« Il était une fois » une toute petite antenne universitaire nichée au cœur des montagnes de l’Ardèche À Mirabel, à vingt kilomètres à l’est d’Aubenas., dans un village de 300 habitants sans école, où furent soutenues entre 1994 et 2014 vingt thèses de doctorat en géographie… Depuis le milieu des années 1990, grâce à l’énergie d’un directeur général des services départementaux, d’un proviseur de lycée agricole et d’un professeur d’université, est né, dans la maisonnée d’Olivier de Serres le CERMOSEM Centre d’études et de recherches sur les montagnes sèches et méditerranéennes., un centre de formation hors pair.
Cette belle histoire, c’est celle que les auteurs de cet ouvrage racontent au fil des chapitres en examinant les ressorts de ces SUVM Systèmes Universitaires des Villes Moyennes.. Professeurs, maîtres de conférences, docteurs en géographie, acteurs étudient les caractéristiques de ces petits sites qui parsèment le territoire national en les replaçant dans le contexte historique de leur création.
L’innovation principale de ces études est de ne pas considérer les sites en soi mais dans les systèmes territoriaux où ils s’insèrent (SUVM), sorte de systèmes locaux d’enseignement supérieur. Que ces structures soient des antennes d’universités plus importantes ou totalement indépendantes, elles s’inscrivent dans un désir de « démocratisation » de l’enseignement supérieur : les « sites universitaires périphériques » en très grand nombre (104) accueillent moins de 6% des étudiants » (p. 155) mais affichent des taux de réussite à faire pâlir les universités « historiques » ! L’article consacré à la comparaison du parcours des étudiants ayant réussi leur DEUG et leur licence en AES sur le site du Creusot et ceux inscrits à l’Université mère de Dijon est particulièrement éclairant. Non seulement, le site du Creusot permet un accès social plus large à la filière mais affiche des taux de réussite supérieurs à ceux de Dijon : les jeunes étudiants, logés chez leurs parents, sont particulièrement bien encadrés et profitent d’une interconnaissance basée sur leurs fréquentations lycéennes. Tous ces éléments œuvrent à leur réussite. Ces sites abritent aussi une activité scientifique non négligeable comme le montre l’étude réalisée par Rachel Lévy et Odile Bourbiaux. Ces résultats vont à l’encontre de la concentration en œuvre dans le système universitaire, justifiée par l’insertion de l’économie de la connaissance dans la mondialisation.
Une belle histoire nous est racontée ici, celle des sites qui ont vu le jour et qui persistent. Si les tentatives avortées sont abordées, force est de constater que ce n’est pas le cœur du propos. Ce modèle n’est toutefois pas généralisable à toutes les filières. Il suffit, pour s’en convaincre, de penser aux taux de réussite aux concours de l’enseignement des universités parisiennes comparés à celles de province.
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes