Cet ouvrage nous propose d’assister et de nous immiscer dans des échanges entre Michelle Perrot, historienne connue et reconnue pour ses travaux concernant la prison, la criminalité mais aussi pour ses engagements en faveur des femmes, de leur histoire et leur plus grande visibilité ; et Frédéric Chauvaud, universitaire lui aussi spécialisé dans le crime et son traitement.

Ces échanges, que l’on imagine au coin du feu ou dans l’atmosphère chaleureuse d’une bibliothèque, retracent le parcours de Michelle Perrot, de ses centres d’intérêt, ses rencontres et ses objets d’études.

La part belle est faite à la prison, son organisation et sa finalité. Qui enferme-t-on, pour quels motifs ? Dans quel but ?

Au chevet de la prison

Ce n’est qu’au début du XXe s que les historiens ont manifesté de l’intérêt pour les questions criminelles et leur traitement mais les individus disparaissent trop souvent derrière les statistiques. Il est donc ici question de leur donner de la visibilité et d’exposer leurs conditions de détention.

Dans cet ouvrage, les travaux de Michel Foucault sont omniprésents, il est question de l’incompréhension entre le philosophe et les historiens de son époque après la publication de « Surveiller et punir » en 1975. La confrontation des méthodes finira tout de même par faire avancer les mentalités et donne la parole à ceux qui vivent la prison de l’intérieur : les détenus.

C’est alors qu’une jonction se fait avec le monde politique, soucieux de « gérer les illégalismes ». Quel rôle donner à la sanction ?

Pour beaucoup la punition doit être douloureuse, la prison se veut « lieu de souffrance et de privation ». L’opinion publique réclame le durcissement des conditions d’incarcération et une société toujours plus punitive alors que les chercheurs s’interrogent sur les pratiques de la « prison républicaine » avec l’appui de Robert Badinter.

À l’ombre des hauts murs

Cette seconde partie nous invite à réfléchir sur l’espace et les formes architecturales les plus appropriées à la surveillance dans les prisons (modèle transposable dans d’autres structures comme les hôpitaux, les écoles, manufactures…)

Le panoptique, structure érigée en modèle pour « faire surveiller un grand nombre de gens par un tout petit nombre » joue sur le regard. Comment voir tout le monde, partout et à tout moment pour contrôler le plus efficacement possible ? Ces questions ont suscité l’intérêt des états désireux d’allier efficacité, maîtrise des coûts et (peut-être) rédemption.

L’encellulement prôné pour éviter la « contagion » est à mi-chemin entre la conception hygiéniste et monastique de la peine. La protection de la société passe par la prise de conscience du caractère criminel ou délictueux d’un acte et par la mise à l’écart de celui qui l’a commis.

Les femmes détenues ont toujours été minoritaires et leurs conditions de détention sont peu connues, à l’image de la place qu’elles occupent dans la société depuis le XIXe. Si l’État est en charge de la gestion des déviances dans l’espace public, la sphère privée est plutôt aux mains des hommes, chefs de famille ; les violences envers les femmes et les enfants sont alors tolérées, il s’agit de faire respecter l’ordre.

Le fait-divers

L’attrait pour le fait-divers est universel, car il nous confronte à nous même : à nos rêves, nos peurs, nos limites mais aussi notre part d’ombre. Selon les époques et les lieux, les sujets diffèrent agissant comme des révélateurs de nos sociétés et de ce qui y est plus ou moins acceptable. C’est en cela qu’il est un objet historique. L’attention portée aux révoltes frumentaires, aux phénomènes de bandes, aux crimes de sang ou plus récemment aux féminicides montrent les grandes orientations et évolutions de l’opinion publique.

Pour conclure ; la prison, objet du pouvoir n’est pas une priorité. Surpeuplée, délaissée, insalubre, elle demeure un outil archaïque, souvent jugé indigne. Retracer les évolutions de ce lieu, de son public et du regard porté sur ces éléments nous fait prendre conscience qu’il n’est question que de choix éminemment politiques. Les références aux auteurs et à leurs écrits sont multiples et passionnantes, l’écriture est fluide et vous ne manquerez pas de passer un excellent moment à la lecture de ces pages.