Depuis 2013, la revue Urbanisme a changé de maquette. Elle entend être la « Revue de référence de ceux qui font la ville, de ceux qui la pensent, de ceux qui l’étudient et plus généralement de ceux qui l’aiment. […] Plus encore que par le passé, la revue veut dépasser les frontières, accueillir des auteurs de tous horizons et appréhender les transformations des villes à l’échelle mondiale. »
Ce numéro trimestriel de l’hiver 2020 contient un dossier de 42 pages intitulé « Scénarios pour une ville bas-carbone ». Il questionne les scénarios pour une ville bas-carbone et interroge les politiques mises en œuvre par les villes. C’est en effet là que se joue pour une large part la lutte contre le réchauffement climatique : 67% des émissions de Gaz a Effets de Serre proviennent des villes. Des experts de l’I4CE estiment qu’il faudra investir 15 à 18 milliards d’euros chaque année d’ici 2023 dans les seuls secteurs des énergies renouvelables, du transport et du logement pour s’engager vers la neutralité carbone. Pour l’économiste et urbaniste Jean HAËNTJENS, le niveau local a en effet plus de marges de manœuvre que les États et les villes, ou certaines d’entre elles, sont bien en avance sur la question du climat. Pendant que les Etats européens peinent à définir une politique énergétique commune, les villes européennes échangent leurs bonnes pratiques dans des réseaux comme Energy Cities. Plusieurs modèles apparaissent : la « ville frugale » (Copenhague), la smart city ou la « ville low-tech » (Medellin). A partir de ces 3 modèles, toutes les combinaisons son possibles. Pour la professeure d’aménagement et d’urbanisme Cyria EMELIANOFF, les approches de résilience territoriale doivent monter en puissance après la première vague de politiques de sobriété marquée par des tentatives pour faire changer échelle l’habitat passif, la réhabilitation thermique ou les modes doux. Dans un exercice de prospective, Jacques THEYS esquisse 6 chemins différents de transition vers la ville post-carbone de l’attentisme intelligent (scénario 1) à l’urbanité sobre (scénario 6). Mais les enjeux économiques et financiers sont énormes et pour Sabine BARLES, il ne suffira pas d’inventer une ville bas-carbone pour assurer la soutenabilité urbaine. La transition socio-écologique passe ainsi par une transformation profonde des sociétés. A Paris, l’APUR met en évidence plusieurs leviers : tirer parti de l’existant, massifier la réhabilitation du stock, utiliser des matériaux pauvres en carbone, exploiter les ressources énergétiques locales, optimiser les usages, exploiter le gisement du « déjà-là », végétaliser, désimperméabiliser, mutualiser à toutes les échelles. Plusieurs exemples et thèmes sont ensuite développés : le bilan mitigé des éco-quartiers (Fujisawa Sustainable Smart Town au Japon ou le Parc Marianne à Montpellier), le projet architectural, urbain et paysager du territoire transfrontalier du Grand Genève, une réflexion sur la place de la voiture, l’implication de l’UE avec l’objectif ZAN ou la création de réseaux internationaux de villes.
En-dehors de ce dossier mais parfois en le complétant, d’autres articles sont très intéressants sur l’écoquartier Besançon Viotte, le projet contesté de la « Gare du Nord 2024″ ou le design urbain collaboratif. L’urbaniste et économiste Jacques GRANGÉ se pose aussi la question de l’avenir des territoires aéroportuaires en utilisant les exemples de Roissy-Charles-de-Gaulle et l' »airport city » à Zurich. Enfin Patrice BERGER et Benjamin MICHELON traitent de la gestion des villes africaines, en plein boom. De nombreuses souffrent d’un manque de bonne gouvernance, d’une fiscalité peu efficace ou du manque de services essentiels. Pourtant d’ici 2050, 800 millions de nouveaux urbains devraient venir grossir les métropoles, villes secondaires et petites villes. Les superficies urbaines devraient être multipliées par 4, générant un doublement ou un triplement des quartiers précaires. Il faut donc dès maintenant penser à structurer a minima les périphéries en plein développement. Cette action préventive, permettant la création de centres secondaires ou de corridors verts, semble pourtant peu prise en compte. Par ailleurs, pour limiter la croissance des mégapoles africaines, les moyennes et petites villes doivent autant que possible capter et retenir les migrants ruraux en proposant des réseaux, des services et surtout des opportunités d’emplois pour toutes les populations.