Libre-penseuse et franc-maçonne, Marie Adélaïde Deraismes, dite Maria Deraismes (1828-1894), est une figure marquante du mouvement républicain et féministe français au XIXe siècle, mais elle reste méconnue. C’est pour aider à combler cette lacune que la Fédération du Val-d’Oise de la Libre Pensée lui a consacré un colloque à Pontoise (Val-d’Oise) en 2009 avec l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes.

Les actes du « Colloque Maria Deraismes » (14 mars 2009)

Cet ouvrage est publié sous la direction de Claude Singer, président de la Fédération du Val-d’Oise de la Libre Pensée. Ce document reprend l’intégralité des actes du « Colloque Maria Deraismes », organisé par la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP) et l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes en partenariat avec la municipalité de Pontoise, le 14 mars 2009. Outre le discours d’ouverture du député-maire de Pontoise Philippe Houillon, le prologue et la conclusion du colloque par Marc Blondel en tant que président de la FNLP ainsi que la présentation de l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes et de la Fédération du Val-d’Oise de la Libre Pensée par son président Claude Singer, ce livre publie les 8 contributions des auteurs suivants : Liliane Fraysse (agrégée d’histoire, professeur honoraire, libre-penseuse) resitue Maria Deraismes dans son époque (1828-1894) ; Amélie Averlan (éditrice qui a réédité Eve dans l’humanité, recueil de discours de Maria Deraismes) évoque la conférencière ; Louis Couturier (secrétaire de l’Institut de Recherche et d’Etude de la Libre Pensée – IRELP) parle de la libre-penseuse ; Andrée Prat (historienne et présidente de la commission histoire de la Fédération française du Droit Humain) aborde la franc-maçonne ; Jean-François Dupaquier (journaliste, écrivain et libre-penseur) décrit la journaliste ; Michèle Singer (secrétaire de l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes et libre-penseuse) montre l’engagement de Maria Deraismes pour la défense de l’enfant. Seules les contributions de Jacqueline Mazzola (gynécologue médicale) sur la santé des femmes et celle de Rose Boutaric (syndicaliste) sur les femmes et le droit au travail n’ont pas de liens avec la personnalité de Maria Deraismes.

La question de la rareté des sources concernant Maria Deraismes

Néanmoins, il convient d’ajouter que sur les 8 contributions, 4 vont être prolongées par des discussions : celles concernant la conférencière, la franc-maçonne et la journaliste sans oublier la conférence portant sur « Les femmes et le droit du travail ».
C’est d’ailleurs à l’occasion de 2 discussions (concernant « Maria Deraismes, la franc-maçonne » et « Maria Deraismes, la journaliste » qu’est évoquée la question des sources. Marc Blondel (en tant que président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée), Jean-François Dupaquier (en tant que journaliste et écrivain libre-penseur) et Michèle Singer (en tant que secrétaire de l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes et libre-penseuse) tentent de répondre à cette épineuse question. Marc Blondel confirme qu’il n’existe pas de biographie sur Maria Deraismes au Grand Orient de France (GODF) et au Droit Humain (DH), ni même à la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Jean-François Dupaquier, quant à lui, ajoute que la sœur de Maria Deraismes, Anne Feresse-Deraismes, a vraisemblablement fait le tri au moment de son décès. En effet, les papiers personnels de Maria Deraismes tiennent seulement dans 2 cartons d’archives, représentant à l’évidence une sélection d’après-décès : aucune correspondance ne subsiste !!! Seule, tout au plus, l’exploration des archives notariales permettrait de comprendre dans quel état se trouvait la maison de Pontoise, au moment de l’acquisition, en 1850. De plus, la journaliste Maria Deraismes a jeté au fur et à mesure les archives qu’elle utilisait pour écrire ses articles. Bref, les biographes de Maria Deraismes se trouvent dans une situation de quasi-vide documentaire. Michèle Singer enfonce le clou en précisant que Maria Deraismes était avant tout « une femme de terrain, qui répugnait à se mettre en scène sauf absolue nécessité » (p. 107). Bref, Maria Deraismes était une femme simple et extrêmement discrête.
De plus, quand nous regardons la bibliographie de cet ouvrage, nous constatons soit des livres récents sur Maria Deraismes composés essentiellement de notices biographiques, de monographies (parlant indirectement de Maria Deraismes) ou de recueils d’articles de la journaliste ou de la conférencière, soit des textes originaux de Maria Deraismes ou des archives (essentiellement des journaux dans lesquels Maria Deraismes a écrit).
Après la conclusion du colloque faite par l’ancien secrétaire général de Force ouvrière Marc Blondel, l’ouvrage se termine par deux annexes fortement intéressantes : l’annexe 1 est intitulée : « Maria Deraismes dans les colonnes du (journal) Républicain de Seine-et-Oise ». Cette dernière est composée de 15 articles de Maria Deraismes écrits entre avril et juin 1884 et du discours du 14 juillet 1882. L’annexe 2, quant à elle, est la chronique nécrologique (anticipée) du journaliste Victor Nadal, datée du 7 janvier 1894, soit un mois avant la mort de Maria Deraismes, le 6 février 1894, à ans.

Maria Deraismes : une femme injustement méconnue

En conclusion, cet ouvrage a l’énorme mérite d’exister car il n’existe pas à ce jour de biographie publiée sur Maria Deraismes. Malheureusement, cet ouvrage souffre du fait qu’il soit la publication d’actes de colloque car il découpe la vie de Maria Deraismes en catégories (la conférencière, la libre-penseuse, etc…) et restitue difficilement la densité de l’existence de Maria Deraismes. En revanche, les 2 notices biographiques (celle d’Yves-Hivert Messica ou bien celle – bien plus complète – de Renée Lauron ou Robert Larmet) y arrivent bien plus facilement. Néanmoins, nous apprenons au cours de la discussion sur « Maria Deraismes, la journaliste » (p. 105) que l’historienne Andrée Prat prépare une biographie (définitive ?) sur Maria Deraismes.

© Jean-François Bérel