Le fin connaisseur de l’Inde qu’est Frédéric Landy avait déjà livré plusieurs ouvrages sur ce pays dont on retiendra sa thèse sur les paysans de l’Inde du Sud, parue chez Karthala en 1994, ou son manuel sur l’Union Indienne, publié en 2002 aux Editions du Temps. Il propose dans un nouvel ouvrage paru chez Belin d’étudier la question alimentaire et plus spécialement le système public alimentaire de l’Inde.
Dans sa première partie, le géographe dresse un tableau de la situation alimentaire indienne, entre autosuffisance et fragilité. La production agricole ne réussit désormais plus à suivre le rythme de l’évolution démographique, ce qui menace la subsistance de la population indienne. L’étude de l’évolution des différents apports alimentaires tend à montrer que ce sont les Etats du centre du pays, du Rajahstan au Bengale Occidental, qui ont le plus bénéficié de l’augmentation de ces apports, d’autant plus essentiels que le pays avait traversé de très graves famines à l’époque coloniale, en particulier en 1943.
La deuxième partie est l’occasion de revenir sur les « aléas de l’égalisation spatiale » de 1943 à 1991. La Loi sur les Produits Stratégiques de 1955 a permis de mettre en place une diffusion correcte des produits alimentaires. Cependant, cela a débouché sur une « segmentation spatiale » délimitant des « zones alimentaires » strictes en cas de besoin, réservées au riz ou au blé. A partir du milieu des années 1960 se mit en place la Révolution Verte, fondée sur le triptyque technologique (variétés à haut rendement, engrais chimiques, irrigation). Le succès de la politique agricole de cette période est telle que dès la fin des années 1970, le pays est en situation d’autosuffisance alimentaire et peut même se permettre d’exporter. L’Etat Fédéral est intervenu sur le marché de la consommation par le Système de Distribution Publique (PDS), qui maintient la stabilité des prix et aide à l’alimentation des plus pauvres. Dans le même temps peuvent s’ajouter des subventions de l’Etat provincial, comme ce fut d’abord le cas dans l’Andhra Pradesh. Un pari a vu jour : équilibrer les disparités inter-régionales.
Dans sa troisième partie, Frédéric Landy dresse un bilan de la décennie passée. Pour lui, les inégalités subsistent et le bilan reste très mitigé. Le système du procurement a ainsi renforcé les inégalités spatiales et sociales de la Révolution Verte. Il a également accru les difficultés de stockage. Le PDS est parfois remis en cause pour sa relativement faible efficacité auprès des plus pauvres et pour les pratiques illégales dont il est l’objet. Des systèmes alternatifs au PDS sont envisagés.
Enfin, dans sa quatrième et dernière partie, l’auteur analyse la question territoriale. La question de l’aménagement du territoire de l’Union indienne est posée par le leitmotiv de « l’intégration nationale ». Le pays doit faire face à d’importants écarts interrégionaux qui s’accentuent désormais, au profit par exemple du Punjab, le plus riche des Etats indiens. Cet aménagement du territoire, expression qui n’a pas véritablement d’équivalent, doit désormais compter avec le renouveau du localisme, le « bloc de développement » trouvant place à une échelle similaire à celle du canton. En ce qui concerne le quadrillage du territoire indien, l’auteur considère que l’Inde a pour ambition « de passer du losange à la croix ». La volonté consiste, dès lors, à mettre en valeur le « Deccan sous-urbanisé ». Enfin, Frédéric Landy propose un très rapide comparatif avec les politiques alimentaires d’autres pays d’Asie du Sud.
Cet ouvrage est essentiel pour étudier la question délicate des politiques de développement et alimentaires. Il dispose de 36 cartes, très riches, aux sujets divers. Un manuel à recommander !
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