« Off » raconte l’histoire d’un jeune enfant parcourant, à dos de cerf, des paysages désolés dont on comprend rapidement qu’ils ont été habités un jour (panneaux arrachés, voitures retournées, lignes électriques démantibulées…). Ce qui semble, sur les premières pages, n’être qu’une errance se révèle finalement une véritable mission visant à couper l’alimentation d’une gigantesque centrale nucléaire. Une fois la tâche accomplie, la nature reprend progressivement ses droits en développant une vaste forêt aux abords du réacteur tandis que l’enfant et son compagnon poursuivent leur route vers d’autres centrales à éteindre.

Secoué enfant par la catastrophe de Tchernobyl, Xavier Salomo confie sur son blog avoir enfoui ce souvenir marquant mais imprécis jusqu’à ce que les incendies de Fukushima le poussent à réaliser cet ouvrage qu’il juge à la fois très personnel mais également risqué.

Il est vrai que proposer un livre sur ce thème sans aucun texte et l’adresser à un public à partir de 5 ans peut surprendre. Le sens peut-il être à la portée d’enfants si jeunes ? Les illustrations étant réellement splendides et très contrastées, on peut aisément imaginer qu’un travail sur la couleur (la noirceur des paysages du début, la luxuriance de la forêt, le bouton rouge « off » très lumineux…) et les émotions (le sentiment de satisfaction sur la première centrale n’est que très faiblement esquissé lors d’une étreinte entre l’enfant et son ami, signe qu’il ne s’agit là que d’une étape) se mènerait avec l’adhésion des enfants.

Mais sans doute faudra-t-il travailler avec un public un petit peu plus âgé pour amener le débat sur les énergies alternatives au nucléaire et sur les conséquences humaines des catastrophes. L’auteur laisse la porte ouverte en ne proposant pas d’autre modèle énergétique de société et en montrant un enfant qui semble n’être que le seul survivant de son univers (les autres sont-ils tous morts ? cachés ? ou enfuis ?) et dont on se questionne sur le mode de survie (comment se nourrit-il dans cet environnement totalement dénaturé?).

Les choses n’étant pas si simples dans la réalité, on appréciera utiliser ce très bel album dans sa puissante dimension poétique assumée en complément d’un travail plus scientifique sur le sujet que ce soit en amont, en aval ou pourquoi pas pendant.