Dans la première contribution, Georges Comet introduit la réflexion par une définition possible de “montagne”. Au Moyen Age selon les auteurs et en relation avec l’intensification du trafic notamment transalpin la montagne est chargée de valeurs négatives. Le vrai regard sur la montagne daterait de la Renaissance (1492, première ascension du Mont Aiguille) thème développé dans la dernière partie. Georges Comet dresse ensuite un tableau des thèses et travaux récents dont le cadre d’étude est la montagne ou plutôt les “sociétés de montagne”.
Le premier thème retenu est celui de la montagne traversée.
Odile Kammerer nous montre comment on passe dans les Vosges de la peur à la connaissance: Quelle perception à partir des mots utilisés pour désigner l’espace, Quelle utilisation par les sociétés et Quel processus d’évolution dans une approche géo-historique.
Yves Coativy en étudiant la circulation des monnaies s’interroge sur la notion même de montagne-frontière.
L’étude de Pierre Racine sur le St Gothard aux XIII-XIVème met en évidence que ce n’est ni l’altitude ni la difficulté d’accès qui explique l’usage d’un col mais les espaces à mettre en relation. C’est l’économie des bas-pays qui explique l’évolution des points de passage à travers l’arc alpin et en particulier l’usage très tardif du col du St Gothard.
Partant des récits de voyages et des vies de Saints, Christiane Deluz montre que la montagne s’est imposée au regard des hommes du Moyen Age. Leur vision est plus ressentie qu’objective: hauteur, raideur de la pente, fermeture visuelle du passage sont les traits essentiels.
La protection religieuse des grands passages alpins est étudiée par Christopher Lucken dans sa contribution à propos de Saint Bernard de Menthon et de l’hospice du Mont Joux.
Avec le travail d’Emmanuel Johans on quitte les Alpes pour les domaines montagnards des princes d’Armagnac, un espace de moyenne montagne où se développe à la fin du moyen age l’élevage. Il étudie le maillage castral d’un espace convoité car riche.
C’est encore la question du pouvoir qui intéresse Anne Lemonde dans son approche de la “république des Escartons” en Briançonnais. Forme politique particulière ? Déterminée par sa position géographique? Sont les deux questions de son intervention.
Questions reprises par Fabrice Mouthon à la recherche d’une typologie des communautés alpines et de leur relation aux états du milieu du XIIIè au milieu du XVIè siècle.
Flocel Sabate conclut cette première partie par une étude du pouvoir et de sa perception en Catalogne. Elle met en relation la structure politique et la réalité géographique d’un espace morcelé.
La seconde partie traite des sociétés et économies de montagne.
Nicolas Carrier présente l’état des recherches sur une question dont l’historiographie est en pleine évolution: les moines et le “rôle” dans l’aménagement des hautes vallées savoyardes. Qui des communautés ou des moines à mis en valeur des alpages, l’auteur montre qu’une lecture très attentive des sources est indispensable et que la réponse varie selon les lieux.
Jean-Luc Fray propose, dans son étude des petites villes du massif central, une utilisation de la théorie des places centrales de Christaller. Une tentative intéressante de rapprochement des outils d’analyse de l’historien et du géographe.
C’est aussi a une réflexion méthodologique qu’invite la communication de Roland Viader: la place d’une “spécificité” montagnarde souvent invoquée et qui reste à démontrer par des études comparatives et pluri-disciplinaires à développer. Il analyse à partir de ce questionnement “la maison” et son système juridique en Pyrénées, il utilise outre les travaux des historiens et des juristes ceux des géographes du début du XXè siècle sur les vallées pyrénéennes mais aussi les travaux récents sur les Alpes.
Dans la même zone géographique Claude Denjean s’interroge à propos de la population de Cerdagne: gens des villes ou peuples de montagne? Quelles sources pour une étude des représentations: littérature et sources notariales? Comment les lire? Un même espace, des regards différents, le social et le politique semblent plus importants que le climat ou la topographie.
Enfin, Anthony Pinto dresse un inventaire des richesses et activités des montagnes roussillonnaises.
Troisième partie: De la montagne imaginée à la montagne rêvée
Pour Gilles Lecuppre, spécialiste de l’imposture en politique, la montagne est un espace de légendes, le lieu d’un “messianisme royal”. Son hypothèse développe l’idée que dans un groupe social mécontent, l’espérance se focalise sur un personnage historique ou mythique réfugié au sein de la montagne, thème fréquent en Europe centrale. L’auteur propose une relecture de ces diverses légendes à la fois sur le plan littéraire et psychanalytique, traces du paganisme en ce Moyen Age chrétien. Il tente ensuite de tisser les liens possibles avec les “rois imposteurs” sortis comme Jean de Coliera, faux Frédéric II.
Plus au sud, François Foronda étudie comment les textes d’époque des XIII-XV qui parlant du pouvoir catalan le compare à une montagne à gravir. Il utilise volontiers un vocabulaire géo-morphologique (rejeux [de faille], surrection) en écho aux textes d’époque.
Pourquoi et comment entre le XII et le début du XVIème siècle, les murs extérieurs des églises de l’arc alpin deviennent-ils un lieu d’expression du sacré et un espace vitrine des affrontements de pouvoirs, voilà le propos de Simona Boscani Leoni. L’étude très détaillée de l’église de Waltensburg: les thèmes choisis, leur traitement et leurs commanditaires, permet de mettre en évidence les luttes entre l’Eglise et les élites villageoises.
Quant à Georges Bischoff , il montre que longtemps la montagne b’est wu’une barrière à franchir, du moins c’est ainsi qu’elle apparaît dans les récits de voyages , les correspondances et même les sources judiciaires. Le plus souvent ce qui prime c’est l’indication du passage, la relative indifférence au paysage du voyageur pressé d’être outre-mont. La montagne parait lieu de mystère et d’étrangeté, impression qui s’applique aussi aux populations qui y vivent, un lieu à soumettre.
En guise de conclusion Benoit Cursente met en perspective les journées du colloque sur la montagne des médiévistes autour de deux axes: la montagne espace de représentation et les sociétés de montagne sont-elles un objet pertinent d’étude? Il ouvre vers de nouvelles problématiques de recherche.