L’auteur, Gérard Dussouy, professeur de géopolitique à l’Université de Bordeaux, tente dans cet ouvrage de faire le tour des théories géopolitiques en quatre temps, qui devraient être suivis d’autres par la suite.
Dans un large chapitre introductif, Gérard Dussouy propose de présenter « les enjeux épistémologiques du système mondial ». Il revient pour cela sur les représentations en matière de relations internationales et aborde particulièrement les « six paradigmes occidentaux des relations internationales. Le paradigme grotien, hérité des théoriciens de la Renaissance, est résumé par la formule de l’équilibre des puissances, assimilé au système westphalien. Le paradigme hobbesien est qualifié de géopolitique classique, reposant « sur deux maîtres mots : la sécurité et la menace extérieure ». Le paradigme kantien, ou libéralisme idéaliste, aurait pour finalité l’acquisition de toujours plus de liberté, ce qui se traduit par exemple par le wilsonisme. Le paradigme lockéen-smithien opte pour un libéralisme pragmatique et pour le transationalisme, pour qui « l’institutionnalisation de la démocratie mondiale (…) est la marche à suivre vers la paix universelle ». Le paradigme néomarxiste est le seul à prendre vraiment en compte l’aspect culturel. Enfin, l’auteur situe « le paradigme constructiviste entre le néokantisme habermasien et le pragmatisme ». Les années 1990 ont amené les géopoliticiens à dépasser les paradigmes pour aboutir à une réhabilitation de l’herméneutique « qui met l’accent sur la contextualité (…) et l’intentionnalité (…) » Il reste alors à comprendre le système mondial contemporain, dans lequel les relations internationales sont de plus en plus complexes.
Le premier chapitre en tant que tel aborde les origines de la géopolitique à partir de la rivalité terre-mer, qualifiée par l’auteur d’« antinomie fondatrice ». C’est l’occasion de survoler les différentes théories, en particulier britanniques et allemandes, ayant amené à la mise en place de véritables puissances navales, et plus largement, d’impérialismes.
Le deuxième chapitre étudie différentes visions géopolitiques depuis la Seconde Guerre Mondiale. L’Amérique du Nord a ainsi vu s’opposer « spykmaniens », adeptes d’un contrôle stratégique sur les Etats jugés dangereux, et « mahanistes » ou « néo-mahanistes », partisans d’une supériorité militaire des Etats-Unis, en particulier dans le domaine maritime. Le Japon et l’Italie, qui suivirent l’école allemande de géopolitique, ne sont guère passé maîtres en la matière, le premier à cause de la défaite de 1945, le second en raison des disparités géoéconomiques de son territoire. L’Amérique Latine a largement adopté, à l’excès parfois, la géopolitique, en particulier le Brésil qui fait l’objet d’une analyse plus approfondie de l’auteur. La géopolitique aux Etats-Unis a connu dans les années 1960 une forte influence des sciences sociales, en particulier de la sociologie béhavioriste qui a permis de mieux prendre compte le rôle des représentations. La France a vu paraître la revue Hérodote qui a porté le renouveau de la géopolitique, en même temps que les militaires reprenaient goût à cette discipline.
L’ouvrage s’achève par un troisième chapitre portant sur les « géopolitiques implicites ». Le premier cas abordé est celui de la Russie, fortement marquée par l’eurasisme dérivé de sa situation territoriale. La géopolitique implicite chinoise hérite d’une lecture traditionnelle du monde organisé autour du Domaine Royal – Empire du Milieu. La vision indienne est quant à elle l’héritière du système hindou du « cercle des Rois », devenu par la géopolitique le « cercle des Etats ». Enfin, le regard musulman est celui d’un « géocentrisme religieux », plaçant l’Umma au centre d’un « espace mondial (découpé) en anneaux concentriques ».
L’auteur conclut en annonçant des analyses à suivre sur les relations interétatiques et sur la mondialisation.
Ce traité est complexe et l’auteur ne fait aucune concession au grand public. C’est là son intérêt en même temps que sa difficulté.
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