Bianca Shaalburg est illustratrice pour la presse et l’édition. Elle publie son premier roman graphique. Elle a choisi de raconter l’histoire d’une famille allemande, la sienne, sur trois générations. Vingt-cinq pages d’annexes sont proposées et complètent utilement le roman graphique.
Une famille face à l’histoire
Une question centrale parcourt l’ouvrage de Bianca Schaalburg : que savaient les membres de sa famille sur ce qui se passait durant la Seconde Guerre mondiale ? Elle choisit de procéder par des allers-retours entre plusieurs époques. Pour aider le lecteur, elle utilise un jeu de couleurs, chacune étant associée à une époque.
Au départ, une question
En 2004, la narratrice, Bianca donc, apprend de son oncle Heinrich que les meubles qu’ils sont en train de déménager avaient été offerts à ses parents pour leur mariage en 1933. C’est aussi une époque où elle perd plusieurs membres de sa famille, ce qui la fait se questionner sur son histoire familiale.
Dans les années 30
Redisons-le, le roman n’est pas linéaire. On rencontre pour la première fois le grand-père de Bianca appelé aussi Heinrich dans les années 30. Il a rencontré son épouse Else et, une fois mariés, ils ont eu ensemble quatre enfants en six ans. Else rencontre le docteur Demuth, pédiatre, qui est juif. Il s’enfuit en Hollande pour mettre en sureté sa famille face à la politique nazie. Sur une vieille photographie, Bianca découvre qu’Heinrich est membre du NSDAP depuis 1926.
Enquête familiale
En 2018, troublée par ce cliché, elle décide d’enquêter sur lui et commence à en apprendre un peu plus sur sa vie. Elle se rappelle alors que, dans les années 70, elle avait déjà interrogé sa grand-mère sur l’époque de la guerre. Celle-ci avait évacué le sujet en disant que ni elle ni Heinrich ne savaient ce qui se passait alors.
A qui appartenait notre maison ?
Les Stolpersteine sont des plaques mémorielles installées à Berlin. Bianca se rend compte que trois d’entre elles correspondent à l’adresse de la maison familiale. Cela signifie sans conteste que trois juifs qui vivaient ici ont été expulsés au moment du nazisme. Elle s’interroge sur eux, sur ce qu’ils ont pu vivre. Ce travail se poursuit tout au long du livre. Elle n’hésite pas à proposer une reconstitution possible de leur vie.
Une famille dans la guerre
Le roman graphique offre plusieurs entrées sur la Seconde Guerre mondiale. Année par année, cela permet de voir l’évolution de la guerre au prisme d’une famille allemande. A chaque fois, l’autrice donne en parallèle des informations sur l’avancée des combats. Elle articule ainsi histoire familiale et histoire globale du conflit. En 1942, la famille se balade en forêt quand, à cinq kilomètres de là, les modalités de l’extermination des juifs sont décidés à Wannsee.
Une quête sans cesse réalimentée
Une autre photographie de son grand-père en Lettonie relance l’enquête de Bianca. Son oncle lui transmet le livret militaire de son père ce qui lui permet de continuer. Elle se rend dans le pays pour aller à un mémorial consacré à la Seconde Guerre mondiale.
Vers la fin de la guerre
Progressivement, la famille ressent la défaite militaire qui s’annonce pour l’Allemagne. Elle est ballottée par l’histoire quand Berlin est transformée en tas de ruines. Les Soviétiques arrivent ensuite dans la ville. Dachau devient un camp d’internement américain dans lequel Heinrich passe trois ans. La question de la dénazification et ses modalités est abordée. 8,5 millions d’Allemands ont en effet été membres du NSDAP.
Les difficultés de l’après guerre
Heinrich a des relations tendues avec son fils qui voudrait en savoir plus sur l’attitude de son père. Il meurt d’un cancer en 1957. Son fils découvre dans les papiers de son père qu’il a une demi-soeur.
Entre les deux Allemagne
Le roman graphique ne se limite pas à la Seconde Guerre mondiale car une partie de la famille vit dans la zone soviétique, au moment où Berlin est un enjeu de la Guerre froide. Là encore, histoire familiale et grande histoire sont liées comme le montre la visite de Kennedy en 1963. Certains membres de la famille ont appartenu à la Stasi.
A la fin, Bianca se rend à Yad Vashem avec son fils pour, une fois de plus, rendre hommage aux trois personnes juives expulsées de leur domicile. Ce roman graphique, qui embrasse plusieurs générations, éclaire aussi d’une façon très intéressante les rapports entre histoire et mémoire.