Le DVD trilingue (français, anglais, allemand) est constitué des éléments suivants :
– Pakistan Zindabad (Longue vie au Pakistan) Documentaire de 108 minutes de Pascale Lamche (2007)
– Des entretiens (25 mn) avec :
– Benazir Bhutto, premier ministre du Pakistan de 1988 à 1990 et de 1993 à 1996
– Steve Coll, Prix Pulitzer 2005 ;
– Sénateur Sartaj Aziz, ministre des finances (90-93), puis ministre des affaires étrangères du Pakistan (98-99)
– Deux émissions du « Dessous des cartes » (20 mn) :
– 2003 : Pakistan entre Afghanistan et États-Unis
– Cachemire : entre Inde et Pakistan
LE DOCUMENTAIRE :
L’auteur : Pascale Lamche est une réalisatrice britannique indépendante ayant une formation d’historienne. Elle a déjà réalisé de nombreux documentaires sur des sujets variés (Camus, la mode, l’Afrique du sud), dont certains ont été primés : prix FIPA « du meilleur documentaire littéraire », le Grierson award 2002 du Meilleur Documentaire Historique, le World Cinema Award 2003 du Meilleur Documentaire. Ce sujet est le fruit de deux années de travaux et de rencontres au Pakistan, en Inde, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
Le documentaire analyse l’histoire du Pakistan de la deuxième guerre mondiale à nos jours. Il s’appuie sur des images d’archives, des interviews d’acteurs majeurs pakistanais, américains ou britanniques, et des interviews d’analystes : journalistes ou universitaires. Nous disposons ainsi de points de vue internes et externes, de récits et d’analyses.
La réalisatrice ne voulait pas concevoir un documentaire didactique, mais laisser une place à l’émotion que peut susciter l’histoire mouvementée du Pakistan : en fait, un équilibre est trouvé entre émotion et didactique qui rend l’ensemble aisé à suivre et accrocheur. En 108 minutes, le documentaire permet d’éclairer l’histoire du Pakistan en sériant les éléments qui permettent d’expliquer la situation actuelle du pays. Les documents d’archive et les interventions des différents acteurs offrent des points de vue contradictoires (civils, militaires, religieux, pakistanais, indiens, états-uniens). L’analyse des points nodaux, des interférences ou des tendances fortes (décolonisation, guerre du Cachemire, sécession du Bengladesh, guerre en Afghanistan, versatilité des États-Unis dans leurs alliances, domination du militaire sur le civil, liens entre l’armée et les islamistes) permet de comprendre l’islamisation progressive du pays et ses difficultés actuelles, mais aussi comment un pays qui se voulait initialement musulman laïc est devenu un repère de djihadistes ou d’extrémistes islamistes. Il permet aussi d’appréhender les raisons de l’échec du projet de Jinnah : créer un Pakistan indépendant de l’Inde afin que les musulmans aient des droits civiques qu’ils risquaient de ne pas obtenir dans une nation à majorité hindouiste ; un échec puisque aujourd’hui, la plupart des musulmans du sous-continent indien se trouvent en Inde et au Bengladesh et non au Pakistan, un échec puisque les musulmans d’Inde disposent des droits civiques dont les musulmans du Pakistan ne disposent pas.
Le plan est chronologique. Il s’organise autour de cinq fractures déjà évoquées plus haut : (Pakistan / Inde, Civils/militaires, Etats-Unis / Pakistan, démocratie / dictature, islam et armée / société civile)
Les deux premières parties sont intéressantes par l’analyse qui est conduite de l’indépendance et des éléments qui ont conduit à l’échec de cette indépendance, mais aussi à l’échec de l’instauration d’un pouvoir démocratique alors que le voisin indien y est parvenu. Toutefois, le documentaire glisse sur certains éléments présentés comme clés, tel que le tracé des frontières : quelques cartes sur la répartition géographique des groupes religieux auraient été les bienvenues et auraient permis de mettre en relief l’arbitraire du tracé réalisé et d’éclairer le discours sur les grands mouvements de population qui ont suivi. On attendrait aussi des éléments plus complets sur la désorganisation du pays suite à l’indépendance (le réaménagement indispensable du système hydraulique du Pendjab par exemple), qui expliquent en partie les difficultés économiques, et donc politiques, du pays dès son origine. Ces deux parties traduisent aussi les difficultés rencontrées par la réalisatrice pour accéder à certaines archives. Les carences sont comblées par de belles images du Pakistan actuel qui n’ont que peu à voir avec le commentaire dans lequel elles s’insèrent, et finissent par perturber l’écoute.
Ces faiblesses disparaissent dans les autres parties du film qui sont nettement plus consistantes et équilibrées. Les chapitres sur la guerre en Afghanistan, le 11 septembre et les changements d’alliance des États-Unis ont un intérêt qui dépasse largement le cadre du seul Pakistan. Certains passages sont à aborder au deuxième degré, il en va ainsi de l’intervention du consul honoraire au Pakistan au moment du conflit afghan, qui est totalement décalée, et en dit long sur la vision du pays par les États-Unis à l’époque reaganienne.
LES INTERVIEWS
Il s’agit d’une partie des interviews réalisées pour le film et chapitrées par thèmes. Quelques éléments font donc doublon avec le film, mais les autres complètent bénéfiquement le documentaire. De plus, chaque thème est ici séparé et peut donc être écouté isolément. La durée de chaque chapitre va de quelques dizaines de secondes à quelques minutes, ce qui en fait des formats aisément exploitables en classe.
Bénadir Bhutto dresse des constats lucides mais parfois démoralisants.
– Naissance du Pakistan : elle y dresse un constat bref mais percutant sur l’échec (pour le moment) de la création du pays par rapport aux objectifs du père fondateur.
– Le choix du nucléaire.
– Les raisons de l’échec du processus démocratique.
– Les raisons de son départ en 90 = mécanismes du pouvoir.
– Les raisons de son départ en exil (peu d’intérêt)
Steve Coll comme journaliste étranger, présente une vision plus large de la question. Il aborde les thèmes suivants :
– Les raisons de l’absence de règlement de la question du Cachemire
– La réaction du Pakistan au 11 septembre
– La réaction de Pervez Musharraf au 11 septembre
– L’opposition au Général Musharraf. Cette partie est intéressante car elle présente les différentes opposition à Musharraf et donc permet de comprendre les difficultés qu’il peut rencontrer à piloter le pays.
Sartaj Aziz aborde plutôt des questions lié au fonctionnement interne du pays.
– L’armée au pouvoir
– Les raisons de l’absence de contrôle parlementaire sur le budget militaire et ses conséquences sur le budget du pays.
– Les effets à court terme du 11 septembre sur l’économie pakistanaise, mais aussi les risques à long terme liées aux tensions qui lui sont liées.
Il est toutefois dommage qu’il faille dérouler chaque interview pour arriver au chapitre qu l’on souhaite écouter.
LE DESSOUS DES CARTES
Inutile d’insister sur la qualité reconnue de cette émission. Les deux extraits enrichissent très bien l’ensemble.
– La première émission complète le documentaire en particulier sur la partition et les enjeux géopolitiques internationaux du Pakistan.
– La deuxième émission apporte des éléments complémentaires sur le Cachemire.
Pour conclure
Dans le contexte actuel, Pakistan Zindabad, est un outil intéressant pour le citoyen, le professeur d’histoire-géographie ou toute personne désireuses de comprendre un peu mieux les luttes d’influences qui s’exercent dans ce pays. Ses différentes composantes se complètent bien et constituent un ensemble riche et formateur. En classe, après un travail de sélection, il peut être utilisé pour certaines questions des différents programmes :
– La décolonisation
– La puissance des Etats-Unis dans le monde.
– Le nouvel ordre mondial
– Les frontières (en faisant une sélection des différents temps qui abordent cette question)
