S’il a su toucher le grand public avec ses splendides clichés depuis maintenant plus de 10 ans, Yann Arthus-Bertrand montre qu’il est aussi à l’aise dans le registre jeunesse avec ce « Ma terre vue de l’espace », sorte de version junior de l’ouvrage « Espace Terre » paru en 2013 parrainé par sa fondation GoodPlanet.

Outre le cadre des ouvrages et des expositions en plein air, ses célèbres photographies ont également été massivement distribuées dans les écoles, parfois relayées par des initiatives pédagogiques bienvenues mais parfois sans trouver d’autres usages que le simple affichage décoratif.

L’occasion doit donc ici être saisie de se replonger dans ces images avec intérêt puisqu’un beau travail sur le changement d’échelle s’offre au lecteur de par la comparaison entre les vues aériennes de l’auteur et les vues satellites mises en regard.

Après une introduction, nécessairement engagée, accrochant le jeune via le métier emblématique du privilégié cosmonaute, l’ouvrage se structure autour de 15 exemples développant des problématiques simples et claires posées sur une maquette comportant des informations chiffrées très visuelles et des textes permettant de prendre des indices dans ce rapport photographie aérienne/vue satellite.

Les thèmes abordés sont divers et variés :
– la fuite de l’homme (désertion de la civilisation Khmer passée ou peut-être à venir avec la montée des eaux à Venise),
– ou, au contraire, sa concentration (l’étalement périphérique de Las Vegas, l’artificialisation du golfe de Dubaï avec l’île Palm Jumeirah),
– la géopolitique avec les guerres du pétrole,
– et surtout les thèmes chers à l’auteur comme le réchauffement climatique, la surconsommation des ressources (c’est précisément sur ces points que les photos aériennes en séries, en 3 dates souvent, permettent de bien se rendre compte des évolutions : rétrécissement de la mer d’Aral, fonte de la banquise, réduction de la surface des neiges du Kilimandjaro…).

Les titres sont parlants : « un glaçon thermostat » pour évoquer la menace de disparition de la banquise, « une forteresse fragile » pour référer à la vie dans la grande barrière de corail…celui concernant la mer d’Aral, « la folie des hommes », aurait pu servir l’ensemble du livre finalement…

Il est appréciable aussi de constater qu’un même milieu peut être vu sous des angles différents : une planche est consacrée à la déforestation ; une autre montrera, au contraire, que la forêt demeure le poumon vert de la planète. Cela permet au lecteur de ne pas s’enfermer dans un seul aspect des choses.

L’analyse des vues satellites met bien en lumière les différences de couleur par rapport aux photographies à la fois piochées dans le fond à succès d’Arthus-Bertrand (la caravane de chameaux dans les dunes près de Nouakchott, l’irrigation en carrousel en Jordanie…) mais également dans des stocks plus récents et plus originaux (le cimetière d’avions militaires abandonnés près de San Diego, l’Amazone prenant des « raccourcis » laissant mourir certains méandres…).

Un très bon ouvrage qui ne s’éparpille pas dans la quantité et qui permettra vraiment à l’enseignant, sans gros apport personnel supplémentaire (projections en collectif, discussions sur la prise d’indices dans les textes…), de travailler ce volet méthodologique « commentaire de document » en le liant à une prise de conscience sur la nécessité urgente de préserver notre planète : de quoi joindre l’utile…à l’utile…mais aussi à l’agréable tant le livre est beau.