Présentation de l’éditeur. « Un rêve. Un destin à écrire. Le ciel pour théâtre.
Tuskegee, Alabama, fin des années quarante. Bessie Bates est passionnée d’aviation. Tous les jours, depuis trois ans, elle se rend à l’aérodrome dans l’espoir de passer son brevet de pilote. Sauf que Bessie est une femme, et elle est noire. Et dans l’Amérique ségrégationniste, difficile pour elle de faire valoir sa capacité à piloter son propre appareil…Alors quand elle reçoit un jour par la poste la plaque de son père, héros de guerre disparu en vol en Europe, elle décide de tout mettre en œuvre pour retrouver sa trace. Première escale : Paris, où elle est embauchée comme copilote par une compagnie de fret. Aux côtés de Lulu, vétéran bourru, Bessie gagne des heures de vol, de l’assurance et de l’expérience. Le ciel sera dès lors le théâtre de son destin…
Découvrez le destin de Liberty Bessie : la reine du ciel ! Une saga d’aviation au parfum d’histoire, mais surtout d’aventure, librement inspirée des faits d’arme des « Tuskegee Airmen », groupe de pilotes afro-américains originaires de Tuskegee et qui se distingua lors de la Seconde Guerre mondiale ».
À lire la présentation, on craint la bluette… Et on se laisse pourtant prendre au récit, qui est bien mené. Les illustrations de Vincent n’y sont d’ailleurs pas pour rien. Son coup de crayon est très précis, très minutieux, bien servi par les couleurs : la couverture reflète tout à fait ce qu’on trouve dans l’album. On est admiratif devant les dessins des avions, avec tous les détails de leurs caractéristiques : North American P-51 Mustang et B-25 Mitchell, Focke-Wulf Fw 190, Douglas DC-3, Boeing Stearman et B-17 Flying Fortress, Dewoitine D.338, Stampe SV-4, Lockheed Constellation, etc. On y trouve même un HM-14 « Pou du ciel » (p. 52), détoilé et dépourvu de son plan supérieur. Et tout laisse à penser que les auteurs sont très familiers avec l’aéronautique, puisqu’ils en maîtrisent parfaitement le vocabulaire : on parle de « filets d’air », de « navigation », de « vent du 270 », de « pré-vol », de « trim de profondeur », etc. Tout cela ne s’invente pas. D’un point de vue lexical et pour ce qui est de la documentation technique, on attribue un satisfecit avec beaucoup d’enthousiasme. Le souci du détail va jusqu’aux publicités murales, comme Peugeot, Dubonnet, etc., aux voitures, etc.
Au-delà des tribulations de Bessie Bates, les auteurs donnent à voir la ségrégation : les places réservées aux coloured dans les bus, les installations des Tuskegee Airmen placées à l’écart des terrains d’aviation. Car l’histoire tourne autour de ces pilotes assez peu communs, puisque noirs américains : les Tuskegee Airmen. Cette unité, commandée par Benjamin Oliver DavisEn 1954, Benjamin Oliver Davis devient le premier général noir américain dans l’armée de l’air des États-Unis, son père ayant été le tout premier dans l’armée de terre, fut intégrée au 332e groupe de chasseurs. Équipée en octobre 1944 (au moment où le récit débute) de P-51 très caractéristiques, car leur empennage, la casserole de l’hélice et les saumons sont peints en rouge, d’où leur surnom de Red Tails. Leur mission est de protéger les B-25 et B-17 du 477e groupe de bombardement qui opère en Méditerranée. Dans l’album, l’un des Tuskegee Airmen est abattu au retour d’une mission au-dessus de l’Italie. C’est Farell Bates, qui pilote un P-51 baptisée « Liberty Bessie », pour la cause qu’il défend et pour sa fille.
Quatre ans plus tard, à Tuskegee (puisque c’est le nom d’une ville de l’Alabama), Bessie fait tout pour passer son brevet de pilotage sur ce qui me paraît être un Lockheed Model 12A (sauf erreur de ma part), qui effraierait plus d’un débutant. Mais elle se heurte à la ségrégation raciale d’alors et à l’absence de perspective d’emploi dans l’aviation civile. Elle reçoit un jour un paquet du gouvernement dans lequel se trouve la plaque matricule de son père, envoyée de France. Elle embarque à bord d’un magnifique Constellation de la Lockeed pour Le Bourget, à la fois pour retrouver la trace paternelle et pour voler, enfin. Bessie est employée chez Auxiette frères et devient co-pilote sur un DC-3 pour des missions de transport de matériel assez douteuses avec l’Espagne (contrebande d’œuvres d’art, etc.). Elle finit par apprendre que la plaque a été retrouvée près de Tripoli, en Libye, dans l’épave d’un Caproni. Quittant précitamment Auxiette Frères, elle s’envole pour Alger, atterrit à proximité ; elle découvre un hydravion (que je n’ai pas réussi à identifier) dans un hangar presque abandonné.
Bref, un très bon album dont on attend le second volume.
Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes