Ce petit livre est la transcription de la Conférence-débat organisée par le groupe Sciences en questions à l’Inra de Paris le 21 juin 2018. L’auteur Stefan C. Aykut, est sociologue et politiste, professeur junior à l’université de Hambourg. Il a étudié à Berlin (Freie Universität), à Istanbul (Sabanci University) et à Paris (EHESS). Il a publié en 2015 avec Amy Dahan (historienne des sciences) Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales aux Presses de Sciences Po, 2015 et a codiriger Globalising the Climate. COP21 and the Climatisation of Global Debates (Routledge, 2017).
Depuis l’an 2000, la question climatique est petit à petit devenue un important enjeu politique et un sujet médiatique. Stefan C. Aykut rappelle dans l’introduction de sa conférence les grandes étapes de la diffusion de la question climatique.
La thèse de la climatisation : du constat empirique au prisme analytique
L’observation des travaux de la COP21 a montré que la question climatique est devenue centrale dans nombres de réunions politiques et d’autre part elle s’insère dans d’autres sujets comme la gouvernance de la biodiversité ou l’agriculture et rend visible d’autres processus sociaux. La raison en est que le climat est nécessairement une thématique transversale, objet scientifique complexe dont l’étude met en œuvre une approche systémique des cycles de l’eau et du carbone des interactions océan-atmosphère et des courants marins, des écosystèmes et leurs réactions à des modifications environnementales. Les changements climatiques induisent alors, citant Bruno Latour : « à repenser les institutions fondatrices — politiques et économiques mais aussi philosophiques et spirituelles ».
Les sources historiques du processus de climatisation
Remontant aux années 1990 l’auteur resitue les travaux du GIEC et ses objectifs définis en 1988 ainsi que, au plan politique, la conférence de Rio de 1992 et la signature de la Convention climat.
Il montre les succès diplomatiques (Kyoto) et leurs limites après le retrait des États-Unis du protocole signé en 1997. Il décline les différentes COP qu’il explique en partie par l’extension progressive du domaine de la gouvernance climatique et la pression croissante de la société civile mondiale.
Les sommets onusiens : des machines à climatiser
L’auteur décrit ici la COP 21 de Paris comme un « méga-évènement transnational », plus de 30 000 participants, un marathon de négociations et en même temps la happening populaire des ONGs. Les limites de telles conférences aux enjeux trop nombreux ont conduit à « l’espoir d’une mobilisation tous azimuts de la société civile mondiale » ( p. 32).
La climatisation comme stratégie de gouvernance
L’auteur rappel les grandes lignes du traité de Paris : contenir l’élévation de la température moyenne en dessous de 2°C, appel à un effort collectif et volontaire, reconnaissance des impacts du réchauffement comme la désertification ou la montée des mers. Les États sont invités à définir leurs objectifs soumis à une procédure de réexamen quinquennal, qui comprend un bilan mondial. Il est de fait moins contraignant que le protocole de Kyoto. L’auteur analyse la nouvelle gouvernance qui associe les sociétés civiles et repose sur la narration et le symbole plus que sur la réglementation : « L’approche de Paris ressemble donc à ce qu’on pourrait appeler une « gouvernance incantatoire » (p. 36).
Ambiguïtés et contradictions : le cas des politiques énergétiques
L’auteur prend comme exemple de la gouvernance climatique l’énergie, il fait le constat de la faible régulation des marchés énergétiques mondiaux et la place insuffisante de ce sujet dans les accords de Paris.
Le prix de la climatisation : les sciences des sols à l’aune du climat
Ce dernier thème aborde le projet « 4 pour 1000 » de séquestration du carbone dans les sols. La climatisation de la question des sols permet la mise en place de travaux de recherche quand les travaux sur le maintien de la fertilité peinait à être financés. L’auteur en conclut que « pour être entendu dans l’arène climatique il faut désormais adopter un discours positif » (p. 46).
Conclusion
Stefan C. Aykut revient sur la transversalité de la question climatique, et sur les limites de la gouvernance climatique qui empêchent de proposer une vision cohérente de la transformation économique, technique, sociétale et politique pour faire face à la dégradation du climat.
Une vingtaine de pages est consacrée aux discussions qui ont suivies la conférence, suivies d’une courte bibliographie.