Avec Palestine-Israël, une histoire visuelle, Philippe Rekacewicz et Dominique Vidal offrent une plongée éclairante dans l’histoire du conflit israélo-palestinien. À travers des cartes, des graphiques et des illustrations soigneusement élaborés, les auteurs retracent les différents enjeux qui façonnent ce conflit complexe depuis plus d’un siècle.

En effet, Philippe Rekacewicz, cartographe renommé, et Dominique Vidal, journaliste et historien, allient leurs expertises pour proposer une analyse visuelle et accessible, mettant en lumière les dynamiques historiques, démographiques et territoriales. Cet ouvrage est autant un outil pédagogique qu’un plaidoyer pour mieux comprendre les racines et les implications contemporaines du conflit israélo-palestinien.

Les auteurs s’efforcent de présenter un récit équilibré en prenant en compte les points de vue israélien, palestinien et internationaux, sans pour autant cacher la réalité des violences et des subies de part et d’autre.

La cartographie au service de l’histoire

Les cartes, accompagnées de chronologies et de graphiques, offrent aux lecteurs une vision claire de la géopolitique régionale et permettent de mettre en lumière les origines puis les différentes phases de ce conflit. Les représentations visuelles contribuent à une compréhension nuancée de l’enchevêtrement des transformations territoriales, des politiques d’occupation et des répercussions socio-économiques sur les communautés locales.

Les auteurs apportent leur connaissance fine du conflit et de ses implications géopolitiques. Ils s’attachent à déconstruire certains mythes et idées reçues sur le conflit israélo-palestinien, en proposant un regard critique sur la politique internationale et les jeux de pouvoir qui ont contribué à alimenter les tensions. En analysant les positions prises par les différentes parties – qu’il s’agisse des grandes puissances mondiales, des pays arabes ou des acteurs politiques locaux (l’OLP, Arafat, Sharon, Netanyahou, le Hamas, etc.) – ils éclairent les lecteurs sur les intérêts en jeu et les dynamiques complexes qui ont tenté de chercher une issue pacifique aux tensions ou exacerbé le conflit.

Un récit détaillé

À la fin de la Première Guerre mondiale, l’effondrement de l’Empire ottoman marque une transformation radicale du Moyen-Orient. Cet empire, qui régnait depuis des siècles, voit ses territoires arabes convoités par les puissances européennes, créant des frontières artificielles et des tensions géopolitiques durables. Les accords Sykes-Picot de 1916, conclus entre la France et la Grande-Bretagne, anticipent ce partage et établissent des zones d’influence.

En 1917, la déclaration Balfour exprime le soutien britannique à l’établissement d’un « foyer national juif » en Palestine, sans consultation des populations locales. Cet engagement alimente les espoirs du mouvement sioniste, tout en suscitant un fort sentiment d’injustice parmi les Palestiniens. En 1922, le mandat confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations officialise la domination coloniale sur la Palestine, attisant les tensions entre Arabes et Juifs, notamment en raison de l’immigration juive encouragée par les Britanniques.

Dans les années 1930, face à l’accélération de cette immigration et à la perte de leurs terres, les Palestiniens se révoltent lors de la grande révolte de 1936-1939. Celle-ci est violemment réprimée, affaiblissant durablement le mouvement national palestinien. Pendant ce temps, la communauté juive, le Yichouv, organise des institutions politiques et des structures autonomes, se préparant à établir un État. L’horreur de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale légitime le projet sioniste et renforce l’urgence d’un refuge pour les Juifs, mobilisant les grandes puissances en faveur de la création d’un État juif en Palestine, malgré l’opposition des Arabes.

Le 14 mai 1948, Israël proclame son indépendance, déclenchant la première guerre israélo-arabe. Les armées des pays voisins attaquent, mais Israël l’emporte et élargit son territoire par rapport aux frontières définies par l’ONU. Cette Nakba provoque la fuite ou l’expulsion forcée de 800 000 personnes Palestiniens.

L’année 1956 est marquée par la guerre tripartite contre l’Égypte. Ce conflit militaire et diplomatique oppose l’Égypte à une coalition formée par Israël, la France et le Royaume-Uni. Elle éclate après la décision du président égyptien Gamal Abdel Nasser de nationaliser le canal de Suez, un passage stratégique jusque-là contrôlé par des intérêts franco-britanniques. Israël envahit le Sinaï le 29 octobre 1956, rapidement suivi par des interventions militaires françaises et britanniques sous prétexte de protéger le canal. Sous la pression des États-Unis et de l’URSS, ainsi que de l’ONU, les troupes israéliennes, françaises et britanniques se retirent en 1957. Le président égyptien en sort renforcé politiquement, devenant un symbole du nationalisme arabe.

En 1964, l’OLP est fondée pour coordonner la résistance palestinienne. La guerre des Six Jours en 1967, marque une victoire éclatante pour Israël qui lui permet de conquérir des territoires stratégiques comme la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, transformant la lutte palestinienne en un combat pour la libération de ces zones occupées. La guerre du Kippour en 1973, bien qu’échouant militairement pour les Arabes, initie des négociations avec Israël. Cependant, l’élection en 1977 de Menahem Begin, leader de la droite israélienne, marque un durcissement avec l’expansion des colonies en Cisjordanie.

En 1987, la première Intifada éclate dans les territoires occupés, symbolisant le désespoir palestinien. Cette révolte ouvre la voie à des pourparlers internationaux, notamment lors de la conférence de Madrid en 1991 et des accords d’Oslo en 1993, qui prévoient une autonomie palestinienne progressive. Mais l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995 par un extrémiste juif freine le processus de paix. La deuxième Intifada en 2000 relance le cycle de violence, culminant avec l’intervention militaire massive d’Ariel Sharon en Cisjordanie en 2002.

Le retrait israélien de Gaza en 2005 est suivi de la victoire du Hamas aux élections de 2006, approfondissant la fracture politique palestinienne avec le Fatah. Les offensives israéliennes contre le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza entre 2006 et 2014 provoquent des pertes humaines massives. En 2022, le retour au pouvoir de Benyamin Netanyahou, soutenu par une coalition d’extrême droite, accentue les divisions internes en Israël et aggrave le conflit israélo-palestinien.

 

Si les derniers évènements semblent réduire la perspective d’une paix entre Palestine et Israël, cet ouvrage, en analysant le pourquoi et le comment d’un si long et complexe conflit, aide à le comprendre « dans l’espoir d’entretenir la petite flamme, si vacillante soit-elle, d’une issue pacifique » (p.240)