Les albums édités par la maison HongFei ont l’art de cultiver la délicatesse. Le volume que l’on doit à Nicolas Jolivot le confirme. Présenté comme « artiste carnettiste », celui-ci sillonne des régions, des villes, s’arrêtant le temps d’un croquis, d’une aquarelle.

Ses pas l’ont porté un peu partout, mais la Chine est apparemment l’une de ses terres de prédilection. Il en retiré certaines de ses œuvres, dont Le Calligraphe (HongFei, 2013), ses Carnets de Chine (Élytis, 2014), Chine. Scènes de la vie quotidienne (HongFei, 2014), ce dernier opus ayant été recompensé par plusieurs prix.

De Shanghai, on a surtout la vision d’une ville résolument inscrite dans la modernité, avec les ouvrages audacieux de Pudong. On a aussi celles que nous proposent Hergé dans Le Lotus bleu (1934-1935), ou André Malraux avec La Condition humaine (1933). Ce sont ces différentes villes dans la mégapole que l’on s’apprête à parcourir en suivant Nicolas Jolivot. Il nous emmène au gré de six chapitres :

  1. De la place du Peuple vers la vieille ville ;
  2. De la vieille ville au Bund ;
  3. Gratte-ciel et temps de pose ;
  4. Downtown et les lilongs ;
  5. Vers le parc Zhongsan ;
  6. Dans l’ancienne concession française.

Mais on est loin du touriste. Nicolas Jolivot est un flâneur, qui prend le temps de considérer le bâti mais aussi les hommes, qu’il saisit dans leurs activités, leurs interpellations, leur repos… On a ainsi de très beaux crayonnés, des aquarelles qui donnent à voir la diversité de la ville. Son souci du détail va jusqu’à reproduire un carton d’emballage de bouteilles, représentant le trafic commercial entre Shanghai et Paris (p. 42-43).
Shanghai. Promenades n’est pas qu’un album graphique. Nicolas Jolivot a complété ses dessins par un texte où il expose la façon dont il voit la grande mégapole, les scènes auxquels il assiste (un accident entre un piéton et un cycliste, p. 96), mais aussi les rapports qu’il établit avec ses habitants. Il confronte la ville moderne aux quartiers anciens qu’elle mange peu à peu. Il nous en montre le caractère cosmopolite, ce qui contredira les préjugés que nous pourrions avoir, notamment à l’occasion de sa visite de l’ancienne concession française, dont de nombreuses traces subsistent comme des panneaux en français.

L’éditeur recommande l’album aux plus de treize ans. J’aurais cependant tendance à le conseiller déjà à des élèves de fin de cours moyen : le texte et les illustrations leur permettront de découvrir la mégalopole sans aucun problème, et cela aura le mérite de leur ouvrir des horizons insoupçonnés. Le volume m’a rappelé les ouvrages pour enfants portant sur l’Orient et l’Extrême-Orient édités il y a une centaine d’années, même si le regard porté était résolument extérieur. Là, au contraire, l’auteur s’est mis au niveau des habitants.

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