Un polar urbain dystopique, dans un Berlin fin de siècle. Une enquête en un tome, avant d’autres donc. Duval et Römling signent un premier opus convaincant pour les amateurs du genre.
Le héros, c’est Sasha Jäger (qu’on peut traduire en français par “chasseur”), détective privé qui évolue dans ce Berlin ville-monde de plus de vingt millions d’âmes, où se déplacer est devenu un luxe quasiment inaccessible et s’en extirper impossible. D’où une économie rendue accro aux pas de ses habitants qui monnaient leur marche pour tenter de décrocher des billets d’avion intouchables : Berlin-Hanoï, c’est 750 000€ ! (p 10). L’histoire d’une vie.
Cyber Cendrillon ?
Mais Sasha a autre chose à faire dans ce Berlin hyperconnecté et trop soumis à l’IA forte. Il préfère cachetonner pour la firme Métropolia dans l’espoir de rejoindre son amie Alif, émigrée aux États-Unis depuis sept longues années. Il reçoit la mission de retrouver une braqueuse-tueuse qui a dérobé lors d’une vente publique un objet d’art contemporain (une “vanité au nuage toxique”) et dont on sait qu’elle réside dans un immeuble berlinois emblématique, le Florian, érigé vers 2030. Du moins, c’est ce que révèle son bel escarpin égaré lors de sa fuite de la salle des ventes. Cendrillon 3.0.
Là débute l’intrigue de l’arnaque aux pas perdus, parfois complexe, dans le dédale des gynoïdes, des doses de métapsy et autres domos. On pourra objecter que les dernières pages, dédiées à l’explicitation de la savante machination, sont un peu rebutantes. En tout cas, le cadre et le contexte de ce premier récit complet sont à même de nourrir de chouettes nouvelles enquêtes de Sasha le chasseur (dur à dire).
La partie graphique est tout à fait agréable, même si l’on pressent le renfort régulier du numérique dans ce beau travail, singulièrement pour les représentations architecturales.
Pour aller un peu plus loin et dans une optique pédagogique, ce premier “épisode” offre un support de réflexion autour de l’IA, des hologrammes – ce mur de Berlin holographique entre mémoire et virtualité (p 7) – et plus largement à propos des villes connectées d’après-demain. A ce titre, il pourrait fort bien alimenter un travail en géographie en classe de première, en ciblant l’anticipation du phénomène de métropolisation.
La présentation par l’éditeur :
https://www.dargaud.com/bd/metropolia
L’interview du scénariste F. Duval :