Le 7 octobre a fait ressortir les vieilles hydres honteuses de l’histoire et déclenché des vagues d’antisémitismes dans le monde. Les auteurs de ce Petit manuel de lutte contre l’antisémitisme, Jonas Pardo et Samuel Delor, n’ont pas attendu les massacres opérés par le Hamas perpétrés le 7 octobre 2023 pour commencer à rédiger leur ouvrage, essentiel à plus d’un titre, et relu par l’historien Pierre Savy qui signe la préface.

Il est essentiel à plus d’un titre, car d’une part, c’est un ouvrage très dense qui aborde de front la question de l’antisémitisme et d’autre part, il ne se contente pas de dresser des constats, il propose aussi des solutions. Pour le dire franchement, c’est également un ouvrage qui, littéralement, met les pieds dans le plat pour aborder à la fois l’histoire, mais aussi les différents courants antisémites existants de l’extrême droite à l’extrême gauche, n’en déplaise à ceux qui estiment que l’antisémitisme reste l’exclusivité de l’extrême droite blanche européenne.

Les auteurs

Jonas Pardo est directeur de l’association Boussole antiraciste. Il crée et anime des formations à la lutte contre l’antisémitisme auprès de collectifs, d’associations, de syndicats, de médias et de partis politiques. Samuel Delor est enseignant. Sa grand-mère paternelle, Bella Swiatly, juive polonaise, a participé à fonder l’un des premiers réseaux de résistance dans la Vienne, à Châtellerault. Cette histoire familiale explique l’un des fondements de son engagement syndical et politique. Ils sont tous les deux militants syndicalistes et engagés dans le combat contre l’antisémitisme et tous les racismes. Pierre Savy, quant à lui, est maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ancien élève de l’École normale supérieure et ancien membre de l’École française de Rome, ses recherches portent sur l’histoire de la société et de la politique dans l’Italie du Nord à la fin du Moyen Âge. Pierre Savy s’intéresse également aux identités juives et chrétiennes dans l’Occident médiéval et moderne.

Un ouvrage militant ayant trois buts

Ce livre est à la fois un ouvrage d’histoire, de sociologie, de politique et de sciences politiques qui se donne un but : lutter contre l’antisémitisme. Le titre donne lui-même les objectifs qu’il se fixe, puisque, suivant une des règles de l’art de la guerre, pour combattre efficacement son ennemi, il faut d’abord bien le connaître. Ici, il s’agit donc de « reconnaître », de décrypter et, in fine, puisqu’il ne s’agit pas de faire simplement des constats, mais bien de combattre l’antisémitisme. Il est divisé en trois parties inégales.

Les auteurs débutent avec « une invitation à rejoindre la lutte contre l’antisémitisme » et commencent par un extrait de la lettre des ouvriers juifs de Paris au parti socialiste, datée de 1898, dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Choqués par l’absence de réaction des socialistes, les syndicalistes Hans Dinner et Herman Karpel interpellent ainsi ces derniers : « Vous laissez faire car vous croyez le mal profitable, parce que vous considérez l’antisémitisme comme un arbre amer, qui prend vite et bien dans un certain sol, et sur lequel il serait facile après de greffer du socialisme […] ». Les auteurs nous expliquent leur démarche, issue de réflexions entamées dans les années 2010. Si bien d’autres ouvrages ont été proposés par de multiples auteurs, la commande des éditions du Commun aux auteurs se donne cependant un objectif : vulgariser des notions et une histoire complexe et touffue dans le but de servir la lutte antiraciste. Jonas Pardo et Samuel Delor rejoignent l’analyse de Dinner et Karpel : l’antisémitisme est aussi une menace pour le mouvement social.

Comment définir l’identité juive ?

La première partie, la plus courte, est une « introduction à la question juive ». En une dizaine de pages, les auteurs définissent ce que peut être l’identité juive, sa définition religieuse, culturelle, philosophique (de Moïse Maïmonide à Rosa Luxemburg en passant par Spinoza), mais aussi par l’histoire familiale et l’assignation identitaire, les auteurs s’appuyant sur Jean-Paul Sartre (« le Juif est un homme que les autres tiennent pour juif » – Réflexions sur la question juive, 1954). Le peuple juif fait l’objet d’une synthèse. On pourrait regretter que la Torah prenne le pas dans la hiérarchie des propos sur les travaux archéologiques, mais cela n’enlève rien à l’intérêt du texte.

L’antisémitisme : une histoire ancrée dans le temps long

La deuxième partie, composée de cinq chapitres, est beaucoup plus longue. Intitulée Une petite histoire populaire de l’antisémitisme, elle débute par un constat : « l’antisémitisme est une idéologie et un rapport social raciste qui s’est construit sur un temps long » du Moyen Âge à la fin du XXᵉ siècle.

Les premières persécutions contre les juifs sont rapportées par Philon d’Alexandrie, avec des rumeurs de meurtres d’enfants pratiqués par les juifs sur un lieu de prière en 38 après J.-C., ces émeutes débouchant sur des massacres. L’accusation de peuple déicide, selon laquelle les Juifs sont responsables pour les chrétiens de la mort de Jésus, s’impose dans un contexte où ces derniers ont besoin de se démarquer des Juifs et du judaïsme en général. Les auteurs notent, à juste titre, que cette accusation a perduré à travers le temps, comme en témoignent des propos tenus par le principal leader de La France insoumise en 2020.

Un premier tournant s’opère lors de la première croisade en 1095, tandis que, lors du concile de Latran en 1215, des mesures sont prises contre les juifs afin de les séparer des chrétiens, dont celle rendant obligatoire le port d’une rouelle jaune sur les vêtements, une mesure recyclée par le nazisme. Dans le même temps, nombre de métiers leur sont fermés, comme le travail de la terre. Leur sont donc désormais réservées les tâches considérées comme impures, avec en tête de liste le prêt à intérêt. Devenus malgré eux les spécialistes de l’argent, ce sont les Juifs qui sont donc sollicités en général lors des temps de crise. Par conséquent, ils deviennent la figure honnie par excellence qui cristallise les haines et les rancœurs, mais aussi un objet d’instrumentalisation politique et religieuse qui débouche parfois sur des massacres comme celui du 14 février 1349 à Strasbourg. Plus proches de nous dans le temps, ce sont les attaques contre Rothschild et les sionistes qui contrôleraient Wall Street qui recyclent ces idées tenaces sur un triptyque mortifère unissant « juif-argent-domination du monde », visible de nos jours dans les manifestations altermondialistes et anticapitalistes. Et c’est là que nous relevons que, du Moyen Âge à nos jours, les vieilles idées rances sont recyclées en dépit de toute l’information dont nous disposons actuellement. Hier, les juifs étaient accusés de diffuser des maladies telles que la peste au Moyen Âge. Depuis cinq ans, ils sont accusés, lors de l’épidémie de Covid-19 , d’avoir une responsabilité directe dans la diffusion de la maladie.

Alors qu’au Moyen Âge, les individus voient leur place dans la société définie par leur appartenance à l’un des trois ordres (ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent), les juifs voient leur identité modifiée. En effet, à partir du XVe siècle en Espagne, on assiste à un processus de racialisation : tandis que le mot « race » commence à être appliqué aux êtres humains, le judaïsme devient une identité transmise par le sang et le lait avec les estatutos de limpieza de sangre (« statut de pureté du sang ») qui stipule que l’accès à certaines charges publiques serait dorénavant soumis à un examen de la filiation des candidats et que, pour y accéder, il faut désormais justifier d’une lignée épurée d’ascendance juive ou musulmane. En 1478, l’Inquisition espagnole est créée. Elle a pour mission de traquer hérétiques et catholiques non sincères, autrement dit les nouveaux convertis qui seraient suspectés de pratiquer en secret leur ancienne religion. Des manuels sont édités afin de repérer les individus suspects. Enfin, en 1492, à la suite de la prise de Grenade, les juifs sont définitivement expulsés d’Espagne et dépossédés de leurs biens.

Enfin, l’ouvrage s’intéresse également à l’antijudaïsme musulman. Si les Juifs sont des gens du Livre et relèvent du statut de dhimmi, ils parviennent à occuper des postes à responsabilité. Mais la situation est variable entre persécutions et bonne entente selon le lien et l’époque entre juifs et musulmans.

Puis l’ouvrage s’intéresse à la place des juifs durant la Réforme, les Lumières, et bien sûr durant la Révolution française, époque de l’invention du complot juif avec le rôle central joué par l’abbé Barruel. La législation mise en place par Napoléon, qui oblige le judaïsme à s’organiser, aboutit à la mise en place du Consistoire central israélite de France en 1807. Un changement sémantique s’opère : les juifs français deviennent des Français juifs.

L’émergence d’un antisémitisme de gauche dans le contexte de la révolution industrielle

C’est dans le contexte du XIXe siècle et de l’industrialisation naissante qu’un discours antisémite émerge en tant que pseudo-critique de l’ordre établi en général et du capitalisme en particulier. Il est porté par des personnalités telles que Pierre-Joseph Proudhon qui, par le terme de « juifs » désigne les figures du capitalisme émergeant et donc les ennemis à éradiquer. Marx a sa part, même si la critique du judaïsme dans son œuvre reste exceptionnelle. Bakounine, détracteur de Marx, fait preuve d’un antisémitisme virulent, comme le montre l’extrait d’un texte rédigé en 1869 mais jamais publié de son vivant où il qualifie le monde juif de « secte exploitante, un peuple sangsue, un unique parasite dévorant ». Il en profite au passage pour attaquer Marx du fait de son ascendance juive.

Les auteurs reviennent également sur l’antisémitisme politique, le célèbre Protocoles des sages de Sion, les figures telles qu’Édouard Drumont, l’affaire Dreyfus bien entendu, mais aussi l’antisémitisme en tant qu’outil de maintien de l’ordre colonial. Les idéologues coloniaux n’hésitent pas à qualifier les sémites de « race parasite », ce discours servant à diviser les colonisés pour mieux régner sur eux. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le fameux décret Crémieux qui aboutit à déstabiliser (c’est un euphémisme !) les relations entre juifs et musulmans.

Pour autant, les Juifs d’Europe ne restent pas passifs, et c’est dans ce contexte que le sionisme fait son apparition à la fin du XIXe siècle, en particulier à travers la figure très connue du journaliste juif austro-hongrois Théodore Herzl. Les auteurs rappellent aussi l’importance méconnue du Bund, l’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie créée en septembre 1897 lors d’une conférence à Vilnius. Son objectif est alors de détruire ce qu’il considère comme la source de l’antisémitisme : le sentiment nationaliste et l’exploitation capitaliste. Bundisme et sionisme ont ce point commun de promouvoir également l’autodétermination nationale du peuple juif.

Le quatrième chapitre est consacré au nazisme, aux étapes du génocide, à la mort industrielle, un poids est accordé à la Shoah en France et à sa chronologie, à son bilan, mais aussi à la résistance juive, qui fut multiforme, en allant du groupe armé MOI dirigé par Missak Manouchian sans oublier les aides de personnalités ou de villages comme celui de Chambon-sur-Lignon.

Après la Shoah

Le chapitre 5, « Après la Shoah », débute sur une citation de Moishé Postone : « la pensée antisémite est une pensée dans laquelle les juifs jouent le rôle des enfants des ténèbres ». Elle débute avec une évidence oubliée : la Shoah n’a en rien marqué la mort de l’antisémitisme, comme en atteste le pogrom de Kielce en Pologne perpétré le 4 juillet 1946. Elle reste ancrée encore de nos jours dans la culture populaire, mais elle a su s’adapter pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Dans le contexte de l’après-guerre, celui d’une réconciliation nationale, peu de condamnations sont prononcées, à l’exemple d’August Becker, spécialiste du gazage employé dans l’Aktion T4, qui devient, après la guerre, un représentant de commerce.

C’est dans ce contexte de réconciliations nationales que les pionniers du négationnisme émergent. Le premier est Maurice Bardèche qui, en 1948, attribue aux juifs la responsabilité du génocide pour justifier la création d’Israël. Amnistié par René Coty, il devient très rapidement une figure centrale de l’extrême droite française. Sont évoqués également les rôles de Paul Rassinier, ancien déporté de Buchenwald auquel l’extrême gauche, mais aussi l’extrême droite, s’intéressent, et de François Duprat qui devient le numéro deux du Front national lors de sa fondation en 1972. C’est à lui que l’on doit justement la diffusion de l’idée d’un génocide en cours depuis 1948, idée toujours particulièrement ancrée chez les partisans de la cause palestinienne et au-delà. Enfin, les auteurs ne manquent pas de rappeler les contributions au négationnisme de Louis Darquier de Pellepoix et de Robert Faurisson, professeur de littératures qui se fait passer pour un historien, qui sont recensées. L’un des points forts de l’ouvrage est de s’intéresser à un tabou : le négationnisme de gauche, avec le rôle joué par les libraires Gilles Dauvé et Pierre Guillaume, et de Roger Garaudy, ex-membre du PCF passé à l’extrême droite qui assimile nazisme et sionisme. Un point est également réalisé sur la banalisation du négationnisme avec quelques illustrations issues de la Dieudosphère, par exemple. L’ouvrage montre également comment les antisémites parviennent à manœuvrer pour entretenir la confusion auprès du grand public.

Enfin, une partie s’intéresse à l’antisémitisme dans le monde musulman, lié en grande partie à la question palestinienne, et aux rôles joués par Amine al-Husseini, grand mufti de Jérusalem, et à certains théologiens islamistes comme Sayyid Qutb, haut cadre des Frères musulmans qui publie en 1950 un ouvrage explicite : Notre combat contre les juifs, où il opère la synthèse entre l’antijudaïsme musulman et le conspirationnisme européen, en accusant les Juifs d’un des pires crimes possible : celui d’être responsables de la laicisation des sociétés arabes.

Antisémitisme stalinien

Enfin, une partie est consacrée aux juifs et à l’antisémitisme soviétique. Achevant ainsi de démontrer qu’un antisémitisme de gauche s’est construit parallèlement à celui de l’extrême droite, ce que  beaucoup ne veulent pas voir. Pourtant, en 1917, bien que certains révolutionnaires ne soient pas d’accord, la Révolution bolchevique débute avec une lutte affirmée contre l’antisémitisme qui se traduit par l’abolition des décrets tsaristes visant les Juifs. La politique de nationalité aboutit à une reconnaissance de la nation juive. Puis un tournant s’opère avec Staline en dépit de la création du Birobidjan en Sibérie. Dans les années 30, la politique d’assimilation et de russification menée par Staline aboutit à un désastre : les Juifs redeviennent des cibles. En 1945, l’idée est alors développée de faire de la Crimée la terre d’accueil des juifs survivants de la Shoah. Mais Staline refuse et soutient la création d’Israël. Les auteurs prennent soin de noter que c’est justement sous le régime stalinien que le mot « juif » est remplacé par celui de « sioniste », tandis que les accusations de complots, imaginaires (celui des blouses blanches en janvier 1953) et la répression s’abattent sur les Juifs. Le choc est profond pour beaucoup qui décident de quitter le Parti communiste.

Après les constats historiques, que faire ?

Cette partie illustre parfaitement la volonté des auteurs d’apprendre à reconnaître son ennemi, l’antisémitisme, sa sémantique spécifique très travaillée, que le grand public peut, légitimement, avoir du mal à décoder. C’est en ce sens que cette troisième grande partie est déjà en elle-même contre l’antisémitisme puisqu’elle apprend à reconnaître les codes actuels, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite, qu’il se manifeste via des personnalités telles qu’Alain Soral, le mouvement Civitas, l’association CAPJPO Europalestine, ou encore des écrivains ou militants divers comme l’écrivain franco-algérien Khider Mesloub.

Si « débusquer l’antisémitisme à droite et à l’extrême droite » est courant, à gauche, la notion devient plus complexe, car, à partir des années 2000, la gauche abandonne le champ de la lutte contre l’antisémitisme pour la qualifier de « lutte réactionnaire » et se livrer à la concurrence des douleurs. Cette partie explique notamment les manœuvres procédurières, la minimisation de l’antisémitisme (une partie d’ailleurs revient sur les statistiques qui démontrent de façon implacable l’explosion des faits antisémites depuis le début des années 2000), sa relativisation, la réécriture des faits historiques, la hiérarchisation de la lutte antiraciste (là où elles devraient être considérées sur un pied d’égalité, mais qui témoignent d’une volonté de faire passer cette lutte comme un « privilège blanc ») les dialogues de sourds menant aux impasses et les contournements opérés par certains leaders politiques, dont un en particulier que nous ne nommerons pas.

Mais ce tournant ne s’est pas opéré en un jour, les auteurs démontrant les racines de courants, d’opinions, et de raccourcis verbaux hostiles aux juifs dans une tradition vieille de mille ans. Quelques pages très intéressantes consacrées aux discriminations viennent d’ailleurs sur des idées reçues selon lesquelles les Juifs seraient favorisés lors d’entretiens d’embauche ou d’accès au logement. Ces pages s’appuient sur le travail d’Anne-Marie Belfort publié en 2017 et qui s’intéresse à la religion en tant que facteur de discrimination à l’embauche en France. Sur 6000 CV envoyés, où se retrouvent autant d’hommes que de femmes, autant de personnes catholiques, juives et musulmanes, les résultats sont explicites : les résultats démontrent qu’il vaut mieux être catholique que juif ou musulman. À compétence égale, pour un poste lié à la comptabilité, une femme catholique a 1,3 fois plus de chances d’être recrutée qu’une personne juive et 1,4 fois plus de chances d’être recrutée qu’une femme musulmane.

Dès lors, comment faire pour que ce champ de la lutte antiraciste reprenne sa place sur l’échiquier politique ?

Quelles solutions ?

« Réenchanter les horizons collectifs, sortir de l’impasse complotiste » propose quelques pistes : réconcilier antiracisme et internationalisme lutter contre le doute, rétablir les faits, désintoxiquer les lecteurs, par le biais de la connaissance est le choix opéré par la dernière partie qui démontre que « critiquer la politique israélienne sans antisémitisme, c’est possible ». Ce chapitre s’ouvre sur les constats imposés par les massacres du 7 octobre et revient sur les termes antisionisme, sionisme et antisémitisme, leurs usages et définitions, et pose une définition claire de ce qu’est un antisioniste : « une personne s’opposant au sionisme, c’est-à-dire à l’existence d’un État à majorité juive en Palestine ». Puis, il nuance selon les individus, le terme allant de la simple critique du gouvernement au conspirationniste le plus radical, en passant par une analyse historique plus que contestable, comme celle de Shlomo Sand, auteur d’un ouvrage intitulé Comment le peuple juif fut inventé. Il accuse l’État israélien d’avoir fabriqué une continuité historique entre le récit biblique et l’histoire scientifique, et remet en question l’origine géographique du peuple juif. C’est là tout l’intérêt pédagogique de l’ouvrage, qui sait mettre en face la recherche scientifique, même si cette dernière aurait sans doute mérité davantage de pages.

Enfin, les auteurs rappellent qu’il faut aussi savoir agir syndicalement et juridiquement. Lorsque les attitudes sont répétitives, elles relèvent du harcèlement, pénalement répréhensible. Par conséquent, il est urgent de déclencher des formations à la lutte contre l’antisémitisme sur les lieux de travail et au niveau des syndicats. Cette partie fait donc un point juridique sur les sanctions possibles. Une pédagogie antiraciste, qui prendrait exemple sur d’autres précédents comme la pédagogie interculturelle et la pédagogie anti-oppression utilisée dans le monde anglo-saxon, qui permettrait de provoquer une transformation dans les comportements et les discours, en s’articulant sur les connaissances, constitue également une solution, sans tomber dans le moralisme, qui peut s’avérer contre-productif.

L’école, bien sûr, doit également jouer sa part, l’antisémitisme reposant également sur une inculture profonde des élèves, et en ce sens, les auteurs ont parfaitement visé juste.