Depuis 2013, la revue Urbanisme a changé de maquette. Elle entend être la « Revue de référence de ceux qui font la ville, de ceux qui la pensent, de ceux qui l’étudient et plus généralement de ceux qui l’aiment. […] Plus encore que par le passé, la revue veut dépasser les frontières, accueillir des auteurs de tous horizons et appréhender les transformations des villes à l’échelle mondiale. »

Ce numéro trimestriel de l’automne 2020 contient un dossier de plus de 30 pages intitulé « Les ressorts de la résilience territoriale ». Il fait écho à la 3ème Rencontre nationale « Action coeur de ville » qui a eu lieu le 8 septembre à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Le géographe Martin VANIER insiste d’abord sur l’engouement pour ce mot, devenu clé, de « résilience ». Il est devenu un incontournable de l’action publique et, même, un mot du langage courant. Il est un des rares concepts qui circule des sciences de la matière aux sciences de l’homme et du vivant au social, au point de devenir un « mot en caoutchouc » pour Pierre ROSANVALLON. Comme ,ombre d’auteurs, il salue sa portée explicative mais signale en même temps sa faiblesse prescriptive. On peut la définir comme un processus permettant de changer le monde tout en restant acteur de ces changements. Le concept de résilience appelle en tout cas à la lucidité de considérer l’histoire comme l’enchainement des imprévus, donc à en garder la mémoire et la connaissance. La professeure en aménagement et urbanisme Magali TALANDIER s’interroge ensuite sur la notion de résilience territoriale, ses facteurs et ses leviers pour les territoires. Elle en dégage 3 formes : « absorbative », « adaptatrice » et « transformative ». Plusieurs exemples sont proposés : un Lab’urbain à Marseille (Christian BRUNNER, Anne BERBEY et Laurent COUTURE), impact de la pandémie dans les mégalopoles (Alain CLUZET), mobilités dans l’espace franco-genevois (Bernard LENSEL, Eric RAIMONDEAU et Virginie SIDOROV), redéfinition des espaces publics (Vincent BOURJAILLAT), transition de la « smart » à la « safe city » (Antoine COURMONT), régénération des territoires dans les « tiers-lieux » (Julie LANNOU, Marlène LE GUIET et Léa FINOT), nouvelles pratiques relatives à l’alimentation dans la métropole lilloise aboutissant à un véritable projet alimentaire territorial, place de l’entreprenariat social ou défense du réseau des hôpitaux de proximité. Le dossier se conclut par la présentation de la stratégie italienne par l’anthropologue Filippo TANTILLO : « la pandémie peut avoir deux conséquences inverses : accentuer la dégradation des territoires intérieurs ou fournir des matériaux pour réinventer une économie à partir de ce qui est considéré aujourd’hui comme marginal, et qui pourrait être au contraire la nouvelle frontière ! donc l’avenir de la ville. »

En-dehors de ce dossier, d’autres articles sont très intéressants. Plusieurs traitent de la place des bains-douches publics et se posent la question de leur obsolescence. Ils sont restés ouverts pendant la crise sanitaire à Nantes, Bruxelles, Paris ou Turin, preuve de leur rôle fondamentalement social. Au Japon, les « sento » sont devenus des pôles d’animation de la vie de quartier, « créant des liens inattendus […] lieu de soutiens mutuels, notamment pour les personnes âgées ». Enfin Christophe SOLIOZ propose un pérégrination tout à fait interréssante dans Sarajevo, où les murs racontent la ville. L’espace urbain y est encore plus qu’ailleurs un produit social, fondamentalement politique.

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