Dans un Japon d’autrefois réinventé, ravagé par des guerres civiles, de profondes injustices et une extrême violence, les chats se sont regroupés en sociétés aussi efficacement que leurs maîtres. Les « domestiqués », des chats appartenant à de grands seigneurs humains, dominent ces sociétés félines, s’enrichissant au détriment des autres chats. Norachiyo, un chamouraï vagabond, erre dans ce Japon féodal. Le passé qu’il pensait avoir laissé derrière lui continue, néanmoins, de le hanter et lorsque ses ennemis sortent de l’ombre les uns après les autres. Il réalise très vite qu’il va devoir user de son sabre s’il veut trouver l’endroit où il pourra enfin reposer en paix…

Un récit de samouraï qui sort de l’ordinaire

Nekogahara est un récit d’action historico-fantastique qui plonge les lecteurs dans un Japon féodal peuplé de chats anthropomorphes. L’intrigue adopte un schéma assez classique où le héros, ambigu et torturé, privé de son maître, erre sans autre but que de trouver un endroit où mourir en paix. Mais, malgré ce scénario qui semble, au premier abord assez basique, Nekogahara est un récit assez atypique sur bien des aspects.

Norachiyo est un véritable anti-héros, hargneux, renfrogné, féroce et incontrôlable. Tout au long de ce tome, il ne cesse de découper ses ennemis. Ce personnage rempli de contradictions, sauvage et méfiant, réfractaire à toute relation avec les autres, aide cependant la veuve et l’orphelin dès qu’il le peut. Même s’il n’a plus de maître, il reste attaché à son honneur et aux valeurs des samouraïs. Il a en horreur l’hypocrisie et la cupidité de certains chats qui traitent leurs semblables avec mépris. Il n’hésite pas à user de stratégies très sournoises contre ses adversaires. Il abat sans pitié ceux qui, selon lui, ont oublié les vertus du vagabondage et ne se comportent pas comme des félins honorables. Ses actes revanchards gagnent en violence au fil des chapitres, à mesure qu’il poursuit son errance, s’attirant de plus en plus d’ennemis.

Ce premier tome pose les bases de cette série en cinq tomes. Un fil rouge s’installe doucement, avec le mystère du passé du héros, le vieux chamouraï Norachiyo. Ce passé sera sans doute développé par la suite, de même que l’intrigue. En alternant des scènes de combats intenses et des moments plus contemplatifs, presque sereins, l’auteur parvient à mettre en place un rythme entraînant et à immerger le lecteur dans son univers.

Un univers original

La société imaginée par Horoyuki Takei, où les chats remplacent les humains, est une trouvaille des plus originales. Au travers de cette idée ingénieuse de faire manier le sabre à des matous tous plus cruels les uns que les autres, le mangaka, à qui l’on doit notamment la série Shaman King, crée un univers qui traite, de manière indirecte, du rapport entre le chat et l’humain. Cette thématique, qui mérite d’être développée et précisée (sans doute dans les prochains tomes), est un des points fort de ce premier tome.

Autre point intéressant, la violence de cette société très sombre offre un contraste saisissant avec l’aspect mignon des félins. L’auteur joue habilement entre les styles en mélangeant fable animalière et manga de samouraï, sortant ainsi des sentiers battus. Le décalage entre les deux univers est intéressant.

L’utilisation des animaux comme protagonistes, avec un design calqué sur les différentes races de chat, donne lieu à de très belles planches (bien que parfois un peu confuses), notamment dans les moments d’action. Les graphismes, grâce à un joli jeu d’encrage et à des traits épurés, rappelle un peu le style des estampes.

Ce premier tome de Nekogahara devrait plaire aux amateurs d’histoires de samouraï et de Japon féodal.