses. Cette tolérance, source de libertés, trouve des origines dans la période moderne avec l’accueil de populations migrantes fuyant les oppressions religieuses. Le monde de la nuit (restaurant, boîte de nuit, activités de prostitution) est relativement peu évoqué dans l’ouvrage, malgré l’interview-balade avec le maire de la nuit d’Amsterdam, Mirik Milan et d’une responsable des projets liés à la vie nocturne (Ella Overkleeft). Les enjeux de la fin de vie sont particulièrement bien présentés par Lous Konijnenberg, médecin dans une clinique traitant de personnes souhaitant abréger leurs souffrances. Le contenu du chapitre 4 est d’un moindre intérêt géographique où le « poldermodel » (l’art du compromis dans une négociation) côtoie deux interviews traitant du logement et du volontariat international. 4 Néerlandais sur 5 travaillent à temps partiel, ce qui permet de s’investir dans des activités bénévoles : ils existent même des entretiens et des listes d’attentes pour s’engager gratuitement pour une cause ! L’art de vivre à la néerlandaise, reposant sur des activités simples et collectives (un barbecue, un repas en famille), nommé « gezellig » permet de terminer l’ouvrage sur une note optimiste.
A noter que les prochaines sorties dans cette collection, prévues en 2018, s’intéresseront aux Palestiniens, Siciliens et Japonais.
Pour aller plus loin :
Antoine BARONNET @ Clionautes