L’ Histoire des maisons closes , traduite et publiée par les éditions du Dauphin, est un ouvrage écrit par la journaliste espagnole Monica Garcia Massagué. Spécialisée dans le cinéma, son troisième livre propose une « mémoire et une géographie du bordel » articulées autour de 8 chapitres chronologiques de l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine.

Pour l’auteur, il ne s’agit pas d’écrire une histoire de la prostitution mais bien de celle des maisons de plaisir, marqueurs sociologiques des sociétés dans lesquelles elles s’établissent. Lieux de la pratique sexuelle tarifée, maisons de commerce, les bordels sont destinés depuis la période Antique à assouvir des besoins masculins. Ce sont les révélateurs des pratiques et tendances sexuelles à travers les âges et les continents, différents de celles accomplies dans un cadre légitime et souvent conjugal. Mais ce sont aussi des lieux sensibles aux distinctions sociales, et pouvant jouer une influence économique et politique. En effet, il s’agit de véritables entreprises, souvent familiales aux XIX e siècle, organisées autour d’un règlement intérieur très strict, réduisant le plus souvent ses travailleurs au statut de quasi esclave.

Les premiers chapitres présentent les principales caractéristiques et évolutions des maisons closes de l’Antiquité jusqu’au Moyen Age en Europe. Il existe alors des liens forts entre prostitution et pouvoirs religieux et politiques ce qui donne un statut social beaucoup plus digne au commerce de la chair. Prêtresses chez les Sumériens , les prostituées perdent peu à peu leur caractère sacré pour passer sous le contrôle du pouvoir politique chez les Grecs et les Romains. Source de bénéfice, les rapports sexuels tarifés sont alors réglementés et localisés dans des maisons spécialisées, du premier bordel municipal créé par Solon jusqu’aux lupanars romains, bien connus grâce aux vestiges archéologiques conservés à Pompéi.Le lupanar meurt avec l’Empire Romain.
C’est au Haut Moyen Age qu’apparaît le terme «  bordel », ou « brothel » en anglais. Avec les croisades, et au contact de l’ Asie, on constate un retour formel des maisons de plaisir en Europe. Les «  filles de joie » sont établies et protégées par les municipalités et les pouvoirs locaux. Ainsi, au XIIème siècle, la ville de Southwark est créée à coté de Londres afin d’y concentrer exclusivement les activités licencieuses soumises à un règlement royal. Cependant, à partir du XVème siècle, l’Europe est touchée par de nouvelles maladies, la syphilis principalement, ce qui expose la prostitution à des sanctions étatiques et religieuses. Mais les maisons survivent sous forme de sérail en France, et favorisant l’influence des courtisanes sur les pouvoirs temporels et spirituels principalement en Italie jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.

L’Orient n’ est pas oublié cependant et un chapitre entier est consacré au continent asiatique distinguant les différentes formes de prostitution ( pratiques et lieux) dans le monde Arabe, en Inde, en Chine et au Japon de l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine.

Deux chapitres s’attardent alors sur les XIXème et XXème siècles qui connaissent en Europe et en Amérique une explosion de la prostitution et des maisons closes, phénomène liée aux Révolutions industrielles et à l’urbanisation des sociétés.
Trois chapitres plus thématiques viennent alors conclure cette analyse historique des maisons closes. Ils s’attardent sur les rapports qu’elles ont entretenu au cours du XXème siècle avec l’Art mais aussi le pouvoir politique, et dans une approche plus journalistique, présente les mutations économiques et marketing les plus récentes qu’ont connu les bordels dans les sociétés occidentales. Enfin, le livre se termine par un lexique amusant, proposant des définitions multiples et imagées, du monde des grues, galvaudeuses et autres chaudières à boudins blancs.

Ouvrage richement illustré, au discours sérieux malgré un sujet trivial, l’ Histoire des maisons closes, réservé à un public averti, intéressera l’amateur d’histoire sociale et globale, autour d’un sujet s’y prêtant de façon évidente, « le plus vieux métier du monde. ».