Avec Simone, Jean-David Morvan, David Evrard et Walter Pezzali poursuivent le travail déjà amorcé dans Irena : raconter l’histoire, non pas de manière froide et distante, mais en redonnant chair, voix et regard à celles et ceux qui l’ont vécue.

La trilogie retrace le destin de Simone Lagrange, jeune résistante juive lyonnaise arrêtée, torturée par Klaus Barbie, déportée à Birkenau et survivante de l’extermination nazie. Mais elle montre aussi la femme qu’elle devient : témoin, combattante de la mémoire, figure majeure du procès Barbie et adversaire déterminée des négationnistes.

Ce troisième tome vient clore ce récit en mêlant la fin de la guerre, la marche de la mort, la libération… et le temps du témoignage, bien plus tard, lorsque Simone, adulte, refuse l’oubli. C’est une BD qui se lit avec émotion, admiration et souvent avec la gorge serrée.

Résumé du tome 3

Nous sommes en janvier 1945. Le camp est à la fois chaos et tension : on sent la fin approcher, mais rien n’est apaisé. Au contraire, la violence s’intensifie. Les gardiens organisent les premières évacuations. Commence alors la terrible marche de la mort. Simone n’a que sa force intérieure, sa détermination et quelques solidarités humaines fragiles pour tenir. Les auteurs montrent à la fois l’horreur physique, l’épuisement, les pertes, mais aussi cette volonté vitale, presque incompréhensible, de continuer.

Le récit ne reste cependant pas enfermé dans 1945 : comme dans les autres tomes, l’album navigue entre trois temporalités :
• la fin de la guerre et la survie au milieu de l’indicible,
• le procès de Klaus Barbie, où Simone témoigne et fait entendre la vérité,
• les années 1980, où elle prend la parole dans les écoles et les institutions pour empêcher le retour de l’oubli et combattre le négationnisme.

Ce jeu de va-et-vient donne une profondeur rare : on ne lit pas seulement l’histoire d’une adolescente victime, mais aussi celle d’une femme qui a décidé que ce passé devait servir.


Un fond historique remarquablement représenté

Pour un enseignant d’histoire-géographie, c’est frappant : tout sonne juste. Les auteurs ne simplifient pas l’Histoire, ils la rendent compréhensible.
• La chronologie est fidèle : Vichy, déportation, Drancy, Birkenau, libération progressive de l’Europe, procès Barbie…
• Les notions clés sont perceptibles : antichambre de l’extermination, système concentrationnaire, marches de la mort, lente reconnaissance des crimes, rôle du témoignage.
• On retrouve également la manière dont la société française a mis du temps à entendre la parole des victimes, ce qui permet d’aborder la question de la mémoire autant que celle de l’Histoire.

On sent un vrai travail documentaire derrière l’émotion. Pour un public scolaire, c’est un support fiable, solide et accessible.

Des choix graphiques au service d’un destin exceptionnel

Les dessins de David Evrard peuvent surprendre : traits ronds, expressifs, presque “doux”. Pourtant, ce choix fonctionne extrêmement bien. Il n’édulcore pas l’horreur ; il la rend supportable sans la minimiser. Cette distance graphique permet de lire l’album sans être écrasé, tout en ressentant pleinement la violence des situations.

Les regards sont particulièrement réussis : celui de la jeune Simone, à la fois fragile et déterminée, et celui de la Simone adulte, blessée mais droite, portent le récit. Les couleurs de Walter Pezzali accompagnent admirablement ces atmosphères : sombres, froides, étouffantes dans le camp ; plus lumineuses mais graves lorsque vient le temps du témoignage.

Le résultat est une œuvre émouvante, lisible par des adolescents, mais jamais simpliste. Certains de mes collégiens ont lu et beaucoup aimé la trilogie.

Un outil pédagogique puissant pour le collège et le lycée

Cet album — et plus largement la trilogie — est une ressource d’une grande richesse pour nos cours.

Au collège
• Il permet d’accompagner l’étude de la Seconde Guerre mondiale, de la Shoah et du régime de Vichy.
• Il humanise des notions parfois trop théoriques (déportation, barbarie nazie, résistance).
• Il permet de travailler l’empathie historique, la compréhension du vécu des victimes et la question du témoignage.

Au lycée
• Il ouvre sur la construction des mémoires après-guerre, la justice internationale, le procès Barbie.
• Il nourrit la réflexion civique : lutter contre le négationnisme, comprendre pourquoi témoigner reste essentiel.
• Il peut servir de support à des travaux d’oral, d’analyse de documents iconographiques, ou à des projets interdisciplinaires (Histoire – Français – EMC).
L’album est aussi très adapté pour susciter la parole des élèves : il touche, il questionne, il marque.

Conclusion : Une conclusion bouleversante et essentielle d’un triptyque mémoriel

Ce troisième tome referme la trilogie avec une intensité rare. J’y ai retrouvé ce qui me semble fondamental quand on enseigne l’histoire : mettre des noms, des visages, des voix derrière les événements. Simone n’est plus une victime parmi d’autres : c’est une adolescente courageuse, une femme combative, une conscience morale.

Le triptyque Simone réussit un pari difficile : parler de l’indicible sans voyeurisme, transmettre sans écraser, rappeler sans moraliser. C’est une lecture bouleversante, nécessaire, et à mes yeux, un formidable outil pour nourrir la réflexion de nos élèves et renforcer ce devoir de mémoire qui nous concerne tous.