S’il est un pays qui a connu récemment le feu des projecteurs, c’est bien le Qatar avec la coupe du monde de football. C’est donc l’occasion de faire le point sur ce pays en compagnie de Christian Chesnot, spécialiste du Moyen Orient et grand reporter à RFI. Il est déjà l’auteur de plusieurs livres sur le sujet dont « Qatar papers » en 2019.

Le principe de cette collection régulièrement chroniquée sur notre site est donc d’éclairer la réalité d’un pays en l’abordant sous forme de questions regroupées dans des grandes thématiques.

Le Qatar, une ascension fulgurante

En moins de vingt ans, ce pays a connu une ascension inédite dans l’histoire. Grand comme la Corse, le Qatar n’est indépendant que depuis 1971. Il possède un fonds souverain dix fois plus important que celui de la France. Ce micro état ressemble à une multinationale qui pratique la diplomatie du carnet de chèques. Cette réussite économique comprend une face sombre comme son compagnonnage avec les Frères musulmans. Christian Chesnot invite donc le lecteur à étudier ce pays, source parfois de nombreux fantasmes.

Du côté de l’histoire

C’est le Royaume-Uni qui domina longtemps cette zone qui lui permettait de sécuriser son commerce avec l’Asie. Cheikh Jassim bin Mohammed bin Thani, né en 1878, est considéré comme le père fondateur du pays. Au passage, vous apprendrez peut-être que c’est en son honneur que la finale de la Coupe du monde de football a été jouée un 18 décembre, jour de sa naissance. Le Qatar ne dispose pas de site historique important et il a fallu une intense campagne de lobbying pour faire inscrire en 2013 un premier site du pays sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Le pays se caractérise aussi par sa faible population, aux alentours de 300 000 personnes, et sa structure clanique.

Comprendre l’organisation politique du pays

Chez les al-Thani, le pouvoir se transmet de père en fils mais pas automatiquement en faveur de l’ainé. Les coups d’état sont aussi une réalité comme le montre celui de 1995 où l’émir régnant est déposé par son fils Hamad. Celui-ci modernise le pays en quelques années, à tel point qu’on le qualifie d’architecte du miracle qatarien. Ce n’est pas un dogmatique et encore moins un idéologue. Il a décidé aussi en 2013 d’abdiquer de son vivant en faveur de son fils Tamim. On découvre aussi que derrière cette dynastie, d’autres familles influentes se partagent les leviers du pouvoir. Le pacte politico-social est clair : le soutien à la dynastie des al-Thani en échange d’un Etat providence généreux, nourri par la rente pétrolière et gazière. Des élections très encadrées viennent d’avoir lieu et, si on lit la constitution du pays, on pourrait avoir l’impression d’une démocratie. En réalité, aucune critique des autorités n’est tolérée. Il faut aussi savoir que le pays dépense 4,8 % de son PIB pour sa défense nationale.

Religion, médias et société

Le Qatar a adopté le wahhabisme mais sans garder sa forme la plus puritaine. Il autorise la consommation d’alcool dans certains lieux et sous certaines conditions. Cependant, on ne plaisante pas avec la conduite en état d’ébriété qui peut être sanctionnée par l’expulsion du pays. En dehors d’une exécution en 2020, le pays applique un moratoire sur la peine de mort. Il faut noter l’existence d’un important système de surveillance de masse et d’une condition des femmes marquée par la discrimination. Christian Chesnot précise ensuite comment s’est développée la chaine Al Jazeera et on sera peut-être surpris d’apprendre qu’une version inclusive s’y développe en ligne. Plus connu est le poids acquis par BeIN Sports en 2012. On estime que, rien qu’en France, ce ne serait pas moins de quatre millions de personnes qui regarderaient ses contenus de manière illégale.

Le miracle économique

Le Qatar, c’est surtout du gaz. Pour les foyers qatariens, l’eau et l’électricité sont gratuites. Ces avantages sont réservés aux citoyens alors qu’on estime que les étrangers représentent 90 % des habitants du pays. Point faible du pays, l’eau produite à 99 % par des usines de dessalement. Le Qatar importe aussi 80 % de ses besoins alimentaires. Produire sa propre nourriture est devenu pour le pays une affaire de sécurité nationale. Le pays se livre donc à des achats de terre à l’étranger. Pour faire face aux défis de demain, le fonds souverain du pays s’intéresse de plus en plus aux nouvelles technologies ou aux énergies renouvelables. Cela conduit aussi à des réorientations géographiques vers les Etats-Unis et l’Asie. Le pays cherche à occuper également le créneau du tourisme médical ou d’affaires.

Le Qatar et la France

Grand connaisseur de la région, Christian Chesnot dissèque les liens entre le Qatar et les différents présidents français. Nicolas Sarkozy semble avoir été très proche de Doha. Plusieurs témoignages montrent que le pays a établi un barème des cadeaux à offrir selon le rang de son interlocuteur. L’auteur détaille ensuite quelques-uns des investissements du Qatar en France : le pays est, par exemple, le premier actionnaire du groupe hôtelier français Accor. Ceci explique peut-être les conditions d’une convention fiscale franco-qatarienne particulièrement avantageuse pour ce dernier.

Le Qatar, nouvel acteur international

Le Qatar développe indéniablement son soft power ce qui lui permet de montrer son ouverture sur le monde, réaffirmer sa puissance par rapport à ses voisins et jouer dans la cour des grands pour l’organisation d’évènements sportifs majeurs. Le Qatar abrite une base américaine qui est la plus grande emprise militaire américaine au Moyen-Orient et, en même temps, une assurance vie pour le petit émirat. L’auteur propose ensuite une série d’approches sur les relations entre le Qatar et différents pays. Le pays a aussi multiplié depuis quinze ans les médiations entre acteurs de plusieurs crises graves. L’énergie est au coeur de la relation entre Doha et Pékin. La Grande-Bretagne est le pays d’Europe où l’émirat investit le plus.

La zone grise

Durant ces vingt dernières années, le Qatar est souvent intervenu pour dénouer des prises d’otages d’étrangers au Moyen-Orient en payant une rançon aux ravisseurs. Le pays cherche aussi à influencer par l’intermédiaire de journalistes. Il est difficile d’y voir clair, mais on peut pour le moins noter que « Le Point » eut souvent des difficultés avec les communicants du Qatar.

La coupe du monde de football

Difficile de ne pas consacrer quelques pages à cet évènement international. Plusieurs informations développées dans ces pages se sont retrouvées dans des articles récents comme le coût humain et financier de la Coupe du monde. C’est la première fois que, pour un tel évènement,  les stades sont si rapprochés. Le pays a accueilli un surcroit de population équivalent à la moitié de sa population. Vous serez peut-être étonnés d’apprendre que le patron du football international vit aujourd’hui à Doha avec sa famille.

Cet ouvrage de Christian Chesnot dresse donc un panorama très complet sur le pays. Il explique le miracle économique de ce petit territoire qui a su en quelques années se forger une place au niveau international malgré des zones grises indéniables.