Sociologue, il est également juge représentant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés à la commission de recours des réfugiés. Il a travaillé sur Sangatte en publiant une étude en 2003 sur le profil des personnes passées par ce centre. Seize idées sont ainsi examinées, réparties en quatre chapitres : immigrations et déplacements de populations, les immigrés et l’immigration, la France, l’immigration et le contrôle des frontières, de l’immigré au Français.
Un sujet brûlant
L’auteur plaide tout d’abord pour la complexité pour aborder ce sujet. Il invite également à tenir compte de la diversité des situations, ce qui est sans doute le meilleur antidote à toute formule globale et définitive sur le sujet. Par exemple, on peut citer les motifs d’émigration qui peuvent être, entre autres, la famine, la persécution politique ou même plus récemment des aspects climatiques. L’auteur souligne enfin des difficultés propres à ce sujet : chacun possède un avis sur la question (comme l’éducation, non ?), et c’est aussi souvent le lieu de postures politiques, où il est important de montrer sa fermeté, voire sa virilité. Dans un format contraint, quelques encadrés permettent d’aller un peu plus loin, voire de préciser des points techniques comme les différents types d’asiles en France aujourd’hui, le livre est actualisé quand il parle notamment des nouvelles procédures de 2005 ou des variations récentes dans les composantes de l’immigration.
Avant tout, l’histoire
Dès le début, Smaïn Laacher précise qu’il faut situer la question dans une perspective historique, histoire à la fois de dépassionner sans doute le débat et d’avoir une approche qui prenne du recul sur la question de l’immigration. C’est l’occasion de montrer combien l’histoire du pays influence sa vision actuelle de l’immigration. De façon efficace, mais rapide, l’auteur en vient à opposer les Etats-Unis à la France. D’un côté, un mythe fondateur, et de l’autre une difficulté liée au fait que l’immigration a été très longtemps pensée comme de passage. Ce détour par l’histoire se révèle également nécessaire pour rappeler quelques évidences parfois oubliées : l’homme a multiplié au XXeme siècle les frontières. Il a donc forcément multiplié le phénomène d’immigration.
Savoir s’étonner et se remettre en question
Parmi les idées reçues, celle d’un déplacement des populations des pays pauvres vers celle des pays riches est recadrée. En 2000, un pays comme l’Afghanistan comptait 1,3 million de réfugiés en Iran et 1, 2 million au Pakistan. L’auteur montre en effet que, très souvent, on assiste à des déplacements entre pays pauvres. Un autre article traite du niveau de diplôme des immigrés. En 1982, les immigrés étaient deux fois moins nombreux que les non immigrés à être diplômés du supérieur. En 1999, ils le sont presque aussi souvent. Une autre étude s’est intéressée au cas d’une famille de deux enfants dont le père est un ouvrier qualifié et la mère inactive mais tous deux pourvus d’un CAP. Il en ressort que les élèves, dont les parents sont maghrébins ont 26 % de chances d’entrer dans un lycée général contre 20 % pour les enfants de parents français. Le chiffre grimpe même à 37 % pour les élèves venant d’Asie du sud-est, mais s’effondre à 13 % pour les enfants de parents turcs.
La vérité est-elle dans les chiffres ?
Il ne faut pourtant pas en rester à de telles études. En effet, l’auteur plaide aussi pour une dimension humaine en montrant bien qu’on ne peut réduire, par exemple, un être qui se déplace à une case dans un fichier. Sur cette idée d’éviter la culture du chiffre, il rappelle, comme pour d’autres sujets, les biais statistiques qui peuvent exister. Ainsi, dans le cas d’un demandeur d’asile qui obtient une carte de réfugié, rien ne change pour lui car il est sur le territoire français, mais son « apparition statistique » démarre le jour de l’obtention de son statut !
Smaïn Laacher termine par une conclusion très balancée entre modèle français et modèle anglais. Il invite à éviter l’angélisme ou l’auto-flagellation sur un tel sujet. Il dit que « l’immigration n’est pas une atteinte à l’identité de la France……tout comme elle ne peut se résumer à une simple question de réglementation ». De tels propos pourraient paraître partisans ou polémiques si ce livre avait été écrit cette année, ce qui n’est pourtant pas le cas.
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