Ce livre s’inscrit dans la litanie des ouvrages qui paraissent en cette année olympique autour du sport, de sa place et de sa vision dans notre société.

La France, malgré ses résultats sportifs tout à fait corrects et une présence médiatique non négligeable du sport, n’est pas véritablement un pays de sport, dans le sens où la culture sport est souvent reléguée au second plan voire méprisée, notamment si on compare son importance avec d’autres pays voisins. Pourtant, derrière les pratiques sportives, il y a des enjeux, des réflexions et des parcours qui témoignent de la diversité des athlètes et des encadrants.

Ce livre a pour ambition de retracer l’aventure contemporaine du sport. Choisir de s’intéresser au moment charnière de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, c’est faire un pas dans le long chemin qui mène à la professionnalisation du sport, à sa présence médiatique quotidienne, à la déification de certains sportifs de haut niveau.

Pour cela, Antoine de Baecque choisit d’alterner dans 12 chapitres des moments et des figures du sport français. Parmi ces figures, l’inévitable Pierre de Coubertin et sa relance des Jeux Olympiques, des athlètes hors du commun comme Violette Morrison ou Alice Milliat, des précurseurs du culte du corps sain dans un esprit sain comme Edmond Desbonnet ou Georges Demenÿ. Impossible de les citer tous, car la liste est évidemment très longue et l’ouvrage très exhaustif.

Parmi les moments phares, le marathon de 1900, la Grande Guerre, l’instauration du mythique Tour de France ou encore le savoureux chapitre « Nager dans la Seine » qui prend une dimension particulière à quelques semaines des Jeux Olympiques. Pourquoi ces moments? Ils incarnent des manières de voir le sport et ce basculement vers la modernité: la médiatisation progressive, les enjeux politiques et géopolitiques derrière, la recherche des Heracles modernes, les querelles d’ego des organisateurs, politiciens et sportifs impliqués.

Derrière ces chapitres apparaît aussi la foule. En 1900, les Jeux Olympiques ne sont qu’une attraction parmi d’autres de l’Exposition universelle organisée à Paris. En 1924, le scandale Pélissier prend une tournure nationale car le Tour de France est devenu un spectacle, au prix de la souffrance absolue des cyclistes. Entre-temps, la guerre aura aussi mobilisé l’esprit nationaliste et chauvin: le sport devient une guerre en miniature et la foule, influencée par le développement de la presse sportive, choisit ses héros et cible ses opposants.

A travers le sport, c’est aussi la société qui évolue. Comment arriver à réconcilier le misogyne et très conservateur Pierre de Coubertin avec Violette Morris qui assume son homosexualité malgré son mariage en bonne et due forme de l’époque? Comment arrive-t-on aux Jeux mondiaux féminins de 1922 alors qu’en 1920 Pierre de Coubertin et le CIO refusent l’idée-même de présence féminine parmi les sportifs? Pour prolonger l’ouvrage, comment faire le triomphe en 1936 de Jesse Owens alors que (toujours) ce même Coubertin professe l’inégalité des races humaines et la supériorité de l’Homme blanc? Ce livre interroge de manière extrêmement détaillée et sourcée tous ces paradoxes qui font du sport un thème éminemment sociétal.

Au final, un ouvrage d’une grande richesse qui permet à la fois de se préparer à la fête sportive de cet été, en se remémorant une partie du chemin parcouru, mais également de remettre en lumière l’importance sociale, économique, politique du sport dans notre société. Un vrai plaisir de lecture.

Présentation de l’ouvrage et de l’auteur

À l’orée du XXe siècle, le sport signe l’avènement d’une culture de masse et d’une nouvelle forme de spectacle public. La passion du sport à la Belle Époque est l’acte inaugural d’une religion séculière, les stades devenant les nouveaux temples où chacun se grise de la dramaturgie des corps ou de la gloire de la patrie. Les sportifs incarnent les dieux émergents que l’on vénère en projetant sur eux sentiments esthétiques, sensations physiques, espoirs de relèvement et de revanche. Boxe, cyclisme, course à pied, natation ou football prennent alors un essor irrésistible, attirant par dizaine de milliers de nouveaux « supporters », soutenus et encouragés par la presse sportive naissante  ̶ dont les tirages dépassent tous les records.

Héroïsation des vainqueurs, sport business, culture des fans, renaissance des Jeux olympiques ou encore naissance des stades, la pratique du sport moderne se structure à la Belle Époque, ce dont fait récit Antoine de Baecque dans ce livre aussi original que novateur. »