L’ouvrage dirigé par Catherine Haman, Dorota Sikora et Georges Kleiber est une compilation d’articles qui s’appliquent à penser l’espace dans le roman français postérieur à 1980. Catherine Haman est maîtresse de conférences à l’université du Littoral Côte d’Opale, spécialiste des productions narratives de la seconde moitié du XXe siècle. Dorota Sikora est maîtresse de conférences HDR en sciences du langage dans la même université. Elle a consacré plusieurs études à la lexicalisation de l’espace. Georges Kleiber, professeur émérite de l’université de Strasbourg, travaille sur le sens langagier saisi dans ses différents déploiements, grammaticaux, lexicaux et textuels.

            Les quatorze contributions viennent questionner l’espace dans le roman contemporain : comment est-il perçu ? Quels sont les lieux explorés ? Quelles sont les conséquences de la mondialisation sur les configurations littéraires ? Les directeurs ont choisi  d’organiser les contributions en quatre axes : une première approche linguistique étudie la langue comme outil de structuration de l’espace romanesque ; une deuxième approche topologique étudie dans le roman les lieux considérés comme emblématique de notre époque ; une troisième approche aborde la question des mobilités et des voyages ; enfin, une quatrième et dernière approche est consacrée aux univers faits de strates mémorielles et littéraires.

            Les articles proposés dans l’ouvrage sont globalement intéressants et très bien écrits. Leur manière d’envisager l’espace pose, pour certains, de nouvelles questions que Catherine Haman relève en conclusion : que dit la littérature d’aujourd’hui de l’espace, en quoi retranscrit-elle une façon nouvelle de se situer ? Un seul article affiche le lien entre ces questions et une question posée par la géographie humaine actuelle et qui est celle de l’habiter. Manon Delcour et Emilie Ieven relèvent une citation prise dans le roman de Philippe Vasset, Une vie en l’air et qui fait écho avec cette notion : « Habiter, comme écrire, c’est travailler une énigme. Mais tout ce que l’on nous donne, ce sont des solutions, des réponses bien alignées, paramétrées, millimétrées. Où désormais, nous perdre ? » Les deux autrices sont pratiquement les seules à faire référence à des travaux de géographes et à ceux de Mathis Stock et Olivier Lazzarotti, pour ne pas les citer.

            Si l’ouvrage est globalement intéressant, il souffre cependant d’apports épistémologique sur les notions d’espace, de territoire et de lieux, termes souvent utilisés indifféremment par quelques-uns des auteurs. Le recours à la notion de spatialité (d’habiter) n’est que très peu convoquée pour ne pas dire pas du tout. Les références aux travaux de Thierry Paquot, Mathis Stock, Edward Soja (hormis dans l’introduction), de Chris Younès, Jacques Lévy ou Michel Lussault sont rares voire absentes. Ce « petit bémol » pourrait laisser sur sa faim quelques lecteurs attentifs.