Les Éditions Belin se sont associées à La Maison Anne Frank institution fondée en 1957 pour préserver le bâtiment du Prinsengracht qui a abrité la famille Frank entre 1942 et 1944, à Amsterdam.
Au delà de l’intrigue dont il sera question plus loin, on appréciera dans cette chronique la qualité du dessin et de la réalisation de ces deux albums. Éric Heuvel, le dessinateur s’inscrit dans la tradition de la bande dessinée belge, largement inspirée par la figure tutélaire de Hergé. On ne peut qu’admirer ici la précision du trait, les soigneuses reconstitutions des décors et des véhicules, le dynamisme des personnages qui sont sagement disposés dans leurs cases. Le soin attentif donné aussi à la colorisation donne envie d’ouvrir ces deux albums. Ici aussi, l’école belge, que l’on retrouve chez Lefranc par exemple, a laissé ses marques.
C’est sans doute ce choix qui n’est pas révolutionnaire du point de vue de la conception graphique qui donne encore plus de prix à ces deux albums du point de vue de l’intérêt historique et même pédagogique.
Les deux récits fournissent en effet des informations précises sur ce qu’a été l’occupation dans le premier album et la trajectoire d’une jeune juive rescapée des rafles de septembre 1942 à Amsterdam dans le second.
Un secret de famille
Le cœur de l’intrigue est le destin de deux familles sous l’occupation allemande raconté à un enfant. En fouillant dans le grenier, un jeune garçon découvre de nombreuses choses datant de la guerre : des coupures de journaux, des photos, une étoile jaune… Il interroge sa grand-mère qui lui raconte l’histoire de sa famille et de celle de sa voisine et meilleure amie, une jeune juive menacée par les nazis. Un récit captivant qui permet d’aborder de façon fine et nuancée de très nombreux aspects du destin des Juifs dans l’Europe sous domination nazie.
L’album évoque aussi de façon très nuancée le cas du père de l’amie d’Esther, un de ces fonctionnaires néerlandais qui s’est soumis à l’autorité de la puissance occupante mais qui sauve quand même la vie de la jeune juive. Le frère de l’amie d’Esther participe aussi à l’aventure de ces soldats perdus, les SS de la division Nederland qui ont participé à l& guerre des nazis sur le front de l’Est.
Aucun sujet n’est tabou dans cet album, y compris celui des femmes tondues à la libération, le marché noir et celui des profiteurs de guerre.
La quête d’Esther
Dans cet album on retrouve la jeune Esther qui a pu partir aux États-Unis. Grand-mère, elle a pu retrouver son amie d’enfance et cherche des réponses à ses questions: Que sont devenus les paysans qui l’ont cachée et sauvée des nazis pendant la guerre ? Qu’est devenu Bob, son ancien amoureux ? Comment ses parent, déportés dans le camp d’Auschwitz, ont-ils disparus?
Ici aussi, rien n’est oublié, pas plus la shoah par balles que la conférence de Wansee, le tri dans les camps, et les tentatives de révoltes des déportés, mais aussi les violences entre détenus. Le seul aspect qui est omis est celui des expérimentations « médicales » dans les camps et celui de l’esclavage sexuel. Mais cela s’explique par l’âge du public auquel ces albums sont destinés.
On trouve également une évocation très précise du silence des alliés à propos de la solution finale mais pas de celui de Pie XII.
On ne peut qu’apprécier ce type de réalisation des éditions Belin qui ne choisissent jamais la facilité et qui ont déjà fait des choix éditoriaux très courageux. Utiliser le support de la bande dessinée pour faire découvrir une histoire importante est évidemment une bonne idée, mais le faire avec un travail de cette qualité documentaire l’est encore plus. On ne peut qu’espérer trouver ces deux albums dans tous les CDI des collèges de France et de Navarre, et même, n’hésitons pas, des lycées tant la qualité du dessin et la précision documentaire les rendent aptes à être découverts par tous les publics.
Bruno Modica
COLLECTION ANNE FRANK – A partir de 11 ans 64 pages – 11 €