Les lecteurs du site des Clionautes connaissent bien désormais cette petite collection, idées reçues , qui cherche à répondre de façon très accessible à la plupart des grandes questions que l’on peut se poser sur les grandes sujets contemporains.
Paul Balta associe son expérience de journaliste et de spécialiste des questions moyen-orientales pour traiter de cette question sensible.L’Islam en effet, et depuis le moyen-âge a véhiculé diverses inquiétudes et fantasmes. Le sarrasin de la chanson de Roland, le barbaresque qui venait razzier les villages du Languedoc ont laissé des traces dans les mémoires collectives.
Aujourd’hui, et on peut dater cette transformation depuis la Révolution iranienne, l’Islam est associé au terrorisme qui s’en réclame. De multiples analyses ont relié des idées reçues déjà anciennes et de véritables réactions de rejet, les unes justifiant les autres.
Pourtant, et cette idée reçue est spécifiquement traitée dans l’ouvrage, le développement du fondamentalisme qui a servi de terreau au terrorisme qui se réclame de l’Islam. Cette précision n’est pas inutile et sera constamment répétée pour éviter toue assimilation, le est une des conséquences de la guerre des six jours et de l’attaque surprise et simultanée de Tsahal contre l’Égypte, la Syrie et la Jordanie.
Cette défaite humiliante des armées arabes a donné une certaine légitimité à ces critiques des partisans d’un retour aux racines de l’Islam. Le mouvement des frères musulmans, dont le Hamas est issu, ce que l’on n’entend que très rarement, a trouvé dans cette défaites des justifications à ses critiques contre les régimes arabes laïcs ou tentés par la modernisation. Les difficultés économiques, le mauvais partage des fruits de la richesse pétrolière, la mal gouvernance des pays arabes, ont ainsi favorisé ce mouvement de contestation intérieure. Peu à peu, les tensions sociales, la faillite des expériences socialistes, les réponses des différents gouvernements, (arabisation en Algérie) ont favorisé une ré-islamisation des sociétés. Le terreau du fondamentalisme a permis le développement de ces mouvements radicaux dans le cadre de sociétés fragilisées par le chômage de masse des plus jeunes.Le cadre de ce petit volume, c’est dire 126 pages ne doit pas faire illusion. La plupart des questions traitées le sont de façon assez précise pour que l’on puisse, hors besoin spécifique d’approfondissement, se limiter à cette lecture pour disposer d’une culture générale de la question. On reprendra donc, au fil de la table des matières ces différentes idées reçues.

« Mahomet est un faux prophète », certes cette idée reçue n’est peut-être pas très difficile à remettre en cause, car Mahomet s’inscrit dans la lignée de ses devanciers, annonçant la venue de la fin des temps ou du royaume de Dieu. Il n’est pas plus faux ou vrai du reste que les autres, tout est alors question de foi, mais il inscrit sa prédication comme les autres par le passage dans le désert, espace initiatique où l’homme est seul face à lui-même et à son créateur. Il reçoit l’appel avant de revenir parmi les siens.

« L’islam s’est imposé par la conquête guerrière » et « L’islam est une religion intolérante » font partie de ces idées reçues que l’on essaie de combattre dans le cadre des programmes d’histoire aussi bien au collège qu’au lycée sont traitées pat Paul Balta. Les images des cavaliers arabes déferlant sur le bassin méditerranéen avant d’être arrêtes à Poitiers par Charles Martel font partie de ces grands classiques. La conquête de ce vaste empire en moins d’un siècle dit beaucoup à l’absence d’organisation des territoires conquis mais aussi, aux déchirements théologiques de la chrétienté. La querelle arienne a rendu la simplicité du message coranique particulièrement attractive.
Pour ce qui concerne la tolérance, on connait bien entendu le statut de dhimmi, de protégé destiné aux gens du livre, mais cela mérite toutefois d’être nuancé. Dans les zones slaves la conversion a été plus ou moins imposée par des nécessité stratégiques de défense de l’Empire ottoman.

L’Islam, créateur pendant l’âge d’Or

Si l’on affirme que « La civilisation arabo-musulmane n’a rien inventé », cela n’est pas forcément vrai dans les programmes scolaires même si l’on insiste parfois sur le rôle de transmetteurs des héritages antiques, indiens ou chinois que les arabes ont joué. En fait, Paul Balta montre assez facilement que beaucoup d’apports dans le domaine des mathématiques ou de la médecine, sans parler de la géographie sont liés à des savants arabes. On pense bien entendu à Avicenne ou le moins connu et pourtant grand physicien Al Hazen, du XIe siècle.

Depuis le 11 septembre, « L’islam a toujours été en guerre contre l’Occident » fait partie de ces idées reçues frappées au coin de l’évidence pourtant c’est bien ls croisades qui représentent une attaque délibérée et organisée avec des motivations religieuses de la chrétienté contre l’Islam. Oussama Ben Laden désigne l’occident en parlant des Croisés, ce qui n’est pas innocent.
« L’islam est la meilleure des religions » est, et c’est original dans ce contexte, une idée reçue des musulmans eux-mêmes. Ceux-ci opposent la complexité des rites du judaïsme et les divisions du christianisme à la simplicité de leur Foi marquée par l’unicité de Dieu. On nuancera ce propos en évoquant les schismes multiples de l’Islam et la diversité des interprétations. L’auteur évoque aussi dans ce chapitre la responsabilité des pays du Golfe, et en ppremier lieu l’Arabie saoudite dans la diffusion d’un Islam rigoriste y compris violent.

Un Islam des lumières à promouvoir

Évidemment « Les Arabes sont musulmans, les musulmans sont arabes », fait aussi partie de ces confusions que l’on entend parfois. 330 millions d’arabes pour un milliard et demi de musulmans, la marge d’erreur est grande. On apprendra également dans ce chapitre les raisons de la conversion des afro-américains à l’Islam.
« La place de la femme est à la maison » est évidemment une de ces idées reçues qui a la vie due et qui correspond tout de même à la réalité vécue de bien des femmes dans l’Islam. Cela renvoie aussi à cette autre idée reçue « Le Coran oblige la femme à se voiler », que Paul Balta, explique avec beaucoup de pédagogie. Ce petit livre pourra d’ailleurs être utilisé en éducation civique pour combattre le mot n’est pas trop fort, ces idées fausses que véhiculent les diffuseurs d’un islam rigoriste et surtout hypocrite à propos de prétendues règles divines qui n’existent que dans leur imagination.
« La pratique de la religion musulmane est contraignante » dans l’imagination aussi de ceux qui veulent que le rite remplace la foi. En fait la souplesse de l’enseignement du Coran fait un étrange contraste avec la crispation identitaire de ceux qui veulent une ré-islamisation de la société.

L’ouvrage sera aussi très précieux sur les trois points suivants auxquels les enseignants d’histoire, de géographie et d’éducation civique sont également confrontés. Pour l’abattage rituel des bêtes, on rappelle en effet que 60 % des produits casher, destinés aux juifs en théorie sont consommés par des musulmans en raison d’une rigueur supérieure dans le suivi des produits. Paul Balta aurait pu en effet évoquer le scandale des boucheries hallal qui ressort périodiquement.
« Les musulmans égorgent les animaux » tout comme les juifs, et l’interdit alimentaire vient du sang, vecteur de germes dans les pays qui n’ont pas de chaine du froid. Enfin pour « l’islam interdit l’alcool » l’auteur revient sur les débuts de la prédication coranique où justement l’ivresse poétique était assez courante. Il est clair que cette interdiction relayée par les puritains de l’islam est d’avantage liée à un besoin de délimitation qu’à de véritables interdits qui se trouvent dans le Coran.

Cette idée reçue « L’islam proscrit les images » a suscité quelques maladresses d’un éditeur de manuels scolaires reprenant à son compte, sur la recommandation de ses premiers utilisateurs les prétendus interdits sur la représentation de l’homme. Paul Balta explique que ces interdictions des représentations humaines ne concernent que la Sunna et encore dans le monde arabe. Les miniatures persanes comme celle publiée et floutée dans un manuel scolaire sont légion, de même que quelques représentations érotiques sans doute moins connues que les estampes japonaises.

La troisième partie de l’ouvrage, Islam et monde moderne traite successivement de ces questions déjà évoquées dans la première partie de cette présentation.

« On assiste au réveil de l’islam et de l’intégrisme. »
« L’Iran soutient les mouvements intégristes. »
« Il est plus difficile d’être musulman en Occident. »
« L’islam ne respecte pas les droits de l’homme. »
« L’islam est incompatible avec la laïcité. » ….
« L’islam n’intègre pas la modernité. »

On pourrait résumer ces idées reçues en disant simplement que ce dont l’islam souffre, c’est, dans les pays musulmans de la mal gouvernance et du sous développement, et dans les pays développés d’un défaut d’intégration lié aux questions sociales. La laïcité est sans doute la réponse française à l’intégration dans la République d’un Islam apaisé et ouvert. On aurait aimé sans doute qu’une partie soit consacrée de façon spécifique à l’Islam des lumières.

L’islam, première religion du monde ? Oui, si l’on se base sur les pratiquants il semblerait que l’Islam ait dépassé le catholicisme mais que le Christianisme dans son ensemble reste dominant légèrement. Toutefois ce résultat est provisoire, en raison des différences de croissance démographique. Cependant, si la religiosité visible progresse, et cela ne concerne pas que l’Islam, le mouvement de sécularisation commencé il y a deux siècles se poursuive aussi, plus discrètement.

Le lecteur enseignant trouvera donc dans cet ouvrage une synthèse particulièrement précieuse pour répondre à de très nombreuses questions que les élèves peuvent se poser mais ils ne sont pas les seuls.
Une fois de plus, cette petite collection tient ses promesses, mais nous en avons déjà dit dans ces colonnes, beaucoup de bien.

 

Bruno Modica © Clionautes