Ana Pêgo est une biologiste marine portugaise. Elle travaille aujourd’hui au laboratoire maritime de Guia. À partir de 2012, elle commence à se consacrer à l’éducation environnementale et offre ses services auprès d’organismes de formation ou d’actions scolaires. Elle fait des conférences dans diverses institutions portugaises comme la Fondation Calouste Gulbenkian, le centre culturel de Belem, le Musée d’Art, d’Architecture et de Technologie. Comme plasticienne, elle participe à de multiples expositions d’art écologique. À partir d’objets ramassés sur les plages d’Almada, elle a d’abord réalisé, en 2014, Baleana plasticus, une installation en plastique blanc de 10 mètres de long représentant le squelette d’une baleine composé de 250 pièces de plastique.

Plasticus maritimus est un autre projet qu’Ana Pêgo a commencé fin 2015 avec la création d’une page Facebook sur laquelle elle publie des photographies d’objets retrouvés sur la plage. Le but est bien entendu de sensibiliser l’opinion publique sur ce qu’elle appelle, elle-même l’espèce envahissante (especie invasora) et la question des plastiques dans les océans. En novembre 2018, l’expérience donne naissance à un livre, sorte de guide illustré à l’intention de ceux qui veulent identifier, collecter, collectionner et aider à éliminer le plastique marin. Le livre est édité par la petite maison d’édition jeunesse lisboète Planeta Tangerina, dont les propriétaires sont également les co-auteurs et illustrateurs, Isabel Minhos Martins et Bernardo P. Carvalho. En 2020, l’ouvrage obtient une mention spéciale à la Foire Internationale du Livre Jeunesse de Bologne. Son format unique, son parti pris séduisent le jury qui voit dans ce petit livre pour enfants et adultes un guide pour l’action environnementale original.

Dans une longue introduction, Ana Pêgo situe son action et invite les lecteurs à « avoir un rôle actif » : « Si un problème nous préoccupe, si on arrive à voir clairement la gravité de ses conséquences, alors on doit croire en notre pouvoir d’action et se retrousser les manches » (p.5). L’objectif du livre est triple : sensibiliser au problème du plastique dans les océans, proposer des moyens d’agir et présenter le travail de beachcomber d’Ana Pêgo. Le beachcomber est celui qui récolte des déchets sur les plages, les collectionne, et s’intéresse à l’origine et à l’histoire des objets qu’il trouve. Le sommaire nous permet de découvrir  les trois parties du guide : une première partie présente l’importance jouée par les océans sur la planète, puis une partie centrale, la plus importante, nous livre le guide de terrain du beachcomber, enfin une dernière partie nous amène à réfléchir à ce qu’il est possible de faire.

Les auteurs rappellent l’importance des océans et leur étendue sur le globe. Les océans sont alors comparés à des thermostats (les océans régulent les températures) et à des poumons (ils fournissent 50 à 70% de l’oxygène que nous respirons). Cette première partie insite également sur l’importance des phytoplanctons dans les océans, point de départ du cycle alimentaire d’un nombre considérable d’êtres vivants sur terre. Ces phytoplanctons adhèrent aux microplastiques en suspension dans les océans ! De fait, tous les animaux de la chaine alimentaire marine vont manger du plastique !

Dans le guide de terrain, une première présentation est faite de ce qu’Ana Pêgo nomme la Plasticus maritimus, cette nouvelle espèce envahissante, et, comme pour toute espèce, les auteurs lui constituent sa fiche d’identification en précisant ses caractéristiques, sa couleur, sa taille, son mode déplacement et ses capacités mimétiques. « L’espèce a une telle capacité de transformation qu’on peut la confondre avec d’autres animaux » : elle peut imiter les méduses dont se nourrissent les tortues ou prendre la taille du plancton et se mêler à lui. Le plastique faite preuve d’une grande adaptation à tous les écosystèmes. Sa toxicité est généralement haute en fonction des additifs qu’il contient. 8 millions de tonnes de plastique finissent chaque année dans les océans. Il se pourrait bien qu’en 2050, il y ait, dans les mers, plus de plastique que de poissons, à en juger par le rapport 2016 de la Fondation Ellen MacArthur. Or le plastique n’est pas biodégradable et son temps approximatif de décomposition se situe entre 50 et 600 ans !

Après avoir dressé le portrait de l’ennemi, le guide aborde la question de la préparation de la sortie sur le terrain du beachcomber : la tenue, le sac à dos, le matériel, les meilleurs endroits pour trouver des déchets. Puis, suivent des pages indiquant au jeune beachcomber ce que l’on peut trouver sur les plages, que ce soit des objets du quotidien comme des objets exotiques tels que des bouées de bateau, des rations d’eau d’urgence tombées d’un bateau russe, des cigarettes chinoises qui ont traversé plusieurs océans. Les auteurs évoquent les divers naufrages de conteneurs qui ont libéré dans les océans toute leur cargaison de plastique. Entre 2008 et 2016, près de 1580 conteneurs sont tombés à l’eau en moyenne par an ! Ainsi, en 1997, 62 conteneurs tombent à la mer à la suite d’une tempête. L’un d’entre eux transportait 5 millions de pièces de Lego…

La dernière partie pose la question du recyclage : « peut-il suffire à nous rassurer ? »  Dans le monde, aujourd’hui, seulement 14% du plastique produit est trié et 10% environ est réellement recyclé. En Europe, le recyclage ne concerne que 40,9% des emballages en plastique. Qui plus est le plastique est un problème mondial et le recyclage n’est toujours pas généralisé dans le monde. Ana Pêgo énonce alors la règle des 7 « R » en guise de solution possible :

  • Repenser : Existe-t-il un produit de remplacement moins nuisible à l’environnement ? Ai-je vraiment besoin de ce produit ?
  • Refuser : tout type d’objets jetables, des ballons, des produits emballés dans du plastique inutile….
  • Réduire :
  • Réparer
  • Réutiliser
  • Recycler
  • Révolutionner : inciter d’autres personnes à repenser leurs usages du plastique.

Cet ouvrage primé, déjà conseillé dans le plan de lecture nationale au Portugal, est une véritable manuel du « petit activiste »… voire du plus grand. Il sensibilise, pose les problèmes forts et apporte des solutions concrètes. Sa qualité éditoriale est à souligner et le ton utilisé par les auteurs est agréable et très clair. Nous avons également apprécié les illustrations originales, toutes au crayon de couleur, réalisées par Bernardo P. Carvalho.