Présentation de l’éditeur. « Un roman graphique poignant, consacré à la détention et la mort de Bobby Sands, grande figure de l’IRA, incarcéré dans la prison de Long Kesh. Entre récit historique, polar et reportage… ».

 

Les luttes qui ont marqué l’histoire de l’Irlande au XXe siècle constituent un thème dont la bande dessinée s’est emparée. On avait d’ailleurs rendu compte dans la Cliothèque de l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, Mon Traître. Pourtant, si l’Irlande fait partie de l’Union européenne, son passé récent est assez mal connu : n’apparaissant jamais dans les programmes d’histoire-géographie en France, il a rejoint néanmoins l’imaginaire révolutionnaire avec toute la subjectivité que cela représente. Aussi, chaque nouvelle publication est l’occasion de s’interroger sur cet objet particulier.

Long Kesh n’échappe à ce principe, d’autant qu’il s’inscrit dans la réalité : celle du combat de Booby Sands et de ses compagnons de l’IRA contre l’oppression britannique. Ce qui frappe d’abord le lecteur, c’est le dessin. Les couleurs sombres dominent des lignes sobres, d’où émergent les visages des protagonistes. Stéphane Heurteau excelle à rendre les expressions, dans leur dureté notamment, et « l’enfer irlandais » qui s’est constitué dans cette prison de Long Kesh, nom donné au centre pénitentiaire de Maze (Irlande du Nord). Il excelle également à restituer la violence qui s’est exercée sur les prisonniers politiques. L’auteur montre également les stratagèmes que ces derniers utilisent pour communiquer entre eux et avec l’extérieur, et la lutte qu’ils entament : le refus de porter les vêtements de prisonniers, mais de simples couvertures trouées en guise ponchos ; la destruction du mobilier ; le refus d’utiliser leur droit de visite mensuelle ; l’organisation d’une tentative d’évasion ; la grève de l’hygiène (les excréments étalés sur les murs des cellules, avec les conséquences qu’on imagine), etc.

Le paroxysme est constitué par la grève de la faim entamée progressivement par douze prisonniers, dans un premier temps, pour que le mouvement dure plus longtemps. On apprend d’ailleurs que des femmes enfermées dans la prison d’Armagh s’y joignent également. On suit en particulier Bobby Sands, en proie aux turpitudes de certains gardiens, qui continuent à lui donner un plateau de nourriture (souillée) chaque jour. On voit à cette occasion que cette lutte interne se double d’actions à l’extérieur. En plus de la médiatisation des actions, des exécutions visent des gardiens, parmi les plus féroces. Des prisonniers sont présentés aux élections par le Sinn Fein : Booby Sands est ainsi élu député, tout en étant empêché d’aller au parlement. Pendant ce temps, les grévistes de la faim commencent à subir les conséquences de l’absence d’alimentation : la cécité les gagne au fur et à mesure que leurs forces déclinent. Booby Sands meurt le 5 mai 1981, au terme de soixante-six jours de grève. En même temps que la très forte émotion que sa mort provoque, des émeutes éclatent en Irlande du Nord. Le gouvernement britannique reste pourtant insensible au sort des autres grévistes : neuf autres prisonniers meurent bientôt entre mai et août 1981, après quarante-six ou soixante-treize jours de lutte.

L’auteur précise qu’une tentative d’évasion réussit : trente-huit prisonniers s’échappent en 1982. Huit ans après les accords d’avril 1998, Long Kesh est détruite.

Au dessin dont on a déjà souligné les qualités s’ajoutent des dialogues épurés, ce qui contribue à donner une force incroyable à l’album très réussi. C’est peu de dire qu’on ne sort pas indifférent de sa lecture, tant la tension est maintenue de bout en bout.