Sur les traces des explorateurs de l’an 1000, dans une démarche d’histoire globale
L’histoire globale est particulièrement chérie par les éditeurs depuis quelques années. Les éditions Quanto, basées à Lausanne en Suisse propose la traduction et l’adaptation en français d’un livre important et récent dans l’historiographie états-unienne : The year 1000 : when explorers connected the World and globalisation began chez Scribner (avril 2020). Il s’agit du premier livre de Valérie Hansen, professeur à l’Université de Yale et spécialiste du monde chinois, publié en langue française.
L’idée de départ est simple : étudier la progressive mise en relation des individus et des espaces par l’intermédiaire des marchands, explorateurs et soldats aux alentours de l’an 1000. Les lecteurs de la « Géohistoire de la mondialisation » de Christian Grataloup ne seront pas vraiment dépaysés. L’Empire mongol, les différentes dynasties chinoises, les Mayas, les peuples nomades d’Asie centrale et les explorateurs portugais sont également convoqués afin de brosser un panorama mondial des relations commerciales, intellectuelles et culturelles.
L’ouvrage de Valérie Hansen est une fresque d’histoire globale emmenant le lecteur dans un véritable voyage à travers le monde (Asie centrale, Afrique, Europe du Nord, Amérique centrale, Chine, Océanie). Dans une perspective d’histoire connectée, l’auteur part d’une description de la ville chinoise de Quanzhou au XIe siècle. Cette ville du Sud-Est de la Chine est alors un nœud dans les échanges commerciaux. Les marchandises et les idées y circulent et les échanges sont nombreux (perles, parfums, bois, aliments).
L’an 1000 marque le début de la mondialisation. C’est en effet à cette période qu’ont été tracées les routes commerciales qui, sur l’ensemble de la planète, ont permis aux marchandises, aux technologies, aux religions et aux personnes de s’éloigner de leurs terres d’origine. Les changements qui en ont résulté ont été si profonds qu’ils ont aussi affecté les gens ordinaires […].
En l’an 1000, les acteurs de la mondialisation comptaient donc les Vikings d’Europe du Nord, mais aussi les habitants des Amériques, d’Afrique, de Chine et du Moyen-Orient. Echangeant des biens contre des marchandises qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais vues, ces explorateurs ont ouvert des voies terrestres et maritimes qui ont signé le véritable avènement de la mondialisation. Les nouvelles routes tracées par ces marchands et ces voyageurs ont permis à de nombreux royaumes et empires de se frotter les uns aux autres, favorisant ainsi le déplacement des biens, des personnes, des microbes et des idées vers de nouveaux territoires. Pour la première fois, les différentes régions du monde sont entrées en contact ; de leur rencontre est née la mondialisation que nous connaissons aujourd’hui.
Extrait du livre de Valérie Hansen, L’an 1000, Editions Quanto, pages 12 et 13, 2021
Une cinquantaine de pages, à la fin de l’ouvrage, permette de prolonger les références mentionnées par Valérie Hansen dans le cœur de livre. L’immense majorité des sources utilisées n’a pas été traduite en français. Cependant, les lecteurs se limitant aux ouvrages francophones retrouveront plusieurs auteurs et livres déjà connues (François-Xavier Fauvelle-Aymar et son Rhinocéros d’or à la page 370, Maurice Lombard sur les esclaves dans le monde islamique à la page 371, Yannick Bruneton sur les astrologues coréens à la page 381). L’auteur précise également avoir bénéficié de nombreuses collaborations à travers le monde dans le cadre de l’écriture de son livre. En France, ce sont Frantz Grenet (sur l’Asie centrale), Dominique Barthélémy (pour l’Occident médiéval) et Etienne de la Vaissière (sur le réseau des marchands de Sogdiane).
Pour un aperçu du sommaire alliant à la fois une réflexion spatiale et thématique :
- Le monde en l’an 1000
- Cap à l’ouest, jeune Viking
- Les grandes voies panaméricaines de l’an 1000
- Esclaves européens
- L’homme le plus riche du monde
- L’Asie centrale se scinde en deux
- Surprenants périples
- L’endroit le plus mondialisé sur Terre
- Épilogue
Extrait du livre de Valérie Hansen, L’an 1000, Editions Quanto, page 7, 2021
La présentation vidéo de Quanto est lisible ci-dessous.
En conclusion, les éditions Quanto permettent au lectorat francophone de s’immerger dans un excellent récit d’histoire globale au Moyen-Age. Rappelant un peu la démarche réalisée par Patrick Boucheron pour son histoire du monde au XVe siècle, Valérie Hansen emmène son lecteur sur les traces de voyageurs minutieusement sélectionnés qui mettent en contact différents espaces à travers le monde. Que ce soit en haute mer, par le cabotage, les routes, les sentiers, ou les pistes, des premières formes de mondialisation des échanges sont perceptibles.
Des critiques pourraient être formulées à propos de certains raccourcis (ces voyages sont-ils vraiment représentatifs d’une circulation régionale devenant mondiale ? comment mesurer les impacts sur les territoires ?). Une erreur de localisation est visible à la page 13 : où se trouve la côte Sud-Ouest de la Chine ? Mais le récit est prenant, bien rédigé et relativement simple à suivre, même pour un lecteur profane. Saluons également le travail réalisé afin de proposer une couverture particulièrement attrayante et originale : un ode à l’exploration maritime !
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
- Pour une recension critique du livre de Valérie Hansen par trois spécialistes de l’histoire globale et connectée, dont Sanjay Subrahmanyam -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes