Pierre Yves Beaurepaire et Silvia Marzagalli sont tous deux professeurs d’histoire moderne à Nice. Cette dernière est d’ailleurs l’auteur d’un des volumes de la collection de l’histoire de France dirigée par Joël Cornette que sont en train de publier les éditions Belin.
Les atouts des atlas de chez Autrement sont maintenant bien connus : leur présentation très claire et des cartes très lisibles associées à un texte vivant, pertinent et bien structuré. Chaque thème est traité en deux pages et le volet de couverture rappelle le sommaire et permet à tout moment de se situer. Un jeu de couleurs en haut permet de se repérer dans les chapitres. Des petites pastilles noires dans les double-pages soulignent un fait ou mettent en valeur une citation. Le propos est ici organisé en quatre grands chapitres qui déroulent une chronologie allant du « vent de la liberté » jusqu’à Bonaparte. Le tout est complété par le calendrier révolutionnaire et la chronologie. Enfin les auteurs proposent une sélection bibliographique.

La Révolution française autrement

Il suffit d’examiner la chronologie pour déjà comprendre l’angle particulier de cet ouvrage qui se propose de commencer en 1770 et d’aller jusqu’en 1804. La Révolution française, voici en tout cas un « sujet piège », et les auteurs règlent son sort dès l’introduction à cet objet historique particulier. «Aux polémiques….cet atlas préfère les possibilités offertes par la cartographie actuelle ». Les cartes permettent des « effets de zoom » et de rendre au local «toute sa signification». Tous ces éléments permettent donc d’approcher la Révolution française de façon très complète. Cet atlas cherche donc à gommer un effet de focalisation sur la France.
Il choisit également de s’intéresser au phénomène de circulation des hommes et des idées. On le retrouve par exemple pages 74 et 75 avec justement « la circulation des savoirs et des informations ». Daniel Roche n’hésite pas d’ailleurs à dire que « La grande révolution intellectuelle du XVIII e siècle, c’est la révolution routière et postale ».

La révolution internationale

Pour prolonger cette approche, les auteurs ont donc privilégié des échelles particulières. Ainsi, la première carte se révèle très intéressante et presque déstabilisante. Elle s’intitule « l’Atlantique en ébullition 1770-1830 » ce qui conduit à voir autrement le processus révolutionnaire. On découvre alors que les foyers d’agitation sont nombreux. C’est le cas aussi pages 12 et 13 avec des cartes sur les « frémissements révolutionnaires entre 1770 et 1789 » au niveau européen. On débouche sur les suites de la Révolution et le livre se conclut sur l’effondrement des empires ibériques. Les auteurs abordent les modifications du commerce atlantique avec la perte des marchés français de réexportation. Ils intègrent donc des éléments concernant la Guadeloupe ou Haïti.

La part des hommes

Les deux auteurs disséminent tout au long de l’atlas des mini-portraits. Avouons que c’est parfois un peu frustrant, mais en même temps cela souligne quelques itinéraires qu’il peut être intéressant d’approfondir. Parmi les personnages cités, les auteurs choisissent de proposer plusieurs itinéraires d’acteurs qui incarnent cette idée chère aux auteurs, à savoir la circulation des hommes et des idées. Cela permet de complexifier le cours et de dépasser la seule figure de Benjamin Franklin.
De même page 51 la figure d’Anacharsis Cloots illustre le « caractère tragique de la radicalisation révolutionnaire ». Ce « prussien francophile » qui aimait la France est citoyen français en 1792, élu à la Convention, mais il tombe sous les attaques de Robespierre et est exécuté en 1794 victime des circonstances de l’époque. « Un étranger ne peut représenter le peuple français » dit alors la Convention.
Les auteurs abordent aussi page 64 le parcours de quatre préfets. Ceux-ci viennent d’horizons différents : deux nobles et deux roturiers. Tous obtiennent des titres de noblesse sous l’Empire et deux seront pairs de France et deux contraints à l’exil : quelle meilleure illustration des destinées humaines !
Citons enfin, page 75 l’itinéraire de savants comme Vivant Denon ou François de Neufchateau.

De petites notations sur le quotidien

On découvre aussi des petites notations du quotidien : une lettre postée à Paris arrive dans les deux jours dans le bassin parisien, a » atteint les départements du Finistère en cinq jours, mais ne parvient à Perpignan qu’au bout de neuf jours ». Pour les cours sur la Révolution française, on peut suivre en 1792 comment se propagent les troubles. La cartographie est pertinente car elle permet de mieux appréhender la réalité du phénomène. Il en est de même pour estimer l’impact des Lumières : une petite vignette permet de suivre l’itinéraire d’un livre clandestin.
Même parfois sur des sujets qu’on peut considérer comme rebattus, les auteurs proposent une autre vision. A ce titre, on peut signaler cet encart sur la circulation de modèles de cahiers de doléances. L’historien Philippe Grateau a montré la circulation des textes et leur appropriation. Il souligne ainsi combien tel article des cahiers est en fait inspiré par un autre des délibérations de la ville de Rennes.

Au total et comme souvent dans cette collection, on dispose en 80 pages d’un tour d’horizon du sujet qu’il s’agit sans doute de prolonger. Cependant, l’enseignant a à sa disposition des documents originaux pouvant être utilisés en cours et des idées d’angles un peu différents pour aborder une question classique comme la Révolution française. Le pari est donc pleinement réussi avec cet atlas.

© Jean-Pierre Costille