Bernard Charon consacre cet ouvrage à Gilbert Testelin, policier au Tréport, puis membre des Renseignements Généraux, policier résistant. L’ouvrage est une intéressante synthèse sur l’Occupation, le régime de Vichy et sa police, et la Résistance, en particulier la Résistance des
cheminots, la Résistance–Fer. On y trouvera des analyses sur la Résistance en Seine–Inférieure (l’ancien nom de la Seine–Maritime).
L’ouvrage est aussi un hommage aux parents de l’auteur. Sa mère empêcha un soldat allemand de déployer un drapeau à croix gammée sur la
devanture de leur immeuble. Son père, cheminot, aiguilleur, participa à des actions de Résistance visant à empêcher ou retarder la circulation de convois allemands.
Gilbert Testelin est né en 1909 à Roye dans la Somme. Ses parents étaient teinturiers. Lors de la Première guerre mondiale, ses parents s’installent près du Tréport. Gilbert Testelin est d’abord inspecteur de police au Tréport, puis à partir de 1942, il est affecté au service des Renseignements généraux de Dieppe. Le département de la Seine–Inférieure est un enjeu stratégique pour les Allemands : proximité de l’Angleterre, et de nombreux aviateurs alliés sont abattus au–dessus du département, importance du port du Havre, Mur de l’Atlantique, industries, liaison ferroviaire entre la Normandie et Paris ou le Reich. Les autorités allemandes poursuivent deux objectifs ; d’abord assurer la sécurité des troupes d’occupation, ensuite lutter contre les sabotages des industries et des voies de chemin de fer. La répression est féroce.
En octobre 1941, un attentat provoque le déraillement d’un train militaire allemand à Pavilly, au nord de Rouen, sur la ligne Le Havre–Paris. Les autorités allemandes arrêtent 150 communistes ou présumés tels, dressent une liste de 26 communistes pouvant être fusillés. Onze d’entre eux furent déportés à Auschwitz par le convoi du 6 juillet1942. Il s’agit du « convoi des 45000 » qui déporta 1170 hommes, plus précisément 1100 otages communistes et 50 otages juifs en répression des attentats contre des soldats allemands. En 1945, seuls 119 d’entre eux étaient en vie. A Rouen, 77 personnes furent fusillées entre 1940 et 1944. La justice et la police de Vichy participent à cette politique de répression, en particulier la poursuite des Résistants et des Juifs. Certains policiers se montrèrent des fonctionnaires zélés du régime.
La Résistance fut importante en Seine–Inférieure. Celui qui fut sans doute le premier fusillé français, Etienne Achavanne, fut exécuté près de Rouen le 6 juillet 1940 pour avoir coupé le câble téléphonique qui reliait un aéroport au centre de commandement allemand. Le philosophe Valentin Feldman, professeur à Dieppe, révoqué par Vichy, participe à la résistance intellectuelle et participe également à des opérations dans le cadre de l’OS (organisation secrète) communiste. Il est fusillé au Mont–Valérien le 27 juillet 1942. Les mouvements et les réseaux sont présents en Normandie. En ce qui concerne les mouvements, on peut mentionner Libération–Nord proche des socialistes, le Front national communiste, les démocrates populaires avec « Ceux de la Libération ». Les réseaux de Résistance étaient également présents. Il s’agissait des réseaux liés aux mouvements comme Cohors–Asturies pour Libération–Nord, les FTPF communistes,mais aussi les réseaux de la France Libre du BCRA et ceux des services britanniques du SOE. Les actions des réseaux sont multiples. Il s’agit de cacher et de convoyer les aviateurs alliés, et des prisonniers soviétiques transférés en Normandie pour la construction du mur de l’Atlantique et évadés. Le renseignement et le sabotage des installations industrielles sont également importants.
Gilbert Testelin participe à la Résistance. Il est membre du réseau « Sosies » dirigé par Dominique et Pierre Ponchardier. C’est Dominique Ponchardier qui mit au point avec la RAF (cette version est aujourd’hui discutée, il est possible que la RAF ait décidé seule de l’opération) l’opération « Jéricho » du 18 février 1944 qui donna lieu au bombardement de la prison d’Amiens qui permit l’évasion d’un certain nombre de Résistants. Le bombardement s’inscrivait dans le cadre de l’opération « Fortitude » destinée à faire croire aux Allemands que le débarquement aurait lieu dans le Pas–de–Calais. Quoi qu’il en soit, Gilbert Testelin mène de multiples actions dans le cadre de ce réseau. Il fournit des renseignements militaires. Il facilite les déplacements des agents en zone côtière. Son emploi de policier lui permet d’informer les Résistants des menaces d’arrestation. Il évite l’arrestation d’un groupe de FTPF. Il informe les jeunes hommes réquisitionnés pour le STO avant l’arrivée de leur convocation. Comme c’est parfois le cas, Gilbert Testelin est membre de plusieurs réseaux ; il est aussi chef d’un groupe FTP. Il est
fortement soupçonné par certains de ses supérieurs hiérarchiques et échappe de justesse à l’arrestation. Il est à la fois titulaire de la Carte du combattant volontaire de la Résistance et d’un diplôme décerné par le Comité national des FTP.
Au lendemain de la guerre, il est envoyé comme agent technique de la Direction de la Sûreté dans la zone d’occupation française en Autriche. Il dirige un camp de prisonniers. Il s’agit d’établir des dossiers, éventuellement de juger certains prisonniers.