Après une bande dessinée sur Simone Veil, Annick Cojean, grand reporter au Monde, nous livre un 2e portrait de femme forte, ayant oeuvré considérablement pour les droits des femmes en France.

Naître fille, une malédiction ?

Au début de l’ouvrage, Gisèle Halima raccroche sa robe, symbole de combats multiples contre les injustices et se souvient de sa naissance en Tunisie, alors protectorat français. En 1927, avoir une fille est encore parfois considéré comme une « catastrophe ». Ainsi, le père de Gisèle Halimi mettra trois semaines à annoncer sa naissance… Côté maternelle, toute l’attention est dirigée vers les deux frères de Gisèle Halima. Les jeunes Gaby et Gisèle doivent se préparer à tenir une maison et à servir les hommes : un rôle traditionnel que la petite Gisèle refuse déjà avec virulence. Son frère Marcelo est un cancre. Mais c’est celui sur lequel repose les espoirs de leurs parents alors que Gisèle, brillante, ne doit pas poursuivre ses études. Elle se rebelle, fait une grève de la faim et décroche une bourse pour l’entrée en Sixième. Adolescente, elle refuse le mariage et se réfugie dans les livres.

Devenir avocate dans le contexte des luttes pour l’indépendance

A 18 ans, en 1945, elle part étudier le droit et la philosophie à Paris. Elle affronte les difficultés d’approvisionnement dans un pays tout juste libéré, le racisme et l’antisémitisme. En 1949, elle prête serment à Tunis. Dans la foulée, elle est la première femme à remporter un prestigieux concours d’éloquence, ce qui lui permet d’être embauchée dans un grand cabinet. Elle défend ses premières affaires dans le contexte de la lutte pour l’indépendance tunisienne puis algérienne. Aussi, elle prend parti et s’engage contre la torture en Algérie, vivant désormais entre Alger et Paris.

Elle reçoit des menaces et décide de quitter l’Algérie lors du putsch du 13 mai 1958, mais elle est arrêtée et subit trois semaines de détention en Algérie. De retour en Algérie, elle prend la défense de Djamila Boupacha, une jeune femme de 22 ans faisant partie du FLN. Cette dernière est accusée d’avoir posé une bombe. Cependant, l’affaire est plus complexe qu’il n y paraît. En effet, elle a avoué sous la torture et a été violée. Gisèle Halimi contacte des personnalités, des journalistes… Elle obtient le soutien de Simone de Beauvoir, qui écrit une tribune publiée à la Une du Monde. Un comité est créé pour la défense de la jeune Algérienne. En 1960, elle est transférée en France. Condamnée à mort l’année suivante, elle est amnistiée à la suite des accords d’Evian et libérée en 1962.

Le combat féministe pour disposer de son corps librement

Elle se rapproche de Simone de Beauvoir. Les deux femmes signent le manifeste des 343 salopes. Des anonymes ayant signé le texte perdent leur emploi, Gisèle Halimi décide de les aider en fondant l’association « Choisir ». Ce combat se poursuit avec le procès de Bobigny, où une jeune fille violée comparaît pour avoir avorté. Sa mère, deux de ses collègues et la personne ayant pratiqué l’avortement sont aussi jugées en 1971. Gisèle Halima décide de faire du procès une tribune politique contre la loi qui interdit l’avortement. Marie-Claire Chevalier, mineure, comparaît à huis-clos devant le tribunal des enfants. Lors du procès, Gisèle Halimi déclare avoir enfreint la loi en avortant elle aussi.  La jeune fille est relaxée.

Mais le procès des quatre adultes l’ayant aidée à avorter n’a pas encore eu lieu. Ce deuxième temps, en novembre, est en revanche très médiatisé. Gisèle Halimi fait témoigner des experts du monde médical, des membres du Planning Familial, des actrices, Simone de Beauvoir. Les deux collègues de Mme Chevalier sont relaxées. La mère ainsi que l’avorteuse sont condamnées à des peines avec sursis. C’est un pas décisif vers une évolution de la loi.

Le thème de l’avortement est désormais présent dans les médias et les débats politiques. Valéry Giscard d’Estaing nomme Simone Veil ministre de la santé. Elle porte le projet devant l’Assemblée, soutenue entre autres par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir. Face au manque de représentation des femmes en politique, Choisir rédige un « Programme commun des femmes » en 1978 lors des législatives.

Si les législatives de 1978 sont un échec, l’avocate poursuite son combat devant les tribunaux. L’affaire d’Aix-en-Provence, en 1974, lui donne l’occasion de faire « le procès du viol ». Deux jeunes touristes belges, homosexuelles, ont été battues et violées par trois jeunes hommes. La juge d’instruction renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel sous la qualification de « coups et blessures ». Inacceptable pour les victimes et pour leur avocate. Le procès s’ouvre en 1978, finalement aux Assises, mais dans un climat de haine et d’homophobie. Le président du tribunal coupe les grands témoins prévus par la défense comme témoins de moralité car ils ne sont pas des témoins directs des faits. Il veut éviter de faire de ce procès, un procès contre le viol. Les lourdes peines de prison sont une première victoire suivies d’une évolution de la loi. Ainsi, la loi du 23 décembre 1980 définit le viol.

Carrière politique

François Mitterrand, nouvellement élu, lui propose la circonscription de l’Isère. Gisèle Halimi devient députée dans une Assemblée très majoritairement masculine. Cependant, les victoires sont rares hormis la simplification du serment d’avocat en 1982 et la suppression du délit d’homosexualité la même année. La députée nouvellement élue a refusé d’adhérer au PS et est marginalisée au sein de la majorité. Elle finit par partir, le président la nomme ambassadrice à l’UNESCO. Mais au bout d’un an, elle choisit de retrouver le métier d’avocat.

Cette bande dessinée est une belle introduction au parcours de Gisèle Halimi et sur ses grands combats. Elle est accessible aux élèves du secondaire et peut aisément servir de complément à un cours d’EMC ou d’histoire sur l’égalité hommes/femmes.

Présentation du livre d’entretiens avec Annick Cojean, Une farouche liberté

Jennifer Ghislain pour les Clionautes