C’est à un passionnant voyage dans l’histoire et la mythologie nationale que nous invite Jérôme Prieur.
Le premier reportage s’attache à essayer de retrouver qui était Vercingétorix en tant que guerrier. On constate en effet depuis trente ans un renouvellement des études sur les Gaulois. Cependant, les images mentales restent les mêmes : le Gaulois est moustachu et porte un casque caractéristique.
Pour tenter de démêler le vrai du faux, Jérôme Prieur part d’un tableau de la fin du XIX ème siècle : il s’agit de celui de Lionel Royer de 1899.
Lors des interviews, historiens et archéologues présentent et précisent un aspect du tableau. Ils soulignent la construction dramatique de l’ensemble, bien éloignée d’une quelconque réalité historique. Ainsi, on peut y lire comme message la rencontre entre la force civilisée opposée à la force sauvage. Cette image d’un Vercingétorix à cheval devant un César assis est en tout cas totalement impossible selon Christian Goudineau, ne serait-ce que la présence des armes du vaincu si près du vainqueur.
Les différents intervenants expliquent aussi que la dimension économique de la guerre des Gaules est absente des discours de César car ce n’est pas un sujet convenable. Pourtant, César veut s’enrichir car il est alors couvert de dettes. N’oublions pas qu’à l’époque, il se trouvait en compétition avec Pompée notamment… il existe donc bien, de façon mêlée, une dimension de gloire, de sécurité et d’économie dans la conquête entreprise par César.
Ensuite on découvre une image véritablement étonnante de Vercingétorix. Peut-être a-t-il servi quelques années auparavant comme soldat dans une légion romaine.
En tout cas, peu à peu, s’est donc imposée une représentation du barbare : il est hirsute, nu… Difficile de produire une contre image même aujourd’hui !
Jérôme Prieur interroge néanmoins les historiens et leur demande d’imaginer à quoi pouvait ressembler la réalité. Ainsi du détail du casque plat à la coiffure, sans doute bien faite, tout y passe. On apprend même que Vercingétorix devait se déplacer sur un petit cheval, une sorte de poney ; les pieds du chef gaulois touchaient donc sans doute le sol !
Cette partie du documentaire s’avère véritablement passionnante. Les chercheurs insistent sur les échanges de technologies entre les deux peuples, sur le fait qu’on trouve des rasoirs chez les Gaulois et que donc on se rasait.
Le héros national
Le second volet s’intéresse à Vercingétorix et à ses utilisations tout au long de l’histoire. Le paradoxe ici c’est que l’évènement fondateur d’un peuple est une défaite. De cette défaite naît une grande victoire. En effet la romanisation c’est la civilisation, c’est en quelque sorte l’union de la vigueur gauloise et de l’ordre romain.
Les travaux de Anne-Marie Thiesse sur la construction des nations s’avèrent très éclairants : on consultera d’ailleurs avec profit son excellent livre sur la création des identités nationales.
Vercingétorix est donc une figure malléable et cela fait sa force ! Ainsi, on retrouve Vercingétorix réutilisé par Pétain : la défaite de la seconde guerre mondiale se lit alors comme comparable à celle des Gaulois. Les Français sont vaincus, mais c’est pour leur bien, le pays pourra renaître de cette épreuve selon la terminologie du régime de Vichy. Ce second volet est très historiographique. Néanmoins dans le cadre du chapitre de première sur l’enracinement de la République, il peut utilement être utilisé par petits morceaux pour montrer le processus de création d’une nation à travers les héros. Auparavant, c’était une histoire dynastique mais au XIXème siècle, on passe à l’histoire des nations. Elles se cherchent donc une longue histoire. Jérôme Prieur aborde le rôle essentiel de Napoléon III qui a lancé des recherches sur tout le territoire français. Si l’on veut donc se défaire du mythe, il faut retourner sur le terrain, équipé de nouvelles méthodes.
Le dernier gaulois
Le dernier volet essaye de retrouver la réalité gauloise. N’oublions pas que l’existence de la Gaule est liée à César. C’est lui en effet qui décida et dit : « Ceci est la Gaule ». C’est donc par le regard de l’étranger que passe la définition du territoire.
Le vaincu ne parle pas, mais peu à peu, quelques éléments matériels mettent en évidence une réalité différente de celle décrite par César. On apprend que la culture gauloise utilisait du bois, du cuir qui sont des éléments qui disparaissent facilement. Les archéologues travaillent à partir d’empreintes de bâtiments dans le sol, ce qui n’est pas simple, La photo aérienne se révèle utile pour voir des formes : elle laisse deviner des traces en négatif comme des barricades. Avec le fruit de leurs fouilles, les historiens sont aux prises avec des objets énigmatiques dont ils ne savent pas bien encore aujourd ‘hui à quoi ils servaient exactement. Parmi les technologies récentes, citons aussi l’archéologie sous-marine qui s’est développée depuis trente ans. Elle livre des résultats passionnants car beaucoup d’épaves datent de la fin du IIème siècle.
Il faut considérer aussi que la Gaule est mise en valeur économiquement avant l’arrivée de César. Les épaves abritent des amphores particulières pour le vin qui venait d’Italie en très grande quantité. Aussi l’image d’une Gaule isolée peut être abandonnée. On retrouve également des vases chaudronnés très minces, preuve donc d’une technologie remarquable. Soulignons que le stationnement des troupes de César implique une logistique sur place ! Il n’est possible que par l’ aménagement des campagnes gauloises qui n’est pas dû aux Romains. Les voies romaines reprennent des parcours qui existaient du temps des Gaulois.
Les dernières recherches croisent le travail de l’historien et de l’architecte. En discutant ensemble ils déterminent à quelle hauteur on peut monter avec tel bois, telle taille de base…On arrive même à mettre en évidence des cages d’escaliers ! Les monuments des Gaulois devaient être tout aussi imposants que ceux des Romains mais ils n’étaient pas en pierre !
Enfin, parmi les éléments qui expliquent que cette culture gauloise reste encore énigmatique, signalons le fait qu’il n’y a pas d ‘épigraphie, pas de grande œuvre littéraire.
Au total cet ensemble documentaire se révèle très riche et réussit à parler de Vercingétorix de plusieurs façons, sans jamais se répéter. Chaque partie peut être vue de façon autonome, mais le rassemblement des trois compose peu à peu une fresque juste de ce chef gaulois.
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