La revue Parlement[s]

Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).

Cette revue a été publiée successivement par plusieurs éditeurs : Gallimard (n° 0) en 2003, Armand Colin (n° 1 à 6, H-S n° 1 et 2) de 2004 à 2006, Pepper / L’Harmattan (n° 7 à 20, H-S n° 3 à 9) de 2007 à 2013, Classiques Garnier (n° 21 et 22, H-S n° 10) en 2014 et, enfin, les PUR (depuis le n° 23 et le H-S n° 11) à partir de 2016.

La revue Parlement(s) Hors-série n° 19 a pour thème : Passeurs culturels et politiques du fascisme italien en Europe (1922-1943). Ce dix-neuvième dossier Hors-série a été coordonné par Olivier Dard (professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne), Jérémy Guedj (maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Côte d’Azur) ; le premier est responsable de l’axe 2 du labex EHNE « Épistémologie du politique », a récemment dirigé la publication du Dictionnaire du conservatisme et Histoire des internationales et dirigé un programme (ANR) sur la corruption politique ; le second, quant à lui, est également rédacteur en chef des Cahiers de la Méditerranée. Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la [Recherche] (avec 7 contribution de 7 chercheurs, jeunes ou confirmées) et la seconde à des [Sources] (au nombre de 4) commentées par 5 enseignants-chercheurs : Martino Oppizzi, Jean-Paul Pellegrinetti et Vincent Sarbach-Pulicani, Jean-Félix Lapille ainsi que Jérémy Guedj. De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des [Lectures] (au nombre de 3) critiquées par 3 historiens (Emmanuel Mattiato, Olivier Dard et Ralph Schor).

En guise d’introduction (p. 11-18), Le fascisme s’est d’abord pensé comme un mouvement italien, mais il a rapidement regardé au-delà de ses frontières pour devenir un phénomène européen. En 1932, à l’occasion des dix ans de la « marche sur Rome », Mussolini pouvait même fièrement prophétiser : « Dans dix ans, l’Europe sera fasciste ou fascisée. » L’Italie fasciste s’est donc dotée, dès les années 1920 et encore plus dans la décennie suivante alors que le nazisme la concurrençait sérieusement, de relais et d’organisations affirmant sa présence dans le monde, à commencer par l’Europe. Elle parvint à mettre en place de nombreux réseaux d’influence et de propagande s’adressant aux Italiens comme à tous les Européens qui avaient de la sympathie pour le fascisme ou pour l’Italie. C’est à ces « passeurs » individuels et collectifs, qui agissaient dans les sphères politiques et culturelles, que s’intéresse ce hors-série consacré à Les passeurs, acteurs et vecteurs d’un fascisme transnational en Europe (1922-1943). De l’Espagne à la Roumanie, en passant par l’Allemagne et la France, il vise à retracer les trajectoires de celles et ceux qui firent du fascisme un mouvement transnational, s’affranchissant des frontières pour créer un espace politique et culturel commun, à l’heure où le modèle italien était considéré comme une alternative à des démocraties fragilisées. Célèbres ou obscurs, ces « passeurs » répondaient à des motivations et objectifs variés. Ils devinrent les agents d’une Internationale informelle et d’une autre Europe, dont Rome aurait été l’épicentre.

[RECHERCHE]

R 1- L’internationale des chemises noires. Les comités d’action pour l’universalité de Rome (1933-1939) : (p. 23-44)

Marco Cuzzi (Professeur de littérature française, Université de Rouen-Normandie, Cérédi)

Les Comités d’action pour l’universalité de Rome représentent l’application pratique d’un ensemble de théories élaborées dès le milieu des années 1930, relatives à l’« universalité du fascisme ». Le régime fasciste, définitivement consolidé, avait progressivement abandonné la thèse de la non exportabilité de son modèle à mesure qu’il observait l’éclosion dans toute l’Europe de partis et mouvements plus ou moins inspirés par la doctrine de Mussolini. C’est ainsi qu’il décide de fédérer ces groupements fascistes ou fascisants. L’histoire des CAUR doit cependant être lue à la lumière des relations franco-allemandes, puisque l’alignement sur l’Allemagne privait de plus en plus les CAUR de toute substance.

R 2- Le comité France-Italie, passeur détourné du fascisme ? : (p. 45-68)

Jérémy Guedj (maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Côte d’Azur)

Peut-on être un passeur apolitique du fascisme ? Nombre d’apôtres de la latinité, qui défendaient ardemment un rapprochement franco-italien, prétendaient que cet objectif pouvait être atteint en tenant la politique à bonne distance. L’objectif était en réalité intenable : nourrir des liens, même limités à la sphère culturelle – ce qui était loin d’être le cas – avec l’Italie ne pouvait se faire sans les fascistes. Il serait aisé de conclure à un simple effet d’affichage du comité. Le Comité France-Italie, association qui dépassait de loin ce statut pour se rapprocher parfois du groupe de pression plus que de simple amitié, ne différenciait pas toujours le pays – l’Italie – et l’État – fasciste. Un examen précis des acteurs à l’œuvre et des activités des sections permettra de comprendre comment un acteur collectif peut – ou pas – servir de passeur, qu’il soit volontaire ou non.

R 3- Le Congrès italo-français d’études corporatives de mai 1935 au prisme des circulations : (p. 69-89)

Olivier Dard (professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne)

On sait l’aura du terme corporatisme et l’ampleur des écrits le concernant dans la France des années trente. Dans ce panorama, l’Italie fasciste fut l’expérience la plus commentée, ce qui fait du corporatisme un objet au cœur des échanges italo-français. Le congrès tenu à Rome du 20 au 23 mai 1935 sous l’égide de l’Institut international de Rome pour l’unification du droit privé et qui a réuni une délégation française venue spécialement dans la capitale italienne pour y rencontrer des responsables et des spécialistes du corporatisme fasciste afin d’échanger avec eux servira de fil directeur. L’article s’attache à la place et au rôle des congressistes pour pointer s’il existe, parmi eux, des passeurs. Il s’agit aussi de mesurer la portée de ces échanges ainsi que l’effectivité de circulations des conceptions fascistes vers des délégués français, la réciproque étant beaucoup plus problématique.

R 4- Traduire et éditer Mussolini en France dans l’entre-deux-guerres : « Une histoire fâcheuse » : (p. 91-113)

Stéphanie Lanfranchi (Agrégé des Facultés de Droit, Professeur émérite à l’Université d’Orléans, CRJ Pothier-EA1212)

Cette étude interroge la continuité dans le passage du mussolinisme, en envisageant l’hypothèse selon laquelle l’Édition définitive des Œuvres et discours de Mussolini, publiée en France dans les années 1930 s’inscrirait dans le prolongement de l’opération de propagande internationale lancée par Margherita Sarfatti dans les années 1920 avec sa biographie, Dux. Bien que l’on retrouve la même traductrice principale, Maria Croci, dans les deux projets, les archives des maisons d’édition révèlent que les traducteurs et éditeurs qui interviennent dans les traductions françaises de Mussolini représentent tour à tour des profils très différents : ils ne sont pas soutenus par les mêmes réseaux politiques et mondains, et ne sont pas animés par les mêmes enjeux ni les mêmes ambitions, mais par une rivalité qui ramène la question des passeurs culturels du fascisme à celle d’un rapport de force sociologique, politique et conjoncturel : qui décide comment traduire quel Mussolini en France et à quel moment ?

R 5- Les conférenciers politiques, passeurs du fascisme italien à l’étranger (1929-1940) : (p. 115-135)

Claire Lorenzelli (Doctorant, CRH EHESS)

Cet article voudrait participer à une meilleure compréhension du rôle de passeur politique et culturel du fascisme italien à l’étranger, à travers l’analyse d’un cas d’étude précis : celui des conférenciers politiques italiens actifs dans l’Europe de l’entre-deux-guerres. Il s’agit alors, en se plaçant à hauteur d’acteurs et de transferts, d’interroger les ambitions personnelles et les stratégies de propagande mobilisées par certains intellectuels pour s’imposer en tant que conférenciers politiques aux yeux des élites étrangères, mais aussi de l’État fasciste.

R 6- « Per l’Italia nella sua Lotta. » L’historien roumain Nicolae Iorga et le fascisme italien, de la défiance à l’engagement : (p. 137-155)

Florin Turcanu (Université de Bologne, Département des sciences politiques et sociales)

Parmi les passeurs culturels et politiques du fascisme italien en Roumanie se détache la figure de l’historien Nicolae Iorga (1871-1940) dont la stature intellectuelle a apporté un surcroît de crédibilité à la diffusion d’une image positive de Mussolini et de son régime. Il est important de suivre la cristallisation de cette image sous la plume d’un intellectuel à la fois très impliqué dans la politique roumaine et très critique envers elle, porteur, en même temps, d’une interrogation d’historien sur l’héritage de Rome dans les Balkans et sur les rapports qu’entretient l’Italie avec cette partie de l’Europe.

R 7- Les passeurs espagnols du fascisme avant la guerre civile : (p. 157-171)

Manuelle Peloille (Université de Bologne, Département des sciences politiques et sociales)

La finalité de cet article est d’établir le degré de pénétration et d’assimilation du mouvement fasciste italien parmi ces élites espagnoles qui étaient en quête d’une résolution de la « question sociale », sur la base d’archives et de la presse quotidienne madrilène. La période considérée couvre les années qui vont de 1922 à la Guerre d’Espagne. Après un rappel des conditions historiques de la réception du premier fascisme, une première partie en étudie les différents canaux de diffusion, les influenceurs italiens et leurs relais espagnols au sein de la diplomatie, du gouvernement, des intellectuels. La seconde retrace les différentes étapes de l’assimilation partielle du modèle italien, lui-même en devenir : « voie esthétique » des années vingt consistant à l’idéaliser en relation avec l’utilisation de la Rome antique ; combinaison de la tradition corporatiste catholique avec les initiatives italiennes sous la Dictature du Général Primo de Rivera ; enfin, saut sur le terrain politique à partir de 1931, avec une revue, La Conquista del Estado puis un parti, la Phalange.

[SOURCES]

S 1- Élites et passeurs du fascisme parmi les Italiens de Tunisie : la trajectoire de Salvatore Calò : (p. 175-187)

Martino Oppizzi (Maître de conférences en histoire moderne à l’Université Paris-Nanterre, UMR Mondes)

Si elle peut apparaître extrême, la trajectoire d’un Salvatore Caló, en Tunisie, n’échappait ainsi pas au cynisme : dans son cas, être passeur n’avait rien d’une « étiquette » mais obéissait à un « processus accidenté », lui qui se mit au service du fascisme, « mais sans en devenir le serviteur ».

S 2- Acteurs, relais, passeurs du philofascisme en Corse dans les années 1930 à travers la revue Corsica antica e moderna : (p. 189-197)

La main de l’Italie n’était jamais très loin, si l’on pense cette fois à l’exemple corse, où la revue Corsica antica e moderna, dirigée par Francesco Guerri et financée par le régime fasciste, soutenait la cause irrédentiste et la revendication d’une Corse italienne.

S 3- Léon Degrelle et le fascisme : un discours à Radio Turin (1937) : (p. 199-210)

Jean-Félix Lapille (professeur agrégé d’histoire, doctorant et ATER au sein du Centre d’histoire des sociétés contemporaines – CHCSC, Université de Versailles-Saint-Quentin)

Outre les exemples cités, on le verra avec le Belge Léon Degrelle, certes stipendié par Ciano, mais grand admirateur de l’Italie, où il prononce un discours fleuve en 1937, à Radio Turin.

S 4- Commentaire de la couverture : L’affiche de la « seconda giornata degli italiani nel mondo » (18 mai 1941), organisée par la Società Dante Alighieri : (p. 211-217)

L’affiche annonce la deuxième journée des « italiani nel mondo », organisée le 18 mai 1941 par l’association qui porte le nom du grand poète, la Società Dante Alighieri. Un rapide regard ne prêterait peut-être pas à ce choix d’illustration l’intérêt qu’il mérite ou n’y verrait qu’un hommage évident à la figure tutélaire de la Società. Cette affiche croise en fait trois grands enjeux : la figure de Dante comme quintessence du « génie italien », sa fascisation par le régime en général et par l’association en particulier, enfin l’utilisation des émigrés italiens dans la propagande politique et culturelle du fascisme. À y regarder de près, le culte de Dante, l’instrumentalisation de son image en défense d’une supériorité culturelle dans le monde et la vision des Italiens « all’estero » comme autant d’ambassadeurs de la grandeur de leur pays n’avaient rien de neuf. Le fascisme fut bien loin de tout inventer. Il s’appuyait donc, en l’espèce, sur une tradition qui remontait au XIXe siècle, en la réinterprétant à des fins d’encadrement fasciste et totalitaire, dans le contexte d’une diplomatie culturelle offensive.

[LECTURES]

L 1- Olivier Dard, Didier Musiedlak (dir.), « Signification et portée de la marche sur Rome. Europe. Amérique latine », Cahiers de la Méditerranée, n° 107, décembre 2023,

par Emmanuel Mattiato – Maître de Conférences langue et civilisation italienne à l’université Savoie Mont-Blanc (p. 221-225)

Olivier Dard et Didier Musiedlak coordonnent un dossier sur la signification et la réception à la fois européenne et latino-américaine de la marche du 28 octobre 1922, qui fait la part belle aux relectures critiques d’un événement devenu « mythe fondateur » et à la révélation de nouveaux matériaux portant un éclairage inédit sur le déroulement de ces journées historiques. Chacun des dix auteurs prend le soin d’éviter l’écueil d’une « explication mono-causale » (D. Musiedlak) de l’événement, et insiste au contraire sur son extrême complexité et ses retombées planétaires sur une période longue. La question, essentielle, de la réception de la marche sur Rome en Europe jusqu’en Amérique latine contribue à rendre cette radiographie plus complète.

L 2- Valeria Galimi, Annarita Gori (eds.), Intellectuals in the Latin Space during the Era of Fascism. Crossing Borders, Londres, Routledge, 2020,

par Olivier Dardprofesseur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne (p. 225-228)

Le volume collectif proposé par Valeria Galimi et Annarita Gori réunit huit contributions et entend s’attacher à l’hybridation des idées dans l’espace latin en s’intéressant tout particulièrement aux agents transnationaux et aux réseaux intellectuels. Les intellectuels sont au centre de ce volume, qui s’inscrit délibérément dans une approche transnationale du fascisme mais aussi du nationalisme d’inspiration traditionaliste ou réactionnaire. Il s’agit de privilégier, comme y invite l’introduction, non pas les singularités (y compris dans les approches d’itinéraires biographiques) mais les zones d’intersection nourries par des voyages, des échanges ou des médiations effectuées par les acteurs considérés. L’autre dimension majeure du livre tient à la place conférée à « l’espace latin » entendu ici à travers quatre pays de l’Europe méridionale choisis au nom de leurs « racines latines » (Espagne, Portugal, France, Italie) et l’Amérique latine (du Mexique au Chili, en passant par l’Argentine, le Brésil, la Colombie, le Pérou ou l’Uruguay). Informé, doté de bibliographies complétant chaque chapitre et pourvu d’un index, le collectif proposé par Valeria Galimi et Annarita Gori nourrit utilement une historiographie en devenir sur les recherches transnationales des fascismes et des nationalismes.

L 3- Georges-Henri Soutou, Europa ! Les projets européens de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, Paris, Tallandier, 2021, rééd. coll. « Texto », 2022,

par Ralph Schor Historien, professeur émérite, Université Côte d’Azur, Nice, France (p. 228-230)

            L’ouvrage montre d’abord que les thèmes relatifs à une réorganisation politique, sociale, économique, culturelle de l’Europe alimentaient de nombreuses réflexions depuis le début du XXe siècle. La collaboration inter-étatique, le libéralisme, le libre-échange, le protectionnisme, le socialisme, la planification, la gestion technocratique, le darwinisme social aboutissant à l’élimination des éléments les plus faibles, la notion d’une civilisation propre au vieux continent, le dirigisme, le corporatisme, le racisme et l’antisémitisme, le totalitarisme, le façonnement d’un homme nouveau… tous ces sujets nourrissaient de nombreux débats. Les analyses dont l’ensemble formaient ce qu’on appela « l’esprit des années 1930 » appelaient à renouveler les vieilles structures. D’une manière générale, nombre d’intellectuels et de politiques souhaitaient la construction d’une Europe nouvelle brisant l’héritage de Versailles. En fait, Hitler et Mussolini n’eurent qu’à puiser dans le stock des conceptions préexistantes. Ils innovèrent seulement en ce qu’ils transformèrent les idées agitées de longue date en programme d’action. Les deux dictateurs différaient sur un point fondamental : les Allemands s’inscrivaient dans une analyse raciste de la société ; les Italiens ne croyaient pas au déterminisme sociobiologique. Le gouvernement de Vichy, surtout avec Laval, voulut s’inscrire dans le nouvel ordre issu de la victoire allemande.

            Georges-Henri Soutou, appuyé sur des archives et une bibliographie solides, offre une étude très riche dont on ne peut entièrement rendre compte. Il explore tout le continent européen, de la Belgique à l’Oural, des pays nordiques aux Balkans. Ses développements, toujours étayés par une historiographie précise et une chronologie rigoureuse, sont nuancés, illustrés par de nombreux exemples, adossés à des définitions idéologiques précieuses. Déjà un classique.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)