Les virus sont des agents de la mondialisation. Leur histoire révèle les progrès opérés par les Hommes au cours des siècles. Ainsi, même si les éditions du Cavalier Bleu ont classé cet ouvrage dans la catégorie Santé et Médecine, force est de constater qu’il s’agit, aussi, d’histoire et de géographie.
Evelyne Moulin est docteur en médecine et docteur es sciences. Ancienne chercheuse au CNRS, elle est actuellement consultante en économie de la santé. Elle a précédemment publié aux Editions Asclépiades un ouvrage pratique (Préparation santé de son voyage) et un autre sur les Nouveaux virus : les tueurs les plus discrets de la planète. 2005.
Le principe d’entrer dans le sujet par les idées reçues qui courent sur le sujet est toujours biaisé. Les auteurs ont tendance à forcer le trait afin de montrer que les choses sont souvent plus compliquées. C’est ainsi que se construit le plan de l’ouvrage.
Pour prendre un exemple, retenons la première idée reçue qui est examinée et qui est particulièrement abusive : Pasteur a découvert les virus. Dans les classes de 4°, notamment, les enseignants ne disent pas que Pasteur a découvert les virus. En revanche, nous insistons sur la mise au point du vaccin contre la rage. 1885 est d’ailleurs un repère du diplôme national du brevet. Mais, il faut voir dans cette attaque en règle une manière d’argumenter et d’introduire les noms de Ivanovski et de Beijerinck, les véritables découvreurs.
Au-delà de ces remarques préliminaires, l’ouvrage est fort intéressant. Evelyne Moulin rappelle les grandes avancées de l’humanité dans la lutte contre certaines maladies. Grâce à l’action de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la variole a pu être éradiquée à la fin du XXe siècle. La disparition de la poliomyélite est le chantier OMS du XXIe siècle. Elle met en liaison ces victoires avec les nouvelles menaces qui apparaissent. Ainsi, le bioterrorisme pourrait profiter de la fin de la vaccination obligatoire contre la variole depuis 1977 pour utiliser le virus comme une arme. L’auteur estime toutefois que même si ces menaces passaient à exécution, elles seraient moins destructrices que des armes dites conventionnelles. Alors que certaines maladies tendent à disparaître, d’autres virus apparaissent : SRAS, H5N1, VIH, fièvres hémorragiques. Les déplacements de plus en plus rapides des Hommes dans le cadre de la mondialisation participent à une propagation rapide des virus. Ainsi, en 2002, le SRAS a touché 27 pays en 6 mois. Il a été maîtrisé rapidement grâce à l’action de l’OMS. Les virus responsables de nouvelles pathologies ne sont pas nouveaux. Ils existent dans la nature. C’est à la suite d’une modification de leur environnement (défrichement) qu’ils infectent l’Homme. L’Homme est donc responsable de la survenue et de la prolifération de nouveaux virus et ainsi de nouvelles maladies par les changements qu’il induit dans la biodiversité et le réchauffement climatique.
La lutte contre les virus (anciens ou nouveaux) n’est pas facile. Il n’existe pas de thérapie antivirale capable d’éliminer complètement les virus. Aussi, la prévention est essentielle (préservatif, anti-moustiques, mesures d’hygiène). L’auteur rappelle aussi qu’ils existent de nombreux virus qui sont inoffensifs et avec lesquels l’Homme cohabite sans problème. Elle signale aussi que grâce aux progrès de la science, on connaît de mieux en mieux les virus et on sait de mieux en mieux lutter contre eux. Elle consacre un chapitre à l’homéopathie dont elle est l’une des ferventes adversaires. Elle mène une attaque en règle contre le médicament homéopathique contre la grippe qu’est oscillococcinum.
Ce petit livre est un véritable ouvrage de vulgarisation. Très pédagogique, les explications sont simples et claires, y compris pour les lecteurs peu au fait du fonctionnement biologique des virus. Les hypothèses de transmission du H5N1 à l’Homme sont particulièrement lumineuses. L’ensemble s’appuie sur des petits croquis très simples. Des documents (plan d’urgence contre la variole en France) et des encarts (les différents types de virus) sont reproduits au fil des pages et apportent beaucoup au texte. L’ensemble se termine par une bibliographie commentée, qui n’oublie pas de signaler des œuvres cinématographiques traitant du sujet (Alerte ! de Wolfgang Petersen ; L’Armée des 12 singes de Terry Gilliam). Un livre à conseiller pour enseigner la géographie des risques, en seconde notamment.
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