Parue aux éditions Le Lombard, dans l’excellente collection Signé, L’or du spectre est une bande dessinée brillante signée Matz au scénario et Philippe Xavier au dessin. Après Le Serpent et le Coyote, le duo revient avec un polar à l’américaine, à la fois drôle, tendu et profondément ancré dans les grands espaces de l’Ouest. On se retrouve plongé dans les routes poussiéreuses du Nouveau-Mexique, entre ville-fantôme, bagnoles des seventies et cow-boys, dans une ambiance qui évoque autant le Blueberry de Giraud que l’ironie grinçante et la violence d’un film de Tarantino. Ce mélange unique de western, de polar et de road-movie américain nous immerge dans une Amérique contrastée, de ses mythes du Far West à la désillusion des années 1970.
Le synopsis
Chuck vient de purger cinq ans de prison. À sa sortie, il retrouve Kat, sa petite amie explosive, et tous deux prennent la route direction Dry Creek, une ville fantôme du Nouveau-Mexique. Là-bas, Chuck avait caché un magot juste avant de se faire coffrer. Mais les choses vont vite se compliquer : la planque est vide, et d’autres curieux sont passés par là. Pire encore, un vieux cow-boy à moitié fou rôde dans les parages, vociférant des souvenirs de la ruée vers l’or. Le spectre semble bien décidé à protéger son trésor, ou ce qu’il en reste … Kat et Chuck, duo bancal et attachant, s’enfoncent alors dans un enfer de trahisons, de coups tordus et de retournements de situation, où chacun creuse autant pour déterrer l’or que pour enterrer les autres ! La tension monte vite, entre faux-semblants, vieux secrets de prison, et cadavres qui s’accumulent. Un polar sec, tendu, sans concession, où l’argent et la folie se confondent.
Un scénario solide, malin et plein de surprises
L’or du spectre repose sur une trame classique, un ex-taulard, un magot planqué, une ville fantôme, mais Matz en tire un récit particulièrement bien ficelé, riche en rebondissements et en tension. Dès les premières pages, l’histoire accroche grâce à un duo attachant et contrasté : Chuck, le voyou un peu paumé, et Kat, blonde fatale aussi futée que redoutable. Leurs dialogues claquent, l’humour est bien dosé, et les situations s’enchaînent sans temps mort. L’idée du vieux chercheur d’or, mi-fou mi-légende vivante, est originale. Grâce à une narration fluide et des flashbacks parfaitement intégrés, le récit prend vite de l’ampleur. C’est malin, rythmé et souvent surprenant, avec ce qu’il faut de tension, de violence, de suspense et d’ironie pour tenir le lecteur jusqu’à la dernière page. Une vraie réussite scénaristique, où chaque détail compte !
Un bijou graphique dans une ambiance brûlante
Si le scénario séduit, le dessin est tout simplement somptueux. Philippe Xavier se régale et nous aussi : cadrages larges et cinématographiques, visages expressifs, véhicules vintage, paysages désertiques à couper le souffle … C’est du grand art ! Avec les couleurs chaudes de Jérôme Maffre, on sent la poussière, l’aridité, le vent chaud du désert. Certains plans évoquent clairement le Blueberry de Giraud, jusqu’au clin d’œil assumé page 29. Ce mélange de polar et de western, à la sauce années 70, est porté par une mise en scène visuelle impeccable, digne des plus grands films. C’est beau, vivant, immersif. Un vrai plaisir pour les yeux !
L’or du spectre est un excellent polar western, intelligent, tendu, drôle et magnifiquement dessiné. Le duo Matz-Xavier prouve encore une fois tout son talent, dans un album riche, rythmé et parfaitement maîtrisé. Une lecture incontournable pour les amateurs de BD d’aventures bien ficelées.